La Suède, submergée par l’afflux de migrants, rétablit les contrôles à ses frontières

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Le bon élève de l’Europe, partisan d’un immigrationnisme à tout crin, cède à la pression de l’opinion et à la dure réalité migratoire : la Suède a rétabli, jeudi, le contrôle à ses frontières. Pour dix jours, officiellement – officieusement, certainement davantage. Objectif : limiter les dégâts – réels – détendre l’électorat de droite et pousser à une redistribution des migrants dans le cadre européen.
 

Les frontières de la Suède se ferment

 
C’est la première fois depuis son entrée dans l’Union européenne et l’espace Schengen en 1995, que la Suède va filtrer les entrées sur son territoire. Un geste qui n’a pas déplu à ses voisins, la Finlande et le Danemark, heureux de partager cette politique temporaire du désaveu.
 
A Malte, où il se trouvait pour le Sommet Europe-Afrique sur la crise migratoire, le Premier ministre suédois Stefan Löfven s’est pourtant bien défendu de suivre un exemple à la hongroise : « ce n’est pas un mur que la Suède édifie à ses portes comme d’autres ont érigé des clôtures de barbelés ».
 
Néanmoins, le résultat est un peu le même… Cette volte-face est importante, surtout venant d’un gouvernement de coalition dirigé par l’aile gauche sociale-démocrate de Stefan Löfven, qui, il y a seulement deux jours, tançait le parti de centre-droit « modéré » qui suggérait de contrôler les frontières… Bizarrement, le Premier ministre a tout d’un coup compris qu’il devait « rétablir l’ordre ».
 

Des contrôles durcis

 
Les contrôles se sont concentrés sur les deux autoroutes de l’immigration vers la Suède : le pont de l’Öresund et les ferries en provenance des ports danois et allemands de la mer Baltique.
 
La règle est claire : tous les migrants dépourvus de papiers d’identité seront refoulés – ce qui va en limiter singulièrement le nombre, étant donné que la plupart en sont précisément dépourvus pour pouvoir se prétendre syrien, statut de réfugié le plus favorable. Pour les autres, le droit d’asile reste apriori garanti, « dans une certaine mesure ».
 
Le ministre de l’Intérieur parle d’une dizaine de jours. Mais ses commentaires laissent supposer que la Suède cherchera bien à prolonger cette fermeture les six mois complets permis par le code frontières de l’espace Schengen, « en cas d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale ».
 

360.000 migrants pour moins de 10 millions d’habitants

 
« Nous sommes dans une situation difficile » a argué Stefan Löfven.
 
Confrontée à un afflux inédit de réfugiés depuis la guerre des Balkans dans les années 1990, la Suède, pays de moins de dix millions d’habitants qui compte déjà plus de 20% de résidents d’origine étrangère, devrait recevoir cette année jusqu’à 190.000 migrants et 170.000 l’an prochain – ce qui équivaut, à l’échelle d’un pays comme l’Allemagne, à l’arrivée de 3 millions de personnes en deux ans.
 
La crue réalité est là : hôpitaux, écoles et services sociaux sont saturés ; un simple toit n’est plus garanti…
 
Et pourtant, l’accueil migratoire sempiternel – et outrancier – revendiqué par cette « superpuissance humanitaire » a donné depuis longtemps les preuves de son bon dysfonctionnement. A charge les émeutes de Husby, en mai 2013, qui en préfigurent de belles pour aujourd’hui. Car la situation a empiré. Dans beaucoup de quartiers, les autorités ne dominent plus la situation, en particulier dans le sud du pays (la ville de Malmö voit par exemple 90 % de ses immigrés musulmans au chômage). Et parmi les 34 pays membres de l’OCDE, la Suède est désormais celui où les écarts de revenus croissent le plus vite… Cherchez l’erreur.
 

Les Suédois s’inquiètent

 
Aujourd’hui, les gouvernants cèdent à une pression populaire certaine, confrontée à un climat général dégradé. Selon un sondage Sifo, publié lundi, pas moins de 41% des sondés sont désormais favorables à une réduction du nombre de permis de séjour accordés alors qu’ils n’étaient que 29% en septembre, selon cette enquête réalisée début novembre… Un Suédois sur quatre, seulement, se dit pour le maintien du taux d’acceptation des demandes au niveau actuel.
 
Les gens se posent aussi la question du coût global de cette immigration, des conséquences à long terme de ce « oui » inconscient sur l’État-providence. Car la Suède, modèle de croissance et de progrès social, est forcée de trouver de nouvelles sources de financement. Jeudi, le gouvernement a annoncé 11 milliards de couronnes de crédits supplémentaires pour la cause… empruntés. La semaine dernière, le ministre des finances avait carrément envisagé de réduire le sacro-saint budget de l’aide au développement de 60%…
 

La peur de l’effet domino, au niveau européen

 
Pour les élites européennes, la crainte n’est pas la même : c’est davantage celle de l’effet domino. Certes, la Suède n’est pas le premier état européen à réintroduire des contrôles frontaliers. Mais les autres pays du Nord ayant engagé des procédures semblables, on pourrait « craindre » une fermeture progressive des pays, personne ne souhaitant se retrouver avec des masses de migrants bloquées sur ses terres.
 
Le ministre allemand des Finances a déjà évoqué cette menace en parlant d’« avalanche ».
 
D’autant que la Suède, très remontée contre certains partenaires européens qu’elle accuse de manquer à leur devoir de solidarité, est bien décidée à s’occuper du quota de relocalisation de 54.000 migrants alloué à la Hongrie dans le cadre de l’accord européen récusé par Budapest…
 
Elle appelle, de fait, à « un nouvel accord de Dublin », une meilleure (et obligée!) répartition – ce à quoi tend Bruxelles.
 

Clémentine Jallais