Le virus Zika, prétexte au contrôle de la population

Zika contrôle population
Des femmes enceintes attendent d’être prises en charge dans une maternité à Guatemala, le 26 janvier 2016. « Avec des mesures préventives, le virus pourra être contrôlé », affirme un médecin.

 
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) se réunira lundi prochain à Genève en vue de trouver une réponse à l’extension du virus Zika en Amérique latine et pour déterminer si l’épidémie constitue une « urgence sanitaire mondiale ». Ce n’est pas tant, semble-t-il, parce que son extension serait extrêmement inquiétante, que parce que « l’attention publique » s’est renforcée ; c’est en tout cas l’une des raisons invoquées par le directeur général adjoint de l’OMS, Bruce Aylward. Pour l’heure, la peur suscitée par le virus Zika et plus précisément aux risques de graves malformations qu’il fait courir aux enfants à naître a déjà suscité des mesures de mise en garde. Ainsi les autorités d’El Salvador ont-elles recommandé aux femmes d’éviter toute grossesse « pendant deux ans ». Zika, un prétexte au contrôle de la population ?
 
Le virus Zika, transmis uniquement par des moustiques, se répand actuellement à forte vitesse, notamment au Brésil. L’OMS évoque la possibilité de 3 à 4 millions d’infections sur le continent américain. En cause, notamment : l’effet du phénomène climatologique El Niño dont le courant chaud est propice aux moustiques qui transmettent le virus.
 

Le virus Zika, soupçonné de provoquer la microcéphalie

 
Alors qu’on évoque – mais sans certitude scientifique – un lien entre le virus Zika et la recrudescence de cas suspects de microcéphalie chez les enfants à naître, diverses mesures ont déjà été prises au niveau national. Le Salvador a fait sa recommandation d’éviter les grossesses : on s’y attend à une explosion de la demande contraceptive. Marisol Touraine a recommandé jeudi aux femmes enceintes de reporter leurs voyages dans les territoires d’Outre-Mer. Six pays d’Amérique latine lancent des messages d’alerte similaire.
 
Selon Yazdan Yazdanpanah, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat, la mesure de Mme Touraine est pour le moins prématurée. L’infection en soi n’est pas très inquiétante : asymptomatique dans 80 % des cas, l’infection déclarée comporte le plus souvent des symptômes sans gravité. Il est vrai que les malformations congénitales sont à la hausse, et spécialement la microcéphalie, et que cela date de l’expansion du virus Zika : « Il y a eu 4.000 cas au Brésil, alors qu’en temps normal c’est une centaine maximum par an », souligne le professeur. « Il y a un risque réel pour les femmes enceintes mais ce risque est extrêmement faible », estime-t-il.
 

Grossesses sous surveillance ou déconseillées : un nouveau contrôle de la population

 
Mais à supposer que le lien, « fortement suspecté » selon la directrice de l’OMS Margaret Chan Chan, soit établi, ce qui n’est pas le cas actuellement, l’augmentation des cas de microcéphalies suspectées, notable depuis octobre dernier, semble circonscrite au Brésil alors que le Zika est présent dans tous les pays d’Amérique hormis le Canada et le Chili. D’autre part, le ministère brésilien de la santé a affirmé mercredi que le nombre de nouveaux cas semblait diminuer.
 
L’Associated Press publiait jeudi le témoignage d’une femme actuellement sous traitements de fertilité au Salvador. A 34 ans, elle a décidé d’écouter les recommandations du gouvernement et compte se mettre sous contraception. Mais elle craint d’être « trop vieille » pour concevoir lorsque le gouvernement affirmera qu’il n’est plus « dangereux » de le faire. Où l’on voit le levier extraordinaire que peut constituer une information relative à la santé – qu’elle soit d’ailleurs vérifiée ou non – pour modifier des comportements. Pour ce qui est de Maria Erlinda Guzman, sa crainte est de rester « sans enfants ».
 
Selon l’agence américaine, la perspective des défauts congénitaux supposés liés au virus Zika crée désormais un dilemme chez les catholiques et autres évangéliques qui récusent l’avortement : elles hésitent entre leurs convictions religieuses et la crainte devoir leur enfant naître microcéphale et avec une toute petite espérance de vie.
 

Le virus Zika, un prétexte pour demander la légalisation de l’avortement

 
Bien entendu, les organisations pro-avortement ne sont pas en reste : les féministes profitent de l’aubaine pour réclamer la dépénalisation de l’avortement à l’heure où de nombreuses femmes risquent, selon elles, d’avoir recours à des avortements clandestins du fait de l’avancée du virus Zika. « Ce à quoi on peut s’attendre, c’est une hausse du taux des avortements clandestins, des avortements dangereux et un problème de santé mentale chez les femmes », assure une militante salvadorienne.
 
Le Guttmacher Institute, organisation de « recherche » liée au Planning familial, affirme qu’environ 4,4 millions de grossesses ont abouti à un avortement en 2008, dont 95 % de manière clandestine et dangereuse. C’est une rhétorique constante parmi les partisans de la légalisation. Avec l’arrivée du virus, un nouvel argument permet au Planned Parenthood de pousser des cris d’alarme : ainsi Carmen Barroso, directrice de la branche « Hémisphère Ouest » de la Fédération internationale du planning avance-t-elle comme un facteur inquiétant le fait que la moitié des grossesses au Salvador ne sont pas planifiées.
 
Toutes ces annonces médiatiques ont en commun une idée centrale : pour le bien des mères comme des enfants, il est important que les grossesses soient programmées avec l’aide des autorités sanitaires et des pouvoirs publics.
 
La microcéphalie a bon dos.
 

Anne Dolhein