Le grand méchant Occident : à lire régulièrement le média russe rt.com, financé par le Kremlin et ayant donc l’approbation du pouvoir russe, on s’aperçoit que peu de choses ont changé dans la propagande anti-coloniale qui était déjà de mise sous l’URSS, au temps où celle-ci soutenait les combattants communistes en Afrique et fomentait la haine du Blanc dans de nombreuses partie du globe. Dans un article récent, la version anglophone de Russia Today s’en prenait ainsi aux missionnaires chrétiens en Afrique dont l’œuvre charitable aux motifs inavouables aurait durablement « entravé le progrès » du continent noir.
Il y est beaucoup question du roi Léopold et de ses méfaits au Congo belge, mais pour mieux montrer les missionnaires catholiques comme complices consentants qui depuis le XVe siècle, n’avaient eu de cesse de vouloir convertir les chefs des tribus locales dans l’espoir que les populations suivraient. Parlant des ordres religieux, rt.com affirme :
« Ces organisations se présentaient comme non gouvernementales et à but non lucratif, vouées à “défendre les droits” des peuples africains à travers ce qu’elles appelaient la civilisation. Selon elles, il était moralement nécessaire de “civiliser” les Africains, c’est-à-dire de leur imposer les valeurs, la culture et la vision du monde européennes. »
La civilisation et l’évangélisation du temps des colonies
Construisaient-ils des écoles ? C’était pour remplir cette « mission civilisatrice » : « former les Africains aux idéaux européens sous couleur d’éducation ». Avec un retour sur investissement immédiat : « Les convertis africains… aidaient à financer les activités missionnaires » – mais les œuvres restaient sous contrôle colonial.
En se focalisant sur une lettre de Léopold II de 1883 invitant les missionnaires à encourager les Africains à « aimer la pauvreté » et à promouvoir les intérêts belges, l’article accuse les propagateurs de la foi chrétienne d’avoir agi comme informateurs du pouvoir colonial et facilitateurs de l’impérialisme et de la spoliation des biens matériels du continent tout en détruisant la « religion traditionnelle » de ses habitants. « Vous devrez interpréter l’Evangile de manière à protéger au mieux vos intérêts dans cette partie du monde… Mettez en place un système de confession qui vous permette d’être de bons détectives afin de pouvoir dénoncer tout Noir ayant une conscience contraire à celle des preneurs de décisions. Apprenez aux Noirs à oublier leurs héros et à n’adorer que les nôtres. »
La lettre est-elle authentique ? On n’en connaît qu’un seul exemplaire, trouvé par hasard par un Congolais, Moukouani Muikwani Bukoko, qui en 1935 acheta une bible d’occasion à un prêtre belge. Quid de son authenticité ? A-t-elle vraiment été rédigée par le roi belge ? Diffusée parmi tous les missionnaires ? Peut-on imaginer qu’elle n’ait provoqué aucune réaction, cinquante ans plus tôt, parmi l’ensemble de ses supposés destinataires, chacun d’entre eux ayant pris soin au contraire de l’occulter ou de la détruire ?
Le média russe rt.com regrette la disparition du paganisme
Quoi qu’il en soit, l’unique exemplaire de ce document – largement référencé dans le cadre des études « décoloniales » et circulant principalement sur les réseaux sociaux parmi les mouvements de la même trempe en Afrique – est présenté comme preuve par rt.com de la « trompeuse bienveillance » des missionnaires chrétiens, assimilés en tous points à une entreprise coloniale uniformément présentée comme prédatrice, voire génocidaire.
