En visite à Varsovie du 19 au 21 septembre, une délégation de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen va rencontrer, outre des membres du gouvernement et des organes constitutionnels polonais, des représentants des médias et de la société civile. La Commission LIBE prépare en effet un rapport sur la démocratie et l’état de droit en Pologne, sur le modèle du rapport Sargentini qui a servi de base au vote de mercredi dernier contre la Hongrie. Un vote au résultat contesté d’ailleurs, et qui va être porté par Budapest devant la Cour de Justice de l’UE. En attendant, la préparation de ce nouveau rapport du Parlement européen nous apporte un éclairage très intéressant sur la manière très peu démocratique dont fonctionne l’assemblée de Strasbourg.
Le député au Parlement européen Marek Jurek exclu de la délégation sur décision du rapporteur Moraes
Passons sur le fait que ces rapports sur les pays dirigés par des partis conservateurs sont systématiquement confiés aux représentants de la gauche la plus sectaire : pour la Hongrie, le rapporteur était le député « vert » néerlandais Judith Sargentini ; pour la Pologne, c’est le président de la Commission LIBE en personne, c’est-à-dire le travailliste britannique Claude Moraes. Claude Moraes, pour cette visite « d’étude » en Pologne, a réussi à faire voter par la majorité gaucho-libérale-libertaire de la Commission LIBE un principe ad hoc selon lequel il fallait exclure les députés polonais de la délégation pour « garantir sa pleine objectivité ».
L’utilisation de cette expression nous est rapportée par le député polonais Marek Jurek, contacté mardi au téléphone, qui est justement le membre de la Commission LIBE visé par cette exclusion surprenante fondée sur un critère de nationalité. Marek Jurek : « Ils viennent rappeler [aux Polonais] que la majorité n’a pas tous les droits, or Moraes explique que “c’était la volonté de la majorité” [de m’exclure] ».
Nicolas Bay, membre de la délégation (il aurait peut-être été délicat d’exclure aussi les Français pour « garantir une pleine objectivité »), également joint hier par votre correspondant, explique : « Nous avons déjà pu voir à Strasbourg, la semaine dernière, que le rapport Sargentini sur “la situation de l’état de droit en Hongrie” était à charge, et avait pour seul objectif de sanctionner ce pays, non pas sur d’hypothétiques manquements mais bien à cause de son refus d’accueillir des migrants clandestins, ce qui montre bien que l’UE est en pleine dérive punitive. Cette mission de la commission LIBE à Varsovie, dont le programme consiste, pour ce qui est de la société civile, à ne rencontrer presque que des ONG politisées et hostiles, démontre un indéniable parti pris. »
Pour parler de la liberté des médias en Pologne, uniquement quatre médias hostiles au PiS
Et en effet, le programme des rencontres, auquel nous avons eu accès (version encore provisoire de mardi soir, la veille du vol pour Varsovie), prévoit par exemple, pour parler de la libertés des médias, des discussions avec les représentants de quatre médias (en fait cinq, mais deux appartiennent au même groupe médiatique financé par George Soros), tous hostiles au PiS, dont trois radicalement hostiles au PiS, et dont les positionnements s’étendent de la gauche libertaire au libéralisme libertaire. Aucun média conservateur ni aucune association de journalistes n’a été invité pour parler de la liberté des médias en Pologne. Pour ce qui est de la société civile, Marek Jurek a réussi à imposer la présence d’une ONG conservatrice, l’Institut Ordo Iuris, grâce au soutien des groupes Conservateurs et Réformistes européens (auquel il appartient, aux côtés des députés du PiS) et Europe des Nations et des Libertés (RN, Ligue, FPÖ, etc.). Cette ONG est l’exception qui confirme la règle, puisque toutes les autres voix, au nombre de 12, représentent l’opposition la plus radicale et/ou les organisations abortionnistes (qui remettent en cause l’ordre constitutionnel polonais) et libérales-libertaires, dont plusieurs organisations financées par l’Open Society Foundations de Soros.
La Commission LIBE ne souhaite pas rencontrer le deuxième parti d’opposition, sans doute trop conservateur lui aussi
Des rencontres sont prévues avec les groupes parlementaires du parti Plateforme civique (PO) de l’actuel président du Conseil européen Donald Tusk, du PSL, un parti agraire qui était allié à la PO sous Donald Tusk, et de Nowoczesna (« Moderne »), un parti libéral comme la PO, mais encore plus libertaire. Aucune rencontre n’est prévue avec le groupe parlementaire du parti Kukiz ’15, qui devance pourtant le PSL et Nowoczesna en termes de nombre de députés à la Diète et d’intentions de vote dans les sondages, ce qui en fait le deuxième parti d’opposition après la PO. Le problème pour la Commission LIBE, c’est sans doute qu’il s’agit d’un parti plutôt à la droite du PiS et que le Travailliste Claude Moraes ne souhaite visiblement discuter qu’avec des gens aux vues proches des siennes.
Un rapport sur l’état de droit en Pologne préparé en fonction de thèses pré-établies, comme pour la Hongrie
Le voyage en Pologne de la Commission LIBE n’est qu’un alibi. Les thèses du rapport Moraes contre la Pologne sont visiblement déjà prêtes et la délégation du Parlement européen cherche à éviter toute rencontre avec des représentants des médias et de la société civile qui pourraient infirmer ces thèses. C’est la démocratie à la mode bruxelloise. On se doute que le rapport Sargentini contre la Hongrie a été préparé de la même manière, ce que nous confirment nos sources au Parlement européen.
Olivier Bault
Correspondant à Varsovie