Terrorisme islamique : bruits de bottes en Europe

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On apprend mardi matin qu’un chasseur russe a été abattu par l’armée turque. Dans l’espace aérien syrien, c’est l’embouteillage entre les avions de guerre américains, français, britanniques, canadiens, arabes et, bien sûr, russes. On peut s’interroger sur le fait de savoir si un sanglant attentat à Paris relève de la guerre stricto sensu, mais une chose est sûre : les différentes nations, coalitions, forces en présence font tout pour traiter les événements actuels comme tels. A Bruxelles, on a entendu les bruits de bottes. L’état d’urgence, les mesures d’exception, la surveillance universelle sont en marche. Les autorités en rajoutent dans la psychose, sans jamais désigner ce terrorisme comme « islamique ». Oserai-je écrire : un marché gagnant-gagnant ?
 
Marché, c’est sans aucun doute aller trop loin. La sincérité et la haine des djihadistes partis combattre le croisé sont bien réelles. On ne se fait pas sauter avec un ceinturon d’explosifs sans croire très fort à ce « martyre », cette singerie de martyre. Du côté des autorités civiles et militaires dans les pays cibles, on n’imagine pas non plus que la consternation, la nervosité, la désolation soient feintes.
 

L’Europe unie de manière opportuniste contre le terrorisme

 
Il n’empêche. On perçoit du côté des gouvernants de l’Europe une forme d’opportunisme qui – vu que chacun prévoyait un événement de ce type et que pendant de longs mois, les perquisitions et recherches qu’on a su si vite organiser après, n’ont pas été faites – attendait peut-être tout simplement son heure. Pourquoi ? Parce que la situation d’urgence et de chaos est propice aux changements que l’on impose plus difficilement en temps de paix…
 
Gagnant-gagnant… L’Etat islamique l’est assurément, il aurait tort de ne pas crier victoire. Quels sont les objectifs du terrorisme ? Terroriser, d’abord, et terroriser en étant vus, l’un n’allant pas sans l’autre.
 
Il suffit de voir la couverture médiatique mondiale assurée aux attentats. Alors que, quotidiennement, des gens meurent dans les attentats abominables de Boko Haram, alors que les attaques meurtrières se succèdent dans le monde, ce sont les images de Paris qui ont fait la une de tous les journaux et de tous les médias. Comme si ces morts-là avaient plus de valeur, étaient plus graves… Il va de soi que l’on est davantage touché par le malheur de ses proches – c’est la limite naturelle à la non discrimination universelle. Mais enfin, à ce point, c’était indécent d’« oublier » les victimes noires de Boko Haram et de s’attarder sur ceux qui fréquentent les quartiers bobo de Paris.
 

La surveillance s’installe tandis que le terrorisme islamique pavoise

 
C’est la première victoire de l’Etat islamique, le pied de nez de Daech : voir les visages des « martyrs » étalés, souriants, dominateurs, sur les affiches des kiosques et à la première page des sites Internet. C’est tout ce qu’ils voulaient.
 
Cet étalage en a fait des héros. On sait l’importance que revêt l’image dans le Califat. C’est son moyen de recrutement, son affirmation d’insolence, un moyen pour annihiler la raison et imposer son discours qui n’est – lorsqu’il se dirige vers les candidats potentiels mais aussi lorsqu’il s’adresse à ses ennemis – qu’une logorrhée incantatoire. Tout cela s’adresse aux instincts. Et qui plus est, aux instincts de jeunes qui n’ont pas reçu à l’école la capacité d’analyse et de raisonnement qui les eussent protégés. Enfants de la « civilisation » de l’image – en réalité, une barbarie – n’ont-ils pas vu dans cette capture de l’espace médiatique un moyen de devenir eux aussi, un jour, célèbres ?
 
Deuxième victoire. L’Etat islamique veut imposer la loi islamique, et cela se fait, comme toujours, au moyen de la violence et de la conquête. Le « 13-11 » était d’abord une provocation. Elle est réussie. Le peuple a peur – il suffit de voir les magasins et les gares vides – et leurs gouvernants semblent eux aussi avoir peur.
 
