Persécution officielle des catholiques fidèles au sein de l’Eglise sous le pape François :
au nom d’ « Amoris laetitia », c’est parti, selon Claudio Pierantoni

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La mise à l’écart du Pr Josef Seifert, chassé de sa chaire Dietrich von Hildebrand à l’université catholique de Grenade par l’archevêque du lieu, Mgr Javier Martinez Fernandez, marque l’ouverture d’une nouvelle phase à la suite de la publication de l’exhortation Amoris laetitia qui prône l’accès des divorcés remariés aux sacrements de la pénitence et de l’eucharistie. C’est une « persécution officielle » qui frappe ceux qui osent critiquer l’exhortation Amoris laetitia, selon le professeur Claudio Pierantoni, qui enseigne la patristique et la philosophie médiévale à l’université du Chili à Santiago. Une persécution officielle qui ternit gravement le pontificat du pape François et qui désigne l’existence d’un « schisme pratique » au sein de l’Eglise en raison des « graves erreurs qui ont été introduites au sein d’un document pontifical ».
 
« Il s’agit de la punition officielle d’un penseur catholique dont le seul crime a été de défendre une doctrine orthodoxe », écrit le professeur dans un article publié dans une revue scientifique allemande, AEMAET (Wissenschaftliche Zeitschrift für Philosophie und Theologie).
 

Claudio Pierantoni dénonce le « schisme pratique » au sein de l’Eglise

 
On sait que la cause du renvoi du Pr Seifert était sa présentation critique du paragraphe 303 d’Amoris laetitia qui attribue à la réponse à la volonté divine la décision de certains de continuer de vivre dans une situation objectivement adultère. « Du contexte antérieur comme du contexte postérieur, on peut déduire clairement que la « volonté de Dieu » se réfère ici au fait de continuer de vivre dans ce qui constitue objectivement un péché grave », écrivait le Pr Seifert.
 
Même si on peut trouver dans Amoris laetitia des propositions identifiées comme hérétiques par nombre de théologiens, il s’agit là « de sa faiblesse la plus profonde, source potentielle de la destruction de l’ensemble de l’enseignement moral de l’Eglise et même de toute loi naturelle », écrit Pierantoni.
 
Cela va au-delà de la responsabilité subjective d’une personne qui pourrait ne pas être coupable d’un péché mortel, souligne universitaire chilien, puisqu’il s’agit, comme l’a mis en évidence Jozef Seifert, de dire que dans certains cas, on pourrait « savoir avec « une certaine certitude morale » que Dieu lui-même nous demande de continuer de commettre des actes intrinsèquement mauvais, comme l’adultère ou l’homosexualité active ».
 
Simple logique. Logique qui mène à constater que Dieu serait capable de contredire ses propres commandements… Et ce en dehors de toute considération sur les circonstances atténuantes qui elle, n’est pas contestée. « C’est une question de nommer objectivement bon (car Dieu ne demanderait certainement pas quelque chose qui ne soit objectivement bon) une chose qui est objectivement mauvaise », insiste Pierantoni. C’est un danger gravissime pour les fondements mêmes de toute éthique et même une atteinte à la notion de Dieu elle-même. Mais, ajoute Pierantoni, Seifert se contente de désigner le danger de manière hypothétique, demandant au pape de déterminer si ce danger existe réellement et de se rétracter s’il l’estime établi. « Pourrait-on imaginer attitude plus humble et plus respectueuse ? », interroge Claudio Pierantoni.
 

Josef Seifert a fait les frais d’une persécution officielle de catholiques fidèles

 
Mais c’est sur le fondement de ces interrogations sincères et filiales que Seifert a été renvoyé au motif qu’il « porte atteinte à la communion de l’Eglise, embrouille la foi des fidèles, et sème la méfiance à l’égard du successeur de Pierre, ce qui, à la fin ne sert pas la vérité de la foi mais plutôt les intérêts du monde », pour reprendre les explications de Mgr Javier Martinez.
 
Celui-ci, souligne Pierantoni, fait preuve d’une « naïveté réellement surprenante ». Pour faire du tort à la communion de l’Eglise, encore faudrait-il que celle-ci existe à propos du sujet considéré : « Or, quel évêque, quel prêtre, quelle personne éduquée et informée au sein de l’Eglise catholique aujourd’hui saurait ignorer qu’il n’existe aujourd’hui aucun sujet plus disputé, davantage plongé dans une confusion horrifique que celui-ci ? » C’est au contraire Amoris laetitia qui sème la confusion chez les fidèles… Et dans le cadre d’un document pontifical, qui plus est : pour la première fois, un pape se met à la remorque de l’éthique de situation qui tentait par tous les moyens de pénétrer dans l’Eglise au cours des trois pontificats précédents.
 
Raison pour laquelle, loin de susciter de la défiance à l’égard du souverain pontife, le Pr Seifert ne fait que constater ce que le pape François lui-même suscite envers sa propre personne par des « affirmation qui contredisent des points essentiels du magistère antérieur et la doctrine millénaire de l’Eglise, s’attirant la défiance absolue d’un nombre immense de catholiques fidèles ». Une méfiance qui hélas, chez beaucoup, « rejaillit sur la papauté elle-même », regrette Pierantoni.
 

