Plongeon de la Bourse en Chine malgré le soutien des entreprises publiques

Plongeon Bourse Chine soutien entreprises publiques
 
La Chine communiste fait face à un plongeon spectaculaire de sa Bourse malgré les efforts désespérés faits par le gouvernement pour tenter de sauver les meubles par le biais d’achats commandités par les grandes entreprises. Les Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont connu leur « mardi noir », le 7 juillet, avec des pertes spectaculaires entre 5,8 et 9,1 % selon les index. La chute s’est poursuivie mercredi à l’ouverture. Les pertes cumulées atteignent 30 % en trois semaines, soit une contraction de la valeur capitalisée – évaluée mardi – de 2.900 milliards de dollars pour les actionnaires individuels sur la période, 3.400 milliards au total.
 
Les actionnaires individuels représentent 85 % des échanges dans les Bourses chinoises : selon les réseaux sociaux, ils sont actuellement en proie à une vague de suicides.
 
Ce mercredi matin, c’était encore la panique avec un plongeon de 6,97 % à Shanghai à l’ouverture, partiellement jugulé en cours de matinée. La cotation des titres, déjà suspendue pour 25 % d’entre eux mardi, a été élargie. Le courtage des actions est interrompu pour 1.249 titres des bourses de Shanghai et de Shenzhen, soit 43 % des sociétés cotées et environ un tiers de la capitalisation du marché, a précisé l’agence Bloomberg.
 

Les Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont connu un plongeon de plus de 30 % en 3 semaines

 
Ce n’est pas faute pour le parti communiste chinois d’avoir tenté de limiter les dégâts. Adoptant une démarche fortement interventionniste à la suite d’un premier plongeon de 6 % lundi, le gouvernement a mis en place un programme d’achats frénétiques, lundi, par le biais d’un « groupement d’acheteurs » composé de 115 institutions financières aux mains de l’Etat. C’est l’équivalent de dizaines de milliards de dollars qui a été injecté dans les fonds supposés à « valeur sûre » et les plus gros titres par les grandes compagnies d’assurance étatisées chinoises. La journée de lundi a commencé par une forte montée mais celle-ci a été suivie d’une frénésie de vente à tout va, et les Bourses devaient fermer à leur niveau le plus bas.
 
C’est pour éviter une aggravation du crash que la cotation des 702 titres les plus faibles parmi les 2.800 sociétés capitalisées à Shanghai et Shenzen a été suspendue mardi pour dix jours, avec la possibilité de prolonger la suspension pendant trois mois. Malgré cela, on a enregistré de nouvelles pertes mardi : cuisante défaite pour la politique chinoise qui a, de fait, poussé un nombre important d’investisseurs individuels vers la déroute.
 

Le soutien des entreprises publiques commandité par le parti communiste n’a rien arrangé

 
La situation s’est même empirée avec les assurances données mardi avant l’ouverture par le Premier ministre Li Keqiang sur le site du gouvernement : il annonçait que la Chine a la confiance et les capacités requises pour faire face aux défis de son économie. Le communiqué était accompagné de l’annonce des achats par les institutions financières étatiques pour soutenir la Bourse : cela n’a fait qu’alimenter les inquiétudes.
 
Le gouvernement chinois tente de minimiser la catastrophe qu’il a lui-même contribué à fomenter en invitant les Chinois à investir dans la Bourse au nom de leur sentiment patriotique : c’est ce qui explique la proportion d’investisseurs individuels qui est à l’inverse de celle que l’on peut constater dans les économies occidentales. Aux Etats-Unis, par exemple, 75 % des échanges se font entre des institutions financières.
 
Des millions de petits investisseurs ont cru aux annonces du gouvernement, sûrs de profiter d’un « boom » des actions soutenu par l’action des pouvoirs publics. Avec une montée en valeur des Bourses qui a culminé à 150 % début juin, ils pouvaient imaginer avoir réussi leur pari. Leur situation est d’autant plus terrible que parmi les 90 millions de Chinois qui font aujourd’hui face à des pertes spectaculaires, un bon nombre a emprunté pour entrer sur le marché.
 
Les autorités chinoises ont annoncé ce mercredi de nouvelles mesures : les compagnies d’assurance vont être autorisées à investir jusqu’à 10 % de leurs fonds dans une valeur boursière, contre 5 % auparavant ; les sociétés de courtage s’engagent quant à elles à acheter davantage d’actions émises par des PME, après une première promesse, samedi, d’injecter 19 milliards de dollars dans les Bourses.
 

Le plongeon de la Bourse signe la crise de l’économie de la Chine

 
L’AFP veut voir dans l’effondrement actuel un « retour de bâton » après le gonflement trop rapide de la Bourse de Shanghai qui a gonflé de 150 % en douze mois en « se déconnectant de l’économie réelle ».
 
Pourquoi pas. Mais il faut y ajouter la rhétorique du Parti communiste qui a poussé à la roue. Et surtout, il ne faut pas oublier que, fondamentalement, l’économie de la Chine est en mauvais état, comme nous l’écrivions ici dès le 24 juin. Elle a été en proie à une croissance négative de janvier à mars, et plonge dans un endettement qui ne cesse d’augmenter. Nous évoquions les avertissements de Lombard Street Research prévenant que cette dette nationale est une véritable « bombe » dont « la mèche est en train de brûler ». La dette non financière de la Chine a atteint 240 % du PIB en 2014.
 
A quoi s’ajoute le problème démographique de la Chine qui commence à subir le contrecoup de sa politique de l’enfant unique : « Il n’est de richesse que d’hommes », disait Jean Bodin, et un pays qui se replie a forcément une économie qui se contracte.
 

Anne Dolhein