Syrie : le cessez-le-feu semble tenir, malgré quelques accrochages et accusations

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Des enfants sur une balançoire le 27 février 2016 à Douma au premier jour de la trève en Syrie.

 
Le cessez-le-feu a-t-il un avenir en Syrie ? Au cours des premières quarante-huit heures après son entrée en vigueur, on observe manifestement une accalmie sur les théâtres d’opération, même si les aviations russe et syrienne du président Assad ont procédé à certains bombardements. Accrochages en violation de l’accord de cessez-le-feu finalement déclaré, malgré les hésitations, vendredi à minuit ? Les accusations en ce sens se multiplient. Mais sont-elles crédibles ?
 
Les plus fortes de ces accusations émanent de l’Arabie saoudite, dont le ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a accusé dimanche la Russie et le régime du président Bachar el-Assad de violer la trêve, à l’occasion d’une conférence de presse donnée à Ryad aux côtés de son homologue danois.
 

Syrie : le cessez-le-feu semble tenir

 
Il est évidemment difficile de se faire une religion sur le sujet. Opposée à l’Iran dans un certain nombre de conflits régionaux, l’Arabie saoudite est, de ce fait, l’allié de l’opposition syrienne dite « modérée » au président syrien. Or celle-ci a affirmé dimanche que la cessation des hostilités avait été violée quinze fois par le régime de Damas et ses alliés samedi, au cours du premier jour de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. C’est du moins le décompte donné par un porte-parole du Haut comité des négociations depuis Ryad où est basée cette instance. Celui-ci a précisé qu’une plainte allait être envoyée à l’émissaire des Nations unies pour la Syrie Staffan de Mistura, au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, et aux ministres des Affaires étrangères du Groupe international de soutien à la Syrie, à l’exception – bien sûr – de ceux de Russie et de l’Iran.
 
La Russie a, elle aussi, comptabilisé neuf violations du cessez-le-feu, mais estimé que, d’une manière générale, celui-ci se mettait en place.
 
Cette tension toujours perceptible appelle pour le moins deux observations. La première est que l’on peut douter des accusations portées contre la Russie et les autorités syriennes par un organisme de négociations – singulière conception de la négociation… – situé dans un pays en opposition directe avec le régime de Damas. Et lorsque le ministre saoudien des Affaires étrangères y fait écho, il va de soi qu’il ne fait que répéter les déclarations de cet organisme qui réside chez lui.
 

Accrochages et accusations

 
La seconde est qu’il y a, depuis le départ, un malentendu en cette histoire. On l’a bien vu à l’occasion de ce cessez-le-feu où l’opposition « modérée » rechignait à voir tenu à l’écart le Front Al Nosra. Or la situation est suffisamment confuse sur le terrain pour que, en prétendant bombarder ledit Front, on touche l’opposition « modérée ».
 
En réalité, la situation est encore plus confuse dans le principe. Le seul point, en définitive, sur lequel l’opposition « modérée » et le régime syrien soient d’accord, même s’ils ne l’expriment pas ainsi, ce sont celui des liens entre ladite opposition « modérée » et certains groupes djihadistes. Mais c’est aussi le seul point dont les Occidentaux ne veulent pas entendre parler, car son acceptation prouverait que leur politique est faussée depuis le départ, et notamment en ce qui concerne un hypothétique accord de paix.
 
C’est sans doute pour contourner cette difficulté que l’Arabie saoudite fait désormais référence à un plan B évoqué par le secrétaire d’Etat américain John Kerry. A quoi le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov a vivement réagi, en dénonçant une déclaration « tout à fait contraire aux décisions du Conseil de sécurité de l’ONU ».
 

La stratégie de Vladimir Poutine

 
« Nous avons tous dit qu’il n’existe pas de plan B. Nous devons, ensemble, mettre en place ce que nous avons tous décidé », a-t-il conclu.
 
On perçoit là à quel point Vladimir Poutine a bien joué en organisant ce cessez-le-feu avec son homologue américain Barack Obama. Sur le fond, il met les Occidentaux face à leurs contradictions. Car, si en bombardant les djihadistes, il touche l’opposition « modérée », il lui sera facile de dire qu’il n’est pour rien s’il y a collusion entre eux et que, en outre, il les avait prévenus mais qu’ils n’ont rien voulu entendre.
 
Délicate responsabilité pour les Américains. Car, s’ils refusent de reconnaître qu’ils se sont trompés, et écoutent les plaintes émanant de Riyad, Moscou pourra toujours dénoncer le fait que la trêve a été rompue à l’initiative unilatérale de Washington…
 

François le Luc