C’est un bon point pour Obama, en perte de vitesse chez lui et décrédibilisé en Irak qu’il prétendait encore au début de l’année laisser dans une situation stable : la neutralisation des armes chimiques remises par la Syrie vient de s’achever par la destruction en mer des éléments permettant de fabriquer du gaz sarin et du gaz moutarde. Juste un bon point, comme on voyait s’en remettre à l’école jadis : Obama peut dire aujourd’hui sa satisfaction mais les usines de fabrication sont toujours debout en Syrie, fussent-elles sous scellés.
On apprend dans le même temps le bombardement, lundi, pour le deuxième jour consécutif, des positions de l’Etat islamique dans leurs fiefs à Raqa et Alep par l’armée de l’air syrienne. Au nom du califat, les djihadistes d’EI combattent aussi bien le régime de Bachar el-Assad que les rebelles syriens.
Irait-on donc vers une sorte de réhabilitation de Bachar el-Assad, voire une redéfinition du jeu américain et des alliances au Proche-Orient ? Pour répondre, il faut se garder d’abord de tout manichéisme.
Dans cette affaire il ne faut pas oublier en effet que les islamistes à l’origine d’Al-Nosra, puis de l’Etat islamique, ont été au départ ceux libérés des prisons syriennes par Bachar. D’abord repoussoir utile pour discréditer son opposition, le « bébé » a grandi et échappé à tout contrôle. Mais la création d’un califat fondé sur l’appartenance religieuse pourrait du même coup « justifier » l’existence d’un Etat alaouite – sans même parler de l’Etat hébreu.
La Syrie de Bachar n’est donc pas considérée comme digne de confiance et si les Etats-Unis ne récusent pas quelques rapprochements de circonstance, la carte n’en est pas redéfinie pour autant.
La presse libanaise rappelle à ce sujet que l’Iran – où de vrais bouleversements touchent la tête de l’Etat – est bien davantage au centre d’une nouvelle donne. Après avoir réussi la création d’un Etat, le renouvellement de son arsenal et la création d’un programme nucléaire malgré toutes les sanctions, il a créé un axe chiite de Téhéran jusqu’à la Jordanie et au Liban en passant par l’Irak et la Syrie.
Axe rompu par l’Etat islamique : l’Iran est aujourd’hui isolé par la chute de Maliki en Irak et surtout par la création du califat. Commencent à être isolés, aussi, la Syrie et le Hezbollah qui n’ont plus de lien terrestre avec leur mentor.
Les Etats-Unis ont choisi en l’occurrence de soutenir et d’aider, pour frapper le califat, non l’axe chiite, mais l’Etat kurde et les tribus sunnites qui dans leur majorité sont hostiles au califat. Cela sert les intérêts iraniens, sans qu’il y ait d’alliance des Etats-Unis avec l’Iran, mais – note encore un éditorialiste libanais – l’Iran peut saisir l’occasion en lâchant davantage de lest dans les négociations sur son pouvoir nucléaire.
L’Orient restera toujours compliqué.