Discours de Macron sur la francophonie à l’Institut : un sabir verbeux pour vanter globalisation, immigration et déracinement

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Le président de la République a asséné aux membres de l’Institut de France mardi 20 mars un discours sur la langue française mondialisée à la sauce Macron. Et pour mieux déraciner notre langue, « Jupiter » a livré son propos dans un sabir filandreux au style approximatif, verbeux, dont la transcription officielle malmène l’orthographe. Tout en s’entichant « d’humilité », le président a prétendu que « de Maradi à Séoul, de Yaoundé à Oulan-Bator, de Nouméa à Buenos Aires », le monde « bruisse de notre langue ». Traduction en jargon macronien : « Aujourd’hui partout sur la planète en ce jour ainsi choisi la langue française dit le monde et il faut la défaire des images qui ont fait qu’elle a pu un moment oublier de le dire ». Tel que.
 

Le mythe d’un français sauce Grand Siècle pour faire passer globalisation et déracinement

 
Que la publicité en France et les devantures de vitrines soient scandaleusement truffées d’anglicismes ou que les échanges scientifiques ou financiers entre francophones se tiennent en anglais, voilà qui ne vaudra que quelques mots à la fin du discours de « Jupiter ». Non, ce qui compte c’est d’enfumer avec le mythe d’un français sauce Grand Siècle pour faire passer la globalisation et le déracinement : « Ce qu’on appelle francophonie aujourd’hui ce n’est pas cet espace incertain à la périphérie de la France laquelle en serait le centre, c’est la langue française elle-même qui est devenue le centre de toutes les nations et de tous les peuples où elle a fait souche dans sa variété étourdissante. » Macron enfonce le clou : « Et la France doit aujourd’hui s’enorgueillir d’être au fond un pays parmi d’autres qui apprend, parle, écrit en français, et c’est aussi ce décentrement qu’il nous faut penser. » Ce français « s’est au fond émancipé de la France », une « langue monde » qui, en sabir macronien, est une « langue archipel parce que d’autres langues se parlent dans des continents immenses et des centaines de millions de nos concitoyens la partagent mais il est peu de langues qui se parlent dans cet archipel monde qui est le nôtre. »
 
Macron enfouit dans sa marmelade un conformisme mental sidérant. Le français serait la langue « de l’indépendance d’esprit » et du « refus des conventions ». Or son texte offre une illustration exactement contraire : conformisme globaliste, haine de soi et bréviaire maçonnico-gauchiste. Il cite Jean Rouaud, Goncourt 1990 et chroniqueur à l’Humanité, pour qui la langue française est « désormais déliée de son pacte avec la Nation, (…) libérée de l’étreinte de la source-mère, devenue autonome, choisie, retournée à son champ premier, nourrie par d’autres aventures, n’ayant plus de comptes à régler avec la langue des anciens maîtres. »
 

Face aux défis de l’immigration, l’apprentissage de la lecture

 
Le bât blesse néanmoins au cœur même de la francophonie, c’est-à-dire en France quoiqu’en prétende M. Rouaud. L’immigration de masse, globalisation par la base, mêle à la submersion anglophone venue d’en haut la dislocation linguistique de la rue. Pour Macron, le devoir est « d’accueillir des femmes et des hommes chassés par la guerre et de leur donner un destin au sein de notre communauté nationale ». Motus sur l’immigration économique. « Jupiter » rassure l’Institut sans jamais aborder les sujets qui fâchent. Face à la déferlante, la fermeté nouvelle du ministère de l’Education nationale : « La lecture redeviendra le cœur de l’apprentissage notamment dans les quartiers où nous l’avions laissé reculer, où la langue française elle-même s’est abîmée. Nous ne pouvons être davantage ce pays où ces reculs avaient été admis. » Verbeuse protestation de la part d’un homme qui participe au pouvoir depuis six ans, ayant entériné les catastrophes promues par Najat Vallaud-Belkacem.
 
Au chapitre de l’immigration, Macron prend appui sur un pamphlet de la Sénégalaise Fatou Diome, « La préférence nationale », qui écrit avoir dû financer ses études en France « par des emplois de maison », ce qui semble révolter le président. Les étudiants franco-français sans le sou apprécieront la délicatesse. Le nombre d’étudiants « qui viennent des pays émergents doublera parce que la langue française est ce bien qui nous lie », a tranché le président.
 

A l’Institut, la francophonie, prétexte aux obsessions de Macron : relativisme, déracinement, immigration

 
Relativisme, déracinement, immigration… Tout au long de ce pensum présidentiel, la francophonie aura donc servi de prétexte aux obsessions de Macron. En matière de rayonnement médiatique, il vante « le combat contre les fausses informations », le « rôle central » que devra jouer l’AFP, l’alliance « entre l’Europe et la francophonie ». Et cela dans un style désastreux dont l’acmé est atteint quand il évoque son discours mi-anglais-mi-français à Davos : « S’exprimer en anglais dans une enceinte réunissant la communauté des affaires, c’est d’abord utile et c’est montrer que le français se construit dans ce passage, dans ce plurilinguisme, dans cette capacité à parler la langue de l’autre, y compris lorsque c’est la langue devenue dominante, parfois à visée hégémonique, dans le monde des affaires, mais aussi pour ramener ceux qui parlent anglais à la langue française lorsqu’il faut parler des valeurs qui nous guident et du regard que nous portons sur la mondialisation. »
 
Rassurons-nous, notre « langue-monde » aura son château, « laboratoire de la francophonie », à Villers-Cotterêts, une ville qui a « pu céder à quelques sirènes de repli ». A la présidentielle, Marine Le Pen y talonnait Emmanuel Macron par 49,82 % contre 50,18 %. On y célébrera le français, qui « ne sera jamais une langue hégémonique, parce que c’est une langue de combat et d’intranquillité, parce qu’il continuera à être une langue de traduction et d’étymologie et parce qu’on aura beau écrire des dictionnaires, il faudra continuer à les refaire. » Macron ou le volapük du vide globalisé. Et inversement.
 

Matthieu Lenoir