Qui n’a jamais entendu une fois, s’il est amateur de musique classique, un air de violon au rythme vertigineux joué par ce musicien hors pair ? Pour mieux comprendre sa personnalité, rappelons quelques moments de sa longue vie (1901-†1987).
Une existence vouée dès le plus jeune âge à la musique
Né en Lituanie à Vilnius, il débute en effet le violon alors qu’il n’a que trois ans, guidé par son père, lui-même violoniste professionnel très exigeant. A six ans, il donne son premier concert en jouant le concerto de Mendelssohn et prend aussitôt la réputation d’être un « enfant prodige ». Après l’avoir entendu jouer le 24e Caprice de Paganini, le professeur Leopold Auer le prend aussitôt sous son aile et participe au lancement de sa carrière : concert à l’âge de dix ans devant 25.000 personnes, et tournées en Europe.
Une carrière américaine puis mondiale
En 1917, lors de la révolution russe, Jascha Heifetz quitte la Russie avec sa famille en raison de l’antisémitisme de l’époque. Il émigre aux Etats-Unis – dont il acquerra quelques années plus tard la nationalité. Ses débuts au Carnegie Hall sont plus que prometteurs et sa carrière devient mondiale. Il enchaîne également les enregistrements sonores.
Un violoniste virtuose éloigné des compromissions, non sans prise de risques
En Israël, refusant de se laisser dicter ses choix musicaux pour des raisons politiques, il échappe à une tentative d’assassinat en 1953 par un extrémiste juif, pour avoir persisté à jouer une pièce de Richard Strauss, compositeur soupçonné de sympathies avec le nazisme : « La musique est au-dessus de ces facteurs… Je ne vais pas changer mon programme. J’ai le droit de décider de mon répertoire. », affirme-t-il. Blessé au bras droit à coups de barre de fer alors qu’il souhaitait protéger ses instruments, il est contraint d’annuler son dernier concert. Ce n’est qu’en 1970 qu’il retournera dans ce pays, quoiqu’il soit de confession israélite. Le premier ministre David Ben Gourion lui présentera des excuses officielles.
La retraite active de Jascha Heifetz , révélatrice de son tempérament
Voyant ses forces décliner, notamment suite à une opération de l’épaule droite, il laisse de côté sa carrière dans les années soixante. Acte d’humilité. Il se tourne alors vers l’enseignement et la musique de chambre entre amis.
Son apparence « Buster Keatonienne » cachait une double exigence : la musicalité et la sensibilité toujours subordonnées à une technique irréprochable, voire dantesque… Foin des contorsions souvent insoutenables de certains musiciens contemporains ! L’économie de mouvement se tournait vers le son, vers la note, dans toute sa pureté.
Il suscita néanmoins des réactions fort contrastées, principalement par son intransigeance légendaire teintée d’ « humour à froid ». « On ne peut être plus exigeant avec les autres qu’on ne l’est avec soi-même », dit-il. Et les miroirs scintillants de la célébrité précoce ne l’ont point atteint, grâce à l’influence de sa famille et aux rencontres providentielles :
« Vous savez, le prodigisme infantile – si je puis inventer ce terme – est une maladie généralement fatale. Je fus parmi les rares qui eurent la bonne fortune d’y survivre. Mais j’eus la chance d’avoir un grand professeur en la personne du professeur Auer et une famille qui tenait instinctivement la musique en haute estime, avait très bon goût et l’horreur de la médiocrité. »
Pour simple anecdote, il a possédé de nombreux violons, dont ce « violon-canne » avec lequel, dans une attitude des plus burlesques, il semble autant à son aise qu’avec un Guarnérius ou un Stradivarius !
Mais, chut ! écoutons-le nous faire un « Caprice »… de Paganini. La qualité d’enregistrement du son, qui date hélas, n’a rien à voir avec celle de l’interprète !
VIDEO (Caprice n°24 de Paganini)