Un tableau d’hommes blancs qui fument à l’université de Leiden ? Il faut une mise en garde !

tableau hommes blancs Leiden
Le tableau de Rein Dool


L’université de Leiden, aux Pays-Bas, ne sera pas privée d’un tableau qui orne une salle de ses bâtiments administratifs, mais ce sera au prix d’un avertissement, tant on craint les effets pervers de cette image de six personnes qui cumulent les tares : ce sont tous des hommes, certains ont cigare ou pipe au bec et, comble d’indignité, ils sont tous blancs. Tous étaient en leur temps – le tableau de Rein Dool date de 1974 – à la tête de la prestigieuse université, notamment le Rector Magnificus Dolf Cohen. C’est l’indignation d’un doctorant qui a dénoncé le tableau sur Twitter en novembre dernier qui avait motivé le retrait immédiat de l’œuvre. La doyenne actuelle de la faculté de droit, Joanne van der Leun, avait aussitôt posté une photo du décrochage du tableau. « J’ai passé la plus grande partie de ma carrière dans des salles avec des hommes ornées de tableau montrant des hommes. Je déteste la fumée, même si elle est simplement peinte », proclamait-elle.

Le tableau va définitivement retrouver sa place, au terme de discussions que l’on pouvait croire sans fin, mais non sans conditions.

 

A Leiden, l’idéologie « woke » a fait décrocher un tableau

Entre-temps, l’artiste, qui a aujourd’hui 89 ans, s’était dit furieux de ce que son tableau – qu’il avait, comble d’ironie, voulu satirique et peu flatteur – ait été déposé. « C’est effrayant. C’est une action ridicule, grotesque et obtuse de la part de quelques idiots mécontents qu’il présente quelques hommes qui fument. L’université se condamne elle-même en faisant cela. » Et de souligner qu’il faudrait décrocher la plupart des œuvres du passé : « On y trouvera certainement toujours quelque chose d’interdit aujourd’hui. »

Après des débats à la chambre basse du Parlement néerlandais – en commission, le PVV (parti de la liberté) dénonce le pouvoir des « flocons de neige gauchistes » et « un nouvel épisode dramatique de l’horreur woke » –, la sollicitation du secrétaire d’Etat à la culture, Gunay Uslu qui botte en touche en affirmant que c’est à l’université de décider, et des questions posées au ministre de l’Instruction, à qui l’on fait observer que le retrait d’un tableau à cause du sexe et de la couleur de peau de ses sujets est « sexiste et discriminatoire », les responsables de la faculté ont décidé de raccrocher l’œuvre huit jours après le début de l’affaire.

 

Cachez ces hommes blancs que l’on ne saurait voir !

Mais en même temps, au nom de l’« inclusivité qui est l’une de nos responsabilités les plus importantes », la présidente de l’institution a annoncé la tenue d’une commission. Une commission de composition « diverse », cela va de soi.

Vendredi dernier, l’université a donc organisé un symposium, après la mise sur pied d’une « commission du tableau » présidée par un professeur émérite d’histoire contemporaine de l’art, Kitty Zijlmans. Celle-ci a d’ores et déjà fait savoir que sa commission souhaite que le tableau trouve une « place de premier plan » dans les bureaux de l’Académie, « de telle sorte que tous puissent le voir, mais avec de « l’information » sur sa signification à son époque. On n’ose l’imaginer.

 

De la commission des tableaux au dialogue permanent

La commission du tableau cédera la place – c’est en tout cas ce qu’elle souhaite – à une « commission des arts » qui sera chargée de « faire l’équilibre entre hier et aujourd’hui » pour les cas qui pourraient se présenter, et à laquelle étudiants et collègues pourraient s’adresser pour poser d’éventuelles questions. Mieux, elle propose de faire procéder à des évaluations quinquennales pour éviter de telles « débâcles » ; Mme Zijlmans espère enfin voir s’instaurer un « dialogue permanent avec l’ensemble de la communauté universitaire », avec « de la place pour débattre des tensions propres aux valeurs et idéaux historiques et contemporains, en en parlant ensemble ».

Mare, la revue hebdomadaire de l’université de Leiden, n’a pas précisé si les participants avaient bien ri. Il y a des sujets dont on ne se moque plus.

 

Jeanne Smits