Le pape François canonise Jacinta et Francisco Marto, mais à Fatima, on est passé à côté d’une dimension essentielle du message

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Ils sont saints de l’Eglise catholique : samedi, 100 ans exactement après la première apparition de Notre Dame du Rosaire aux trois pastoureaux de Fatima, le pape François a proclamé la sainteté de Jacinta et Francisco. Cette canonisation est en soi un événement et une joie profonde pour l’Eglise – même si, à certains égards, elle a laissé un goût d’inachevé, passant à côté d’une dimension essentielle du message de conversion et de sacrifice porté par la Très Sainte Mère de Dieu.
 
C’est que Fatima, et son message, ne sont pas au goût du jour. Au rebours de nos préoccupations séculières, l’Ange du Portugal et la Très Sainte Vierge Marie sont venus nous parler des offenses faites à Dieu, de l’adoration qui lui est due, des réparations nécessaires alors qu’Il est si « horriblement offensé ».
 
Ce sont des préoccupations liées aux fins dernières : il s’agit de prier et d’offrir des sacrifices pour la conversion des pécheurs – pécheurs que nous sommes, aussi – pour éloigner le châtiment divin. La paix que Marie promet au monde grâce à la dévotion à son Cœur immaculé suppose que l’on cesse d’offenser massivement la Trinité Sainte et ne saurait être bâtie sur autre chose qu’un retour à l’ordre.
 

Jacinta et Francisco Marto canonisés à Fatima

 
Cent ans après 1917, le fracas des armes ne s’est pas tu : le communisme a fait ses ravages, et un massacre caché, celui de l’avortement d’abord légalisé en Russie dès 1920, a fait plus d’un milliard de victimes. Aujourd’hui, l’islam persécute les chrétiens dans de nombreux pays du monde et la prospérité de l’Occident est celle des danseurs au bord du volcan. Partout, on revendique non plus les droits de l’homme mais le droit au péché. Comment imaginer qu’il s’agit là de la paix promise par Notre Dame ?
 
La visite du Pape n’a pas été marquée par la mise en évidence de cette misère morale et de cette infidélité des nations chrétiennes.
 
Dès le vendredi soir, le 12 mai, alors que le pape François participait au rosaire à la petite chapelle des apparitions, on chanta une sorte de Salve Regina détourné. Avec, en sa dernière strophe acclamant la Virgo clemens, pia, dulcis, un couplet étonnant qu’il revenait au pape de réciter :
 
« Fais-nous suivre l’exemple des bienheureux François et Jacinthe,
et de tous ceux qui témoignent du message de l’Evangile.
Nous parcourrons, ainsi, toutes les routes,
nous serons pèlerins sur tous les chemins,
nous abattrons tous les murs
et nous vaincrons toutes les frontières,
en allant vers toutes les périphéries,
en y révélant la justice et la paix de Dieu. »
 
Abattre les murs, vaincre les frontières, aller vers toutes les périphéries ? Ce n’était pas le souci des enfants de Fatima. Ils s’inquiétaient de consoler Dieu de l’ingratitude des hommes et d’implorer sa miséricorde pour les pécheurs…
 

Le message de Fatima rendu horizontal

 
Ainsi le message est rendu « horizontal ». La souffrance corporelle, la misère matérielle prennent la place de la misère morale et font oublier que l’injustice la plus grande est celle des hommes à l’égard de leur Créateur.
 
Cette idée était reprise dans la courte homélie du pape François qui d’emblée déclara : « Je sens que Jésus vous a confiés à moi (cf. Jn 21, 15-17), et je vous embrasse et vous confie tous à Jésus, “spécialement ceux qui en ont le plus besoin” – comme la Vierge nous a enseigné à prier (Apparition de juillet 1917). »
 
Voilà qui renvoie à la prière apprise aux enfants à Notre Dame juste après la vision terrifiante de l’enfer, et que l’on récite pour quémander la miséricorde divine pour les ames en risque d’y tomber.
 
Pour le pape, il y a une autre idée derrière ces mots. Il poursuit aussitôt, en effet : « Mère douce et attentive à tous ceux qui sont dans le besoin, qu’elle leur obtienne la bénédiction du Seigneur ! Sur chacun des déshérités et des malheureux à qui a été volé le temps présent, sur chacune des personnes exclues et abandonnées à qui est nié l’avenir, sur chacun des orphelins et des victimes de l’injustice à qui il n’est pas permis d’avoir un passé, que descende la bénédiction de Dieu incarnée en Jésus-Christ. »
 

Le pape François récuse l’idée du châtiment divin : l’antithèse de Fatima

 
Le portrait de Marie par le pape François est tout aussi étrange. Ecoutons-le : « Pèlerins avec Marie… Quelle Marie ? Une Maîtresse de vie spirituelle, la première qui a suivi le Christ sur la “voie étroite” de la croix, nous donnant l’exemple, ou alors une Dame “inaccessible” et donc inimitable ? La “Bienheureuse pour avoir cru” toujours et en toutes circonstances aux paroles divines (cf. Lc 1, 42.45), ou au contraire une “image pieuse” à laquelle on a recours pour recevoir des faveurs à bas coût ? La Vierge Marie de l’Evangile, vénérée par l’Eglise priante, ou au contraire une Marie esquissée par des sensibilités subjectives qui la voit tenir ferme le bras justicier de Dieu prêt à punir : une Marie meilleure que le Christ, vu comme un juge impitoyable ; plus miséricordieuse que l’Agneau immolé pour nous ? »
 
Oui, Marie est « bienheureuse pour avoir cru », mais elle est aussi à part, incomparablement belle dans son Immaculée Conception voulue de toute éternité par la Sainte Trinité.
 
Et pour ce qui est du bras justicier de Dieu, précisément, la Vierge en parlait aux enfants de Fatima, annonçant qu’Il allait « punir le monde de ses crimes ». Et la petite Jacinthe qui priait tant et qui se sacrifiait tant pour le pape et pour les pauvres pécheurs, déclarait : « Les guerres ne sont que le châtiment des péchés du monde » ; ou encore : « Notre Dame ne peut plus retenir le bras de son Fils bien-aimé sur le monde. »
 

Fatima, un message pour les « exclus » ?

 
Marie, notre avocate qui plaide pour le salut des bourreaux de son propre Fils, est celle qui a en dépôt la miséricorde. Comme le disait saint Maximilien Kolbe : « Dieu a entièrement confié l’ordre de la miséricorde à la Vierge Marie, mais le Seigneur s’est réservé la justice. » La crainte de Dieu, ce ne sont pas de vains mots.
 
Le samedi 13 mai, cent ans jour pour jour après la première apparition de la Très Sainte Mère de Dieu à la Cova de Iria, le pape François était invité à canoniser les plus jeunes des petits voyants dont on résuma brièvement la vie. Vie prodigieuse, en vérité, puisque Francisco et Jacinta sont désormais les plus jeunes saints canonisés non martyrs de l’Eglise. On a reconnu que malgré leur jeune âge, ils avaient pratiqué les vertus à un degré héroïque.
 
De l’un et de l’autre, il fut dit, samedi à Fatima, qu’ils aimaient à adorer Jésus caché dans l’Hostie, pour consoler le Dieu « triste » des souffrances des hommes. C’est un détournement. Le message de Fatima n’est pas social même s’il promet la paix : Dieu n’est pas « triste » parce que les hommes sont pauvres, ou exclus, mais parce qu’ils Le rejettent au risque de perdre leur âme.
 

Jeanne Smits