En tout cas ils font tout, absolument tout pour que le peuple ait peur. Cela fait des mois que les médias montrent des images de colonnes de réfugiés arriver par milliers, depuis la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan… et s’installer là où les Européens les supportent de moins en moins. Des mois que ces images contredisent le discours lénifiant de l’accueil, répété par Merkel, Hollande, Obama outre-Atlantique, et jusque par le pape François. Ils ne sont pourtant pas nés de la dernière pluie. A croire que d’aucuns jouent avec les sentiments : oui, il y a un devoir individuel de charité à l’égard de l’étranger, mais c’est lui qui s’évapore le plus vite au vu des événements et du refus politique de défendre la cité.
 

Bruits de bottes en Syrie : de Poutine à Cameron

 
Depuis l’attentat du 13 novembre, on assiste à un nouveau spectacle. D’une part, les « alliés » – et Poutine y est désormais bienvenu et associé – réagissent à l’égard du Califat comme Bush à l’égard de l’Irak au lendemain du 11 septembre 2001 : frappes aériennes, peut-être l’invasion… et puis le chaos ? Le scénario est désormais bien rodé.
 
D’autre part, le pouvoir en Europe de l’Ouest semble tout faire pour entretenir la peur. Etat d’urgence en France, traques et bruits de bottes… Soudain on parle des caches d’armes en banlieue. Des combinaisons de protection contre des attaques chimiques ont été volées à Necker : les journaux ne parlent plus que de ça, et l’on apprend que des dispositifs armés « se rendront sur place » si les réserves d’eau de Paris sont attaquées. Rassurant… On constate comment la police laisse filer le « cerveau » présumé des attentats, et Bruxelles est en état de siège en raison de la menace représentée par un seul homme.
 
Trois jours sans métro, ni école le lundi : Bruxelles au point mort, quadrillée par des militaires avec leurs camions blindés – pourquoi pas des chars ? – tout ça pour un seul homme ? N’était-ce pas une affaire de renseignement plutôt que d’une telle démonstration de force qui a dû enchanter les jeunes djihadistes d’ici et d’ailleurs ? On aurait pu le croire. Mais les médias expliquaient, augmentant encore la pression, que les services belges n’ont pas le premier sou, et manquent cruellement d’hommes.
 

Bruits de bottes à Bruxelles : l’armée mobilisée contre un homme

 
Le maire de Bruxelles a accusé le gouvernement belge d’avoir imposé le « régime islamique » : sans musées, sans cafés, sans culture, sans écoles. Il y a de ça.
 
Et voici que David Cameron en est à expliquer que personne ne pourra se soustraire au devoir d’aller combattre l’Etat islamique, là-bas, en réponse aux demandes de François Hollande. Mieux : Daech cherche à obtenir l’arme atomique, vient d’annoncer le Premier ministre britannique, citant un rapport qui vient de paraître. Il y a trois jours, il mettait en garde contres ses tentatives de fabriquer des armes chimiques et biologiques.
 
Vrai ? Faux ? Pour l’heure, ce n’est pas la question. Ce que l’on est bien obligé de constater, c’est que pour terroriser les populations, l’Etat islamique a trouvé de bonnes caisses de résonance.
 
Là où les gouvernements occidentaux sont gagnants, du coup, c’est dans leur nouvelle capacité à obtenir l’adhésion des populations pour imposer des mesures qui sont des mesures de guerre : surveillance sans limites, soumission des honnêtes gens à des fouilles incessantes, surveillance des cartes bancaires prépayées, vigiles, nouvelles mesures pour traquer les paiements.
 
On se croirait décidément bien protégé si les capacités militaires de nos pays n’avaient pas été systématiquement démantelées depuis des années, si l’Europe fermait ses portes au flux de réfugiés que nul ne peut prétendre aujourd’hui contrôler efficacement, et si les autorités consentaient enfin à opposer autre chose que la « laïcité » aux fanatiques d’une (fausse) religion.
 
A croire que leur objectif est ailleurs.
 

Anne Dolhein