Face aux géants de l’éolien, les particuliers impuissants :
la preuve par l’Irlande

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Une affaire interminable qui oppose des résidents de Ballyduff du comté de West Waterford en Irlande montre à quel point il est difficile pour des particuliers de faire respecter leurs droits – et le droit tout court – face aux géants de l’éolien. Ils ont l’impression de faire les frais de la mise en place de l’énergie renouvelable alors qu’ils subissent le bruit incessant des turbines. Impossible d’obtenir des réponses à des questions simples : impuissants, les habitants sous le vent de Barnafaddock Wind Farm ont l’impression de se faire mener en bateau.
 
C’est un pittoresque village au pied des monts Knockmealdown qui est le théâtre de ce bras-de-fer entre deux parties aux forces très inégales. D’un côté, les autorités locales et les propriétaires du parc éolien. De l’autre, quelques habitants qui ont perdu la tranquillité de leurs habitations rurales isolées et qui s’épuisent à demander des explications qui ne viennent jamais.
 

En Irlande, les particuliers n’obtiennent pas de réponses sur l’éolien

 
« Les » propriétaires : dans un domaine où les subventions sont multiples et les enjeux financiers importants, le parc éolien de Barnafaddock n’a cessé de changer de mains. Entre le moment où les autorisations ont été données et celui où la construction a commencé, en 2014, le parc avait déjà été vendu une fois ; pendant la phase de construction, c’est le géant américain GE Electric qui reprenait l’affaire et en 2016, enfin en phase d’activité, le parc devenait la propriété d’un fonds d’investissement américain en partenariat avec des hommes d’affaires irlandais réunis sous le nom de Blackrock.
 
Entre-temps, les habitants avaient eu le temps de se rendre compte des nuisances sonores des 11 turbines construites. Cela va de l’impression que le réfrigérateur se met en marche à la peur de croire qu’une voiture s’approche de vous par l’arrière quand vous vous promenez dehors ; voilà qui est encore supportable. Mais quand le vent tourne et vient de l’Ouest, et surtout en hiver, le bruit s’accentue. Pire : il est toujours là, spécialement remarquable la nuit lorsqu’on n’entend que lui, si bien qu’un logement loué par l’un des propriétaires riverains du parc est devenu quasiment invivable. Les locataires s’en remettent aux somnifères…
 
En échange de ces nuisances, les droits versés par les gérants du parc servent à financer des clubs sportifs ou sociaux. Piètre consolation pour les voisins les plus gênés…
 

Nuisances sonores et irrespect des normes au parc éolien de Barnafaddock

 
En creusant, les opposants ont découvert que les autorisations données ont très probablement été outrepassées par les constructeurs : les turbines devaient avoir des pales d’un diamètre de 90 mètres et en définitive, plusieurs de celles qui ont été installées font 103 mètres. Celles-ci permettent de générer davantage d’électricité mais elles sont aussi nettement plus bruyantes. Pour une partie des éoliennes, le diamètre n’était même pas donné. La déclaration d’impact environnemental ne porte en tout cas nullement la trace de la présence de turbines plus importantes. Toutes les démarches des riverains auprès des autorités locales pour obtenir les renseignements prouvant que la loi avait été respectée et que les répercussions sonores du fonctionnement des turbines avaient été prises en compte se sont soldées, pendant de longs mois, par un silence absolu de la part du conseil local.
 
Il se trouve que les gérants de parcs éoliens sont tenus de réaliser une étude de l’impact sonore des turbines dans l’année qui suit leur installation. Ils ont le libre choix des experts et ce sont eux qui les paient. En l’occurrence, l’étude menée à la demande de GE abouti au constat qu’il n’y avait aucun problème et que les normes étaient respectées. Un habitant néerlandais, qui vit à Ballyduff depuis 12 ans, a accueilli le rapport avec scepticisme. Il a commandé lui-même un rapport d’expert qui aboutit à la conclusion qu’à certains moments, le bruit dépasse bel et bien les limites. Informé, le conseil municipal… n’a rien fait.
 

Le conseil municipal balaie les demandes des riverains, impuissants

 
Celui-ci refuse même d’apporter la preuve que le terrain d’implantation est correctement assuré et qu’il a fait les contrôles nécessaires.
 
Il apparaît donc que toutes les limites peuvent être dépassées par les constructeurs de parcs éoliens, même en présence de critères précis dans les documents officiels, parfois en leur absence étrange, mais que le quidam n’y peut absolument rien. En tout cas, le conseil de Waterford a systématiquement refusé de vérifier la conformité du parc et même de tenir compte des remarques des habitants. Ceux-ci ont fini par recevoir une réponse hors sujet qui se contente de dire que les autorités locales estiment que tout va bien.
 
Comme si les lois sur les parcs éoliens avaient pour seul objectif de donner l’impression d’un contrôle qui n’existe pas dans la réalité.
 

Anne Dolhein