Inflation net zéro ? Avec le passage au vert, les experts avertissent qu’il n’en sera rien

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Pas si simple… Nous vendrait-on du rêve ? Le passage au vert risque, en fait, de virer au rouge pour des millions de personnes, comme l’ont affirmé plusieurs experts dont l’économiste en chef britannique pour la zone euro chez Nomura. La transition vers le zéro net sera coûteuse : aller de l’avant rendra, selon lui, l’objectif d’inflation de 2 % de la Banque d’Angleterre « de plus en plus difficile à atteindre ».

Ou comment l’obsession idéologique des élites va être payée par les personnes les moins riches.

 

La transition au vert coûtera cher

Comme le notait The Telegraph, on nous a donné à rêver une belle utopie. Une énergie propre, abondante, accessible à tous. Des millions de nouveaux emplois, des économies florissantes et un monde plus vert. Des factures réduites, de l’argent économisé sur les dépenses en lumière et en chaleur, et injecté ailleurs pour le plus grand bien-être de chacun…

Que nenni.

A mesure que la transition vers le zéro net s’accélère et que les énergies éolienne et solaire remplacent le pétrole et le gaz, il devient de plus en plus clair que les prix ne baissent pas rapidement. Au lieu de cela, les experts craignent que le passage au vert n’aggrave même la crise de l’inflation.

« La transition verte coûtera cher et, si la collecte des impôts ne suit pas l’augmentation des dépenses, il y aura un impact budgétaire expansionniste qui pourrait ajouter à la demande économique par rapport à l’offre, et donc à l’inflation », a déclaré George Buckley, économiste en chef pour la zone euro chez Nomura.

 

Inflation net zéro : une utopie complète

C’est tout simplement l’exact inverse de ce que nous prédisent et nous serinent les banques centrales selon lesquelles plus on avancera vers la transition, mieux ça ira… « La transition du net zéro est désinflationniste », a insisté Mark Carney dans un discours l’année dernière. L’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre a réitéré cette affirmation le mois dernier, admettant que même si les prix augmenteraient probablement pendant environ une décennie dans la poursuite du zéro net, le passage au vert contribuera finalement à maintenir l’inflation à un niveau bas et stable.

« L’énergie propre est moins chère. C’est moins cher aujourd’hui, et ce sera encore moins cher demain, et ce sera moins volatil que le système que nous avons », a-t-il déclaré au Telegraph dans une interview. Il faut une fin rapide des combustibles fossiles !

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a abondé dans son sens : « les phénomènes météorologiques extrêmes peuvent endommager les infrastructures, ravager les récoltes et perturber les chaînes d’approvisionnement », avait-elle déclaré dans un discours l’année dernière. « Cela peut faire grimper les prix des produits clés et ainsi alimenter l’inflation, ce qui rend plus difficile pour nous de maintenir la stabilité des prix. En revanche, des efforts renforcés pour réorienter notre approvisionnement énergétique vers des énergies renouvelables plus économiques devraient à terme contribuer à ralentir l’inflation. » Bizarrement, personne n’imagine que les « phénomènes météorologiques extrêmes » puissent endommager panneaux solaires et éoliennes, et pourtant

 

La question des matériaux stratégiques

Qui croire ? Déjà, la question des matériaux pose un problème épineux. Si l’investissement contribue à stimuler l’innovation et à accroître la productivité, ce qui contribue à réduire les pressions sur les prix, il exerce également « une pression croissante sur les approvisionnements limités en minerais », nous dit George Buckley.

Il ne faut pas l’oublier. Les éoliennes, les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries sont tous fabriqués avec des éléments de terres rares et des métaux critiques. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime, par exemple, que la construction d’une centrale éolienne offshore nécessite sept fois plus de cuivre qu’une centrale à gaz. Sur un autre plan, les véhicules électriques à batterie sont généralement 15 à 20 % plus lourds que les véhicules à moteur à combustion interne comparables et deviendront donc un moteur clé de la demande de matériaux dans les décennies à venir.

Les objectifs climatiques de plus en plus ambitieux (et irréalistes) modifient les chaînes d’approvisionnement mondiales : la transition vers une économie à zéro émission nette a engendré aussi une « transition des matériaux ».

L’approvisionnement se développera-t-il à la vitesse requise ?

Pour Azad Zangana, économiste européen senior chez Schroders, le défi s’aggravera à mesure qu’un nombre croissant de nations passeront au vert. « Alors que de plus en plus de pays dans le monde commencent à s’engager sur la voie de la transition énergétique, il y aura une demande accrue pour certains produits de base très difficiles à trouver, comme les terres rares et diverses autres formes de métaux qui sont actuellement rares » : le coût de la transition commencera à augmenter de façon exponentielle.

Ce même économiste souligne aussi de nombreux pays prennent conscience du fait que la demande pour leurs ressources naturelles ne fera que croître…

Le Chili, qui détient l’une des plus grandes réserves de lithium de la planète, a annoncé en avril qu’il nationaliserait l’industrie, donnant au gouvernement le contrôle des approvisionnements – et des prix. Le Mexique a également nationalisé ses gisements de lithium l’année dernière et l’Indonésie a interdit les exportations de minerai de nickel, un matériau clé pour les batteries, au début de la décennie. « Dans la mesure où l’offre de ces [minéraux et métaux] est relativement inélastique, une demande accrue peut faire grimper considérablement les coûts mondiaux. »

 

« Le système décarboné sera plus cher » : Patrick Pouyanné, TotalEnergies

Et puis, ce n’est pas tout. Lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence, le 8 juillet, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a, lui aussi, asséné qu’un tel système énergétique bas carbone coûtera durablement « plus cher qu’aujourd’hui » aux consommateurs… Il pointait, pour sa part, les coûts importants pour assurer la flexibilité du réseau, aussi bien pour stocker le courant lorsque le vent ou le soleil manquent, que pour alimenter en énergie décarbonée des centrales à gaz pilotables.

« Il ne faut pas dire aux gens que parce que le soleil est gratuit, ça ne va pas être cher, ce n’est pas vrai ! (…) Le système sera de plus en plus complexe à manipuler. » La production d’électricité restera mécaniquement « intermittente » et nécessitera des « capacités de stockage » à grande échelle afin de restituer celui-ci lorsque les moyens de production s’avéreront insuffisants. Sauf que nous sommes très loin de les avoir, ainsi que nous en avons déjà parlé.

Pour le PDG de Total, donc, comme pour les analystes de Nomura, il est clair qu’une politique aussi rapide et engagée « en raison » du climat a un coût économique réel, quoiqu’en disent tous ses fervents partisans, et ne freinera pas l’inflation. L’accumulation de prélèvements sur les factures des consommateurs, la promotion de l’utilisation de formes d’énergie plus vertes et l’augmentation des investissements feront grimper les prix pour les décennies à venir.

Et sur qui retombera ce coût supplémentaire non annoncé par les instances internationales ? « Chaque fois qu’il y a une inflation plus élevée, elle frappe toujours les personnes à faible revenu et les personnes les moins riches, quelle qu’en soit la cause » a déclaré l’économiste européen senior Azad Zangana. « Malheureusement, c’est quelque chose qui pourrait contribuer à une plus grande inégalité à l’avenir » : de nombreuses personnes risquent d’être laissées pour compte.

Quel était déjà le 2e grand principe du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations-Unies ? Ah oui : Leave no one behind, ne laisser personne de côté. Un gag ? Leur logique demeure néanmoins : tout le monde dedans, obligatoirement, y compris ceux qui en pâtiront.

 

Clémentine Jallais