La Hongrie contre les migrants : le « mur de la honte » ou la clôture de survie ?!

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Mercredi, le gouvernement conservateur dirigé par Viktor Orban a annoncé son intention de fermer la frontière avec la Serbie, principale voie d’accès des migrants qui arrivent par « la route des Balkan » : il compte y élever sur 175 kilomètres, une clôture de 4 mètres de hauteur. « L’immigration est l’un des principaux problèmes de l’Union européenne. Les États membres de l’UE sont en train de chercher des solutions mais la Hongrie ne peut plus attendre », a déclaré le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto. Les travaux commenceront dès l’achèvement de la phase préparatoire prévu le 24 juin. De Bruxelles à l’ONU, tout le monde s’indigne de ce « mur de la honte » – sans parler de la Serbie. Mais la Hongrie a le droit de le faire : c’est ce qui les énerve le plus.
 

Hongrie : 120.000 migrants-réfugiés pour 2015

 
La décision aurait-elle été prise au soir du sommet réunissant, mardi 16 juin, les vingt-huit ministres de l’Intérieur au Luxembourg à propos de la répartition solidaire des migrants au sein de l’UE… ? Peu importe. De toute façon, cette réunion n’a rien donné de concluant, preuve que le problème se révèle plus épineux que prévu (ah si ! notre Cazeneuve national a déclaré que « pour trouver de bonnes solutions, il ne [fallait] pas être dans la recherche de la tension »…)
 
La Hongrie est, de fait, le point de rencontre de plusieurs couloirs d’immigration et subit une pression sans précédent – c’est le deuxième pays de l’UE qui accueille le plus de migrants proportionnellement à sa population. De 2.000 réfugiés en 2012, elle est passée à 54.000 sur les seuls cinq premiers mois de 2015… une année qui pourrait cumuler au total l’arrivée de 120.000 réfugiés selon Hungarian Free Press. 95% d’entre eux arrivent par la frontière avec la Serbie – la plupart venant de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. En janvier et en février, s’y sont joints des milliers de Kosovars, poussés à l’exode par la situation économique…
 

« Le mur de la honte » : l’ONU et l’Europe froncent les sourcils

 
Mais un mur, quand même ! C’est régressif, c’est coercitif… A côté d’une certaine presse de droite qui a salué cette réaction musclée, la tendance a plutôt été à l’invective et à l’indignation. Le quotidien de Turin La Stampa, a parlé du « mur de la discrimination ethnique ». L’International Business Times a déploré un point d’orgue de « l’hystérie anti-migrants » européenne. Ça choque : on a si peu l’habitude, en Europe, d’être libre…
 
La Serbie, en premier lieu, directement concernée, s’est dite surprise et très ennuyée. « La solution n’est pas de dresser des murs. La Serbie ne peut pas être responsable de la situation créée par les migrants, nous ne sommes qu’un pays de transit. La Serbie est-elle responsable de la crise en Syrie ? » s’est interrogé son Premier ministre, sans doute suffisamment inquiet que ces gens, généralement « de passage » ne se trouvent contraints à demeurer dans son pays…
 
Et les grandes instances ont fait leur déclaration. Un responsable de l’ONU a décrété que cette décision renforçait l’activité (?) des trafiquants et la vulnérabilité des migrants. « Pour moi c’est la réponse national-populiste à ce problème (…) exactement le contraire de ce qu’il faut faire pour le traiter. »
 
La Commission européenne a exprimé également ses réticences. « Nous n’avons abattu que récemment des murs en Europe, nous ne devrions pas nous mettre à en construire de nouveaux ». Selon elle, « les États membres ont effectivement la responsabilité de sécuriser leurs frontières. Toutefois, toute mesure (…) doit être véritablement conforme aux règles européennes et obligations internationales de l’UE en matière d’accueil de demandeurs d’asile et de réfugiés, ainsi qu’avec le principe humanitaire de non refoulement ».
 

Clôture de la frontière : « Une nouvelle manœuvre populiste du gouvernement Orban » ?!

 
Seulement, cette mesure est en tout point conforme aux traités internationaux, comme l’a rappelé le ministre des affaires étrangères hongrois. Car la Serbie ne fait pas partie de l’Europe, a fortiori de l’espace Schengen : la Hongrie peut donc fermer librement sa frontière. Et le porte-parole du gouvernement a vigoureusement rejeté les comparaisons avec le Rideau de fer : « Nous n’avons pas affaire aujourd’hui à un problème intra-européen comme lors de la Guerre froide, mais à des gens arrivant de pays tiers ». Rappelons que la population est en majorité derrière son président et ces mesures, quoi que s’acharnent à nous faire croire les médias occidentaux, évidemment très critiques à son encontre.
 
A l’échelle mondiale, la réalité est catastrophique. Selon le tout nouveau rapport du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies, le nombre de déplacés et de réfugiés a atteint en 2014 le record de 60 millions, contre 37,5 millions il y a dix ans. Cette même année, à peine 127.000 réfugiés ont pu retourner dans leur région… « Nous ne sommes plus capables de ramasser les morceaux », s’alarme le HCR.
 
Alors, il y a en Europe, un indicible mouvement de repli. De l’immense grillage de Calais financé à hauteur de 15 millions d’euros par le Royaume-Uni à celui de la Grèce, en passant par ceux renforcés des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc. Mais Bruxelles force et laisse peser de plus plus lourdement le manteau de la culpabilisation sur nos épaules – sans compter d’autres arguments plus concrets. Viktor Orban a décidé, lui, de s’en délester.
 

Clémentine Jallais