Macron et le pape : l’ordre nouveau, l’ordre terrible !

Macron Pape Ordre Terrible
 

En cette fin de la semaine, il faut revenir autrement sur deux événements qui l’ont marquée, la polémique que Fiducia Supplicans a provoquée dans l’Eglise et la conférence de presse d’Emmanuel Macron, pour en tirer l’essentiel. Derrière le brouillard des mots, les éclats de la controverse et l’ambiguïté des attitudes, le président et le pape ont, malgré les apparences, chacun son grand dessein : c’est un retour à l’ordre, un ordre nouveau, que l’on peut à bon droit dire terrible, parce que les moyens en sont implacables sous leur douceur lénifiante, et la nature, le but, inquiétants.

 

Macron, dictateur prestidigitateur

La chose a paru particulièrement évidente chez Emmanuel Macron. Des commentateurs distraits, ou aveuglés par leur routine, ou complices, ou les trois à la fois, se sont perdus en ironie facile sur la mise en scène jugée gaullienne de la conférence de presse présidentielle, le rehaussement du siège où le président posait son postérieur, sur son côté « suranné », « ridicule », ou « insuffisant ». Or c’est redoubler le danger que de le sous-estimer, et c’est aider au jeu pervers d’un grand professionnel que de mal le décrire. La frivolité de l’analyse prouve et aggrave la réussite du prestidigitateur, qui rime ici hélas avec dictateur. Car face au fil du flot des paroles disparates et déconcertantes charrié pendant deux heures, on se disait, selon l’instant, oui ce principe est valide, cette observation juste, ou bien non c’est trop gros, trop bête, il exagère, on pouvait sourire, mépriser, être accablé, et même acquiescer, mais jamais se révolter. Dans ce méli-mélo qui prétendait exprimer un grand dessein, rien ne poussait à se lever et dire : ça suffit ! Telle est la dialectique dite non-aversive.

 

Le « grand dessein » : un ordre nouveau

Là est le grand art du magicien. Rien, dans cette liste hétérogène d’annonces, de faux bilans et de critiques implicites ou explicites de ses concurrents, ne dessinait le grand dessein qu’il prétendait exposer, mais, tout en occupant notre attention par le miroitement des formules, Macron lançait deux mots résumant ce qui est inexorablement en action depuis qu’il a pris le pouvoir : « Réarmement » et « Ordre ». Il y a bien un plan, et ce plan est terrible. L’homme nous a déjà signifié la « fin de l’abondance ». Ce qu’il ajoute de nouveau, c’est : fini de rire. Finis non seulement le lait et le miel de Cocagne, mais tous les délices de Sybaris. Finie la douceur de vivre, la licence de vivre mal mais agréablement, à laquelle vous vous êtes habitués depuis les années soixante, la phase de désordre où chacun a été autorisé, invité plutôt, à se laisser aller au fil de ses envies, la phase du désordre visant à dissoudre l’ordre réputé alors chrétien et bourgeois, finie la phase solve, on passe à la phase coagula, et fissa ! Ordo ab chao, recommande la maçonnerie, eh bien le moment est venu. Nous nous sommes assez vautrés dans les ruines de l’ancien monde, on nous a ensuite appris à nous repentir de nos anciennes valeurs, si mauvaises, il faut maintenant reconstruire, obéir à l’ordre nouveau. Et si certains plaisirs frelatés resteront recommandés pour mieux tenir le peuple en esclavage et manifester le triomphe du nouvel ordre, un regard sévère surveillera les anciens errements (voir l’affaire Depardieu) : l’ordre immoral est un grand moralisateur.

 

De terribles grandes peurs au service de l’inversion

Cet ordre nouveau est, comme le veut la Révolution arc-en-ciel en marche, une inversion de l’ordre naturel et chrétien, afin de créer un nouvel homme dans un monde nouveau. Le choix d’un premier ministre inverti notoire, qui a promu ministre des Affaires étrangères un de ses ex, est éminemment symbolique de cette inversion. Comme nous l’avons relevé l’autre jour, la politique de Macron depuis 2017 poursuit en gros celle de son prédécesseur Hollande malgré un style différent, avec toujours plus de soumission à l’empire écologiste et ses grands manitous, l’ONU et l’OMS, à la solidarité socialiste mondiale, à l’invasion organisée, à la dictature, par les minorités, par les pandémies, par le climat, en général par la peur, elle-même provoquée par de grands mensonges systémiques, vérités à cours forcé du système. C’est cela que la bruine des paroles de Macron l’autre soir masquait tout en le révélant.

 

L’ordre nouveau ne pardonne pas

Cet ordre, terrible par son inversion antinaturelle et antichrétienne, l’est aussi par sa violence : tout contrevenant est aussitôt sanctionné, et sans ménagement. Rappelons-nous ce malheureux Verdier, journaliste à France 2 et homosexuel : cette double casquette ne l’a pas protégé quand il a été convaincu, pour un livre, de « négationnisme climatique ». Il a été viré manu militari, et depuis personne n’a plus entendu parler de lui. Et voyez Stanislas : ce collège chic du sixième arrondissement abrite une partie de la marmaille des élites parisiennes, en particulier, on nous l’a assez dit ces derniers temps, celle du ministre de l’Education nationale : ça ne l’a mis à l’abri ni de la délation des feuilles gauchistes, ni d’une enquête administrative expresse suivie d’exhortations à s’amender, ni enfin d’une sanction financière lourde de la part de la ville de Paris. Stan a intérêt à filer doux. La République ne plaisante pas avec ses valeurs, ni avec le monopole qu’elle en détient. L’ordre nouveau doit être respecté quoi qu’il en coûte.