« Amoris laetitia » enseigne que le Dieu peut vouloir l’adultère

 
Celui-ci résume le problème avec ces mots : « Que des adultères objectifs puissent aujourd’hui dans certains cas ne pas être considérés comme des adultères objectifs »… « Cela ne peut en aucun cas être considéré comme le magistère véritable, même si on le lit dans le cadre d’un document magistériel », commente-t-il. Il souligne que par divers moyens, le pape prend soin de préciser dans Amoris laetitia qu’il y a d’autres moyens d’interpréter certains aspects de son propre enseignement, ce qui interdit bien évidemment de le considérer comme un enseignement infaillible ni même comme faisant partie du magistère authentique.
 
Si bien que le pape « n’a pas opposé d’objection par rapport aux déclarations de ceux parmi les évêques qui ont affirmé leurs fidélités à l’égard de Veritatis Splendor et de Familiaris Consortio (comme en Pologne, aux Etats-Unis, au Canada et en Argentine) ». L’archidiocèse de Grenade a au contraire adopté la lecture des évêques de la région de Buenos Aires qui a été approuvé par le Saint-Père. Mais il se trouve que celui-ci a jusqu’à présent accepté des interprétations inverses, nonobstant son affirmation aux évêques de Buenos Aires qu’il « n’y en a pas d’autre ».
 
Nous assistons ici selon Pierantoni à une tentative de « magistérialiser » ce qui est affirmé dans Amoris laetitia, sur le fondement de la lettre du pape aux évêques du grand Buenos Aires qui à son tour, est présenté comme un acte du magistère – alors qu’il s’agit « simplement de l’état d’esprit du pape en la matière ». « Mais ce que le pape pense ou dit est très loin d’être ipso facto magistériel », souligne l’universitaire : il y faut l’expression claire et l’intention d’enseigner avec l’autorité.
 

Les catholiques fidèles à l’enseignement orthodoxe millénaire persécutés pour avoir contesté une opinion du pape

 
« En ce sens il est totalement vrai d’affirmer, à l’aide de ce qu’on appelle « l’interprétation orthodoxe d’AL », que même en suspendant notre jugement sur le fait de savoir si le pape en tant que personne est tombé dans l’erreur, aucune interprétation contraire à l’enseignement antérieur solennel et ordinaire de l’Eglise ne peut correctement être tirée du document », ajoute-t-il.
 
Cela n’empêche pas que l’opinions personnelles erronées du pape puissent avoir des « effets dévastateurs » en raison de la « confusion faite par beaucoup à propos du « magistère » et de « ce que dit le pape » ».
 
« C’est précisément ce qui se produit aujourd’hui avec le renvoi du professeur Seifert de l’IAP de Grenade. Voici de fait que l’archevêque de Grenade persécute officiellement un penseur catholique des plus orthodoxes, précisément à partir de sa présomption que ce que dit le pape dans AL viii est un acte du magistère car évidemment, le fait de critiquer le pape pour une chose qu’il a dite en tant que personne privée ne pourrait justifier le moins du monde l’accusation de porter « atteinte à la communion de l’Eglise, embrouiller la foi des fidèles, et de semer la méfiance à l’égard du successeur de Pierre » », écrit Pierantoni.
 
Et il poursuit : « Ainsi donc, Josef Seifert n’est pas simplement un penseur orthodoxe de plus qui subit la discrimination en raison de son orthodoxie. On pourrait trouver beaucoup d’exemples de telles personnes dans l’Eglise, non seulement au cours des quatre dernières années, mais des dernières décennies. Ici nous avons quelque chose de plus : non pas une simple discrimination (qui aurait besoin de quelque prétexte pour cacher ses véritables motivations), mais une persécution officielle fondée sur un document pontifical. Il serait difficile, au cours de l’histoire moderne de l’Eglise, de trouver de cela un autre exemple. Il nous faudrait plutôt revenir aux anciennes controverses christologiques, lorsque des sections entières et vitales de l’Eglise – y compris la papauté parfois – ont été gagnées à l’hérésie et qui de ce fait ont persécuté les orthodoxes. »
 

La confusion vient du pape François et d’ « Amoris laetitia »

 
Et de remercier l’archevêque de Grenade, non pour la « punition injuste infligée au Pr Seifert », mais d’avoir sans le vouloir mis clairement en évidence « le schisme pratique dont nous souffrons au sein de l’Eglise catholique, en raison des graves erreurs qui ont pu s’insinuer dans un document pontifical ».
 
Conclusion : « Et ainsi, désormais, non seulement une personne qui est adultère public à Philadelphie peut-elle devenir automatiquement, en déménageant à Chicago, un bon catholique qui fait « ce que Dieu lui demande », mais comme la pure logique le veut en conséquence, un penseur qui est un défenseur fidèle de l’orthodoxie à Vaduz peut être punie à Grenade en tant qu’il constituerait une menace pour la communion ecclésiale et serait un ennemi du pape.
 
« Mais cela ne se produirait évidemment point sans que le pape contribue lui-même activement à la confusion entre le magistère et ses opinions privées.
 
« A la lumière de cela, il est d’autant plus nécessaire et urgent qu’une sorte de correction « formelle », ou mieux, peut-être, « filiale » soit enfin rendue publique. Et que Dieu accorde au Saint-Père un cœur ouvert pour l’entendre. »
 

Jeanne Smits