L’Union européenne peut-elle s’entendre avec la Turquie ?

Union européenne Turquie
« Pour nous, pour la Turquie, la question des réfugiés n’est pas une question de marchandage, mais une question de valeurs humanitaires, ainsi que de valeurs européennes », a averti le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu à son arrivée à Bruxelles.

 
Les dirigeants de l’Union européenne sont tombés d’accord à Bruxelles sur une série de propositions à présenter à la Turquie afin de trouver une solution pérenne pour gérer le flux de migrants qui frappent à la porte de l’Europe. Reste à savoir si Ankara est prête à les entendre…
 
Le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, à qui ces conclusions devaient être présentées vendredi avait d’ores et déjà averti la veille qu’il n’accepterait aucun accord susceptible de faire de son pays « une prison à ciel ouvert » pour les migrants.
 

L’entente avec la Turquie est-elle possible ?

 
De son côté, Angela Merkel est restée très prudente, estimant que les négociations avec la Turquie ne seraient « pas très faciles ». Surtout que le président chypriote, Nicos Anastasiades, a menacé d’opposer son veto à un accord entre l’Union européenne et la Turquie dont les termes ne lui conviendraient pas. La question est très claire pour lui. Il ne peut y avoir d’accélération dans les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne tant que les autorités turques refusent à Chypre l’accès à leurs ports et aéroports, et donc tant qu’en fait elles ne reconnaissent pas Chypre. De peur de ne pas trouver de terrain d’entente entre eux avant même de rencontrer les Turcs, les Vingt-huit ont donc décidé de laisser de côté la question-piège d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
 
C’est effectivement plus simple…
 
Pour le reste, les Européens ont décidé d’intensifier leur aide à Athènes de manière à ce que les dossiers des candidats à l’exil bloqués dans les centres d’accueil soient rapidement examinés, d’accorder à la Turquie la rallonge de l’aide économique demandée, et de se tenir au principe du « un pour un », selon lequel, pour chaque Syrien illégal reconduit en Turquie, un Syrien réfugié en Turquie serait accueilli dans un Etat-membre de l’Union européenne.
 
En pratique, en effet, les questions de la nature du migrant, de son illégalité présumée, semblent importer peu à Ankara.
 
Dans le calcul cependant, le « un pour un » ne changerait fondamentalement rien à la crise, puisque, pour un clandestin s’en allant nous accueillerions un réfugié syrien. Le nombre d’étrangers ainsi réfugiés chez nous demeurerait constant.
 
Sans compter tous les problèmes annexes qui ne sont pas évoqués par nos dirigeants. Par exemple, qu’un migrant économique ressemble comme un frère à un réfugié. Bruxelles même a été obligée de l’admettre dont certains responsables ont reconnu que, parmi les réfugiés qui déferlent depuis des mois, il y avait un nombre grandissant de migrants économiques, alors même que cette simple affirmation vous valait d’être montré du doigt il y a encore quelques mois.
 
Autre difficulté, il est impossible pour la plupart d’entre nous, et on a pu le constater avec l’affaire des faux passeports des terroristes du Bataclan, de distinguer un Syrien d’un Irakien, ou de quelque autre habitant des pays de la région. Si bien que, à terme, il serait envisageable que, dans cet échange, on nous envoie comme réfugié Syrien « légal » un Irakien clandestin qui aurait été expulsé quelques temps auparavant…
 
Comme toujours, ce qui compte pour nos politiques est d’avoir un discours qui vienne justifier leurs prétentions, et dont ils puissent faire usage, jusqu’à plus soif, lorsqu’il s’agit de nous persuader de l’efficacité de leur politique…
 

L’Union européenne émet des réserves

 
Dans un autre domaine, plusieurs pays ont émis, par ailleurs, des exigences en ce qui concerne la question de la levée des visas pour les Turcs alors qu’Ankara ne remplit pas les soixante-douze critères fixés par l’Union européenne. « Si l’on peut comprendre que la Turquie veuille se protéger du terrorisme, il ne peut pas être accepté des entorses au droit de l’homme et au droit de la presse, cela fait partie des discussions qui doivent s’engager, au-delà même de la question des réfugiés », a ainsi souligné François Hollande.
 
« Un accord avec la Turquie ne peut pas être un chèque en blanc », a résumé pour sa part le premier ministre belge, Charles Michel.
 
En clair, et quelle que soit la variété des motifs, on peut dire que, sur ce point, le sommet européen ne présente pas d’avancées, et que la crise migratoire, qui ne dépend d’ailleurs pas du seul accord avec la Turquie, est loin d’être réglée…
 

François le Luc