 

Le pape, Disney et l’ouverture au monde

Et le pape dans tout ça ? Il a soulevé dans l’Eglise une vague d’incompréhension et de protestations, dont nous avons rendu compte, avec la déclaration Fiducia Supplicans autorisant (et visant à imposer) la bénédiction des couples irréguliers, en particulier homosexuels. J’ai risqué ici-même une hypothèse bienveillante sur la chose, parce que le pire n’est jamais sûr, qu’il ne faut jamais exclure l’intervention de la grâce de Dieu et que, formée par les dessins animés de Walt Disney à l’ancienne mode, j’adore les Happy End. Mais il semble bien, à lire ma consœur Jeanne Smits, que le pape, tant par la longue préparation de ce document, des esprits à ce document, que par ses réactions aux réactions qu’il a suscitées, ait décidé, dans une interprétation maximaliste de Vatican II, d’ouvrir sans mesure l’Eglise au monde, et à l’ordre nouveau que promeut celui-ci.

 

Le soupçon terrible des excès du pape

Si l’on prend garde au « dialogue » qu’il engage les catholiques à mener avec les marxistes, l’accord qu’il a signé avec le PC chinois, le chemin synodal qu’il a lancé et maintient malgré le trouble qu’il engendre, le synode sur l’Amazonie, avec la déclaration finale Querida Amazonia et l’épisode de la Pachamama, la déclaration Amoris Laetitia, les avancées qu’il laisse tenter ici et là sur la question LGBTQ et le mariage des prêtres, enfin ses deux encycliques sur l’écologisme, Laudato Si’ et Laudate Deum, alors, sa ligne générale devient trop claire pour un jésuite : c’est un boulevard d’ouverture au monde, à ses dogmes, à son ordre, à ses ordres. La chose est particulièrement explicite sur l’écologie. Le pape affirme qu’on « ne peut plus douter de l’origine humaine du changement climatique », ce qui est un dogme de la révolution arc-en-ciel, non de l’Eglise catholique, et met en garde les chrétiens qui résistent à « la conversion écologique ».

 

La triple révolution anticopernicienne de l’ordre nouveau

Cette « conversion écologique » à laquelle appelle le pape n’est autre que le résultat d’une double révolution anticopernicienne. Avec le naturalisme et le scientisme, à la fin du XIXème siècle et au XXème, on a ôté Dieu du centre pour y mettre l’Homme ; avec l’écologisme, on en retire l’homme pour y mettre Gaïa, la déesse-mère, dont le culte panthéiste permet d’inclure les revendications socialistes qu’approuve le pape, en totale union de pensée avec l’ordre nouveau du monde tel que le conçoit la révolution arc-en-ciel. Et cet ordre terrible, le pape, comme Macron, l’impose, en souriant, mais de manière terrible. A ceux qui, traduisant le désarroi des fidèles et se fondant sur le dépôt de la foi, prétendent s’y opposer en montrant à quel point il s’oppose à l’Ecriture, à la Tradition, à la Foi, à l’Espérance, à la Charité, il oppose, sans s’y attarder le mépris que méritent les arriérés. Et s’ils persistent, il les châtie durement.

 

Un pape terrible pour le fidèle de base

Fidèles aux vieux réflexes des bons abbés du XVIIIème siècle, il retrouve l’usage du latin pour parler de choses qui bravent l’honnêteté ou qui fâchent et jeter, du haut de l’Olympe de son Vatican, des textes terribles comme Traditionnis Custodes ou Fiducia Supplicans, puis malgré l’ampleur du malaise qu’ils suscitent et les supplications, venant d’hommes très divers, refuse la discussion « fraternelle » dont il vante ailleurs les mérite. Il demande : « qui suis-je pour juger », à propos de l’homosexualité, mais il retrouve toute sa superbe et ses certitudes pour condamner ses frères qui veulent garder la Foi. Et il frappe. Sûr de lui et dominateur. Terrible dans sa justice expéditive ! Pas besoin d’Inquisition quand règne le bon plaisir d’un seul. Qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent ! Et voici des cardinaux qu’on écarte, Burke, Sarah, Müller, les évêques révoqués, comme Mgr Strickland ou mis de côté, Schneider, Rey, les religieuses punies. Comme si ce pape autocrate faisait un usage immodéré de l’autorité que lui confère sa fonction pour soumettre les fidèles à l’ordre nouveau et terrible qu’impose la révolution arc-en-ciel. A la manière des despotes éclairés – mais, hélas, comme eux, moins éclairé par la lumière divine que par les lumières maçonnes. Voilà une hypothèse qui me plaît moins que ma précédente, mais que les faits rendent hélas plus probable.

 

Pauline Mille