L’article conclut : « Ce qu’on qualifiait de “mission civilisatrice” s’est finalement révélé être un projet durable de domination impériale. Comme l’a dit un jour le théologien sud-africain Desmond Tutu : “Lorsque les missionnaires sont arrivés en Afrique, ils avaient la Bible et nous avions la terre. Ils ont dit : ‘Prions.’ Nous avons fermé les yeux. Lorsque nous les avons rouverts, nous avions la Bible et eux avaient la terre.” »
Quelques jours plus tôt, rt.com s’en était pris à l’héritage colonial français au Sénégal en donnant la parole à Egountchi Behanzin, fondateur de la Ligue de défense noire africaine (dissoute en 2021 par Gérald Darmanin), agent d’influence togolais proche du pouvoir russe. Révolutionnaire pan-africain, Behanzin – pseudonyme qui rend hommage au dernier roi d’Abomey connu pour sa résistance à la colonisation française mais aussi pour sa pratique de l’esclavage et du sacrifice humain – fut rappeur avant de devenir activiste. Je ne vous recommande pas d’aller voir les paroles de ses « œuvres » interprétées sous le nom de Gucci IG et que la décence m’empêche de citer ici.
Un rappeur obscène s’offre une tribune sur rt.com
L’ex-rappeur dénonce sur Russia Today le « massacre de Thiaroye », au Sénégal, où des fouilles archéologiques (en fait des exhumations au cimetière militaire du camp de Thiaroye) auraient confirmé l’exécution en 1944 de « plus de 300 soldats africains par l’armée coloniale française », dix fois plus que les chiffres officiels des archives militaires françaises, « délibérément falsifiées », rendant compte d’une « mutinerie ». C’étaient – assure Behanzin – des tirailleurs revenus d’Europe où ils avaient combattu aux côtés des armées de libération françaises, et qui à leur retour, alors qu’ils réclamaient des soldes de captivité, ont été froidement massacrés. « Demander des droits dans l’empire revenait à défier la hiérarchie raciale », selon Behanzin.
Behanzin écrit : « La France moderne proteste aujourd’hui contre les migrants, mais elle oublie qu’elle a autrefois envoyé des navires en Afrique pour recruter plus de 550 000 hommes destinés à mourir dans les tranchées européennes. Nos ancêtres étaient la chair à canon de la République : les premiers à mourir, les derniers à être payés, et les seuls à être massacrés par leurs propres alliés. »
En fait, à l’heure actuelle, seules sept sépultures et sept dépouilles ont été fouillées et étudiées dans le cimetière des tirailleurs : tous les squelettes portent des traces de violences.
Quoi qu’il en soit des faits et de leur étendue, ils sont en tout cas exploités à des fins politiques dans des pays africains où la Russie ou ses affidés a tout fait, ces dernières années, pour retourner les populations contre la présence française.
La légende noire sur l’œuvre coloniale oublie la noirceur du paganisme tribal
De la violence de l’Afrique sous l’emprise du paganisme, de l’esclavage inter-tribal, des sacrifices humains, des rituels de sorcellerie accompagnés de massacres de masse, il n’est jamais question dans ce contexte…
Dans un registre similaire, rt.com rendait compte le 1er novembre dernier de la reconnaissance officielle par l’Espagne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares des « souffrances » et de « l’injustice » infligées aux indigènes lors de la conquête espagnole du Mexique il y a 500 ans.
L’article attribue la victoire des Conquistadors conduits par Hernán Cortes à la supériorité de leurs armes et aux maladies qu’ils véhiculaient – télescopage délibéré qui occulte à la fois l’alliance de cette poignée d’Espagnols avec les peuples esclavagisés ou utilisés par les Aztèques pour les sacrifices humains de masse, et le caractère involontaire des contaminations qui allaient se produire plusieurs années plus tard.
« Les colonisateurs recherchaient l’or et le pouvoir dans le Nouveau Monde, alors que les cultures precolombiennes étaient réprimées et que les temples étaient remplacés par des églises », écrit RT.
Rien ne change. Qu’il s’agisse de la propagande anticoloniale de l’Union soviétique au milieu du XXe siècle, soutenue par des armes et des hommes, du pan-africanisme actuel activement prêché par la Russie, de l’indigénisme, des mouvements Black Lives Matter ou du wokisme, tout cela se recoupe nettement et alimente une dialectique qui englobe l’évangélisation et la civilisation elles-mêmes parmi la détestation de l’oppresseur occidental.
Cette idéologie-là, on la connaît bien : elle dit que toutes les cultures se valent pour mieux affaiblir les nations, et prêche aujourd’hui la « multipolarité » pour avancer des intérêts bien précis.











