En Pologne, la commission de la justice et des droits de l’homme de la Diète a voté lundi à 16 voix contre 9 en faveur du projet de loi contre l’avortement eugénique intitulé « Arrêtez l’avortement » (Zatrzymaj aborcję). Ce projet de loi est issu d’une initiative citoyenne qui avait recueilli à l’automne dernier plus de 830.000 signatures dans ce pays de 38 millions d’habitants. Il avait été approuvé en première lecture par l’assemblée plénière de la Diète le 10 janvier. Le même jour, l’initiative citoyenne concurrente des pro-avortement, en faveur d’une libéralisation totale de l’avortement jusqu’à la 12e semaine et de l’introduction d’un délit d’entrave à la française, était rejeté y compris par une partie de l’opposition libérale. Cette initiative concurrente avait recueilli un peu plus de 200.000 signatures.
Au pouvoir en Pologne depuis 2015, le PiS ne semble pas pressé d’interdire l’avortement eugénique
Malgré ce vote, la majorité parlementaire entre les mains du parti démocrate-chrétien conservateur Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość, PiS) ne semble pas pressée d’adopter le projet de loi citoyen contre l’avortement, même si nombre de ses députés font pression pour accélérer la procédure. C’est la commission de la politique sociale et de la famille qui doit travailler sur ce projet de loi avant le vote en deuxième lecture de la Diète. Pour cela, elle attendait l’avis sur ce projet de la commission de la justice et des droits de l’homme ainsi que du gouvernement. Pour la première, c’est chose faite : la commission de la justice et des droits de l’homme a rendu un avis favorable. La commission de la politique sociale et de la famille n’a toutefois toujours pas inscrit l’examen du projet de loi « Arrêtez l’avortement » à son programme du semestre en cours, malgré la demande en ce sens du député Jan Klawiter du parti pro-vie Droite de la République (Prawica Rzeczypospolitej) de Marek Jurek, connu pour son engagement européen en faveur du droit à la vie.
« A l’époque de la signature des traités de Rome, l’infanticide prénatal n’était légal dans aucune des démocraties européennes. »
Kaja Godek, la maman d’un petit garçon touché par la trisomie 21 qui est à l’origine de ce projet de loi visant à interdire les avortements eugéniques, était présente lors des débats et du vote en commission lundi. Elle a encore une fois expliqué aux députés présents qu’il s’agit avec ce projet de loi – en fait un simple amendement à la loi actuelle sur l’avortement – de reconnaître aux handicapés la même dignité et les mêmes droits qu’aux personnes en bonne santé. « Le droit à la vie est le plus fondamental des droits de l’homme », a-t-elle rappelé, « Nous parlons ici d’êtres humains ; les personnes handicapées, leurs familles et leurs amis vous regardent ».
Dans le journal Nasz Dziennik, le député au Parlement européen Marek Jurek s’est réjoui de ce vote en ces termes : « A l’époque de la signature des traités de Rome, l’infanticide prénatal n’était légal dans aucune des démocraties européennes. L’avis positif de la commission va ouvrir la voie à l’adoption la plus rapide possible de cette loi. »
Les militants en faveur de l’avortement eugénique n’évoquent jamais les enfants touchés par la trisomie 21.
Quant au camp pro-avortement, il fait campagne contre ce projet de loi en mettant en avant les cas les plus dramatiques d’enfants atteints d’anomalies génétiques. Ils ne parlent que de « fœtus déformés » et « d’enfants mourant dans la torture » sans évoquer les cas, largement majoritaires en Pologne, d’avortements sur des enfants touchés par des anomalies compatibles avec la vie comme la trisomie 21 ou le syndrome de Turner. En outre ils mentent ou pèchent par ignorance en parlant des souffrances de ces enfants que l’on « obligera » à naître, car c’est au contraire lors des avortements tardifs, où aucun soin palliatif pour l’enfant avorté n’est prévu, que les enfants meurent bien souvent dans la souffrance. A l’inverse, les centres de soins palliatifs périnataux et néonataux, comme ceux de la Fondation Gajusz à Lodz, savent accompagner la naissance d’un enfant condamné à une mort rapide.
L’appel des évêques pour un examen rapide du projet de loi contre l’avortement eugénique
Dimanche dernier, des groupes de féministes et autres sympathisants manifestaient devant le siège épiscopal de 17 villes de Pologne avec des cintres en métal censés représenter « l’outil » utilisé pour les avortements illégaux. C’était pour protester contre le communiqué adressé le 14 mars par la Conférence des évêques de Pologne à la majorité parlementaire, pour lui demander d’examiner au plus vite le projet de loi citoyen contre les avortements eugéniques.
Malgré les réticences apparentes de la direction du PiS, un député de la majorité parlementaire qui milite pour une adoption rapide de cette loi citoyenne a assuré à l’auteur de ces lignes que la question n’est pas de savoir si ce projet de loi sera adopté mais quand il sera adopté.