Le Sénat américain bloque le projet d’audit de la Réserve fédérale : la Banque centrale est toujours protégée par le secret

Sénat américain bloque audit Réserve fédérale
Banque centrale américaine.

 
La motion du sénateur républicain du Kentucky, Rand Paul, visant à organiser un audit complet des activités de la Banque centrale américaine a échoué de peu. Des Démocrates et des Républicains se sont alliés pour sauver le secret qui entoure les activités de la Réserve fédérale. Les 55 voix en faveur de l’audit (contre 44 opposées), n’auront pas suffi, la barre étant fixée à 60 voix pour que la motion soit adoptée. Les actionnaires de la Banque centrale ont eu chaud cette fois-ci, mais la pression n’est pas relâchée pour autant alors que les ardents défenseurs d’un audit sont déterminés à poursuivre leurs efforts pour que la Réserve fédérale fasse œuvre de transparence et rende des comptes aux citoyens américains.
 

Un projet d’audit très populaire bloqué par le Sénat américain

 
Tous les sénateurs républicains sauf un ont voté en faveur de l’audit, alors que les Démocrates, moins un également, ont préféré ne pas contraindre les banquiers et leurs alliés de Wall Street. Dans son discours au Sénat en amont du vote, le sénateur Rand Paul a rappelé la nécessité de lever le voile sur les activités de la Banque centrale pour « protéger les intérêts des Américains et découvrir la destination des milliards de dollars » qu’elle émet à loisir, sans rendre de comptes à personne. Un pouvoir extraordinaire et totalement inconstitutionnel, selon Rand Paul. La Réserve fédérale use et abuse de la planche à billets au point de faire baisser les taux d’intérêt et d’exercer ainsi un contrôle sur le coût de l’emprunt, ce qui n’a jamais fonctionné : Rand Paul en veut entre autres pour preuve la spéculation immobilière et la crise qui s’ensuivit.
 

La Réserve fédérale échappe au contrôle souhaité par Rand Paul – et 4 Américains sur 5

 
Depuis la crise financière de 2008, le bilan de la Banque centrale américaine a considérablement enflé, passant d’un peu moins de 1.000 milliards de dollars à 4.400 milliards. Or la création ex nihilo de cet argent n’a pas bénéficié aux citoyens américains, mais bien au 1 % de l’oligarchie mondiale dont les revenus ont monté en flèche alors que ceux du reste de la population n’ont pas bougé, voire ont diminué. Le contrôle des taux d’intérêt organisé par la Réserve fédérale n’a eu d’autre effet que de renchérir le coût de la vie à mesure que les bénéficiaires de ses largesses – notamment Wall Street et les grosses banques – ont provoqué une hausse générale des prix, des ressources alimentaires à l’immobilier.
 

La Banque centrale profite du secret

 
Au titre de la loi relative à la Réserve fédérale, il est formellement interdit à cette dernière d’acheter des actifs pourris. Or c’est précisément ce qu’elle a fait en 2008. La Réserve fédérale a égalementdistribué 500 milliars de dollars à des pays étrangers dans le plus grand secret. Durant la crise de 2008, ce sont 2.200 milliards de dollars qui ont été injectés dans le système financier sans que Ben Bernanke n’accepte de révéler au Congrès à qui ces sommes ont été versées. D’où l’impérative nécessité de mener un audit par un organisme indépendant et apolitique, le GAO (Government Accountability Office, l’organisme d’audit, d’évaluation et d’investigation du Congrès des Etats-Unis chargé du contrôle des comptes publics du budget fédéral des Etats-Unis). Déjà en 2011, à l’occasion d’un audit extrêmement limité et circonstancié, le GAO avait découvert que la Banque centrale américaine avait créé et prêté quelque 16.000 milliards de dollars à des banques américaines et étrangères au plus fort de la crise, soit l’équivalent du PNB des Etats-Unis.
 
Au regard du nombre de sénateurs qui ont soutenu l’initiative de Rand Paul, les cercles de la « haute finance » peuvent trembler pour leur toute-puissance et l’impunité de leurs activités. L’heure de rendre des comptes serait-elle proche, d’autant que quatre Américains sur cinq soutiennent l’initiative ? Dans le monde, le pouvoir des Banques centrales ne cesse pourtant de progresser, envers et contre celui des banques commerciales. Il est vrai que la Fed fait figure d’exception, étant une banque privée. L’initiative du républicain Rand Paul s’inscrit paradoxalement dans le mouvement mondial de socialisation de la finance par le biais des banques centrales.
 

Nicklas Pélès de Saint Phalle