Nouvel obstacle au Brexit et à l’article 50 : la chambre des Lords

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La baronne Wheatcroft, membre de la chambre des Lords, ne mâche pas ses mots : pour elle la chambre des Lords doit faire obstacle au Brexit et retarder l’application de l’article 50 du traité de Lisbonne qui permet la sortie de l’Union européenne, pour permettre un « second referendum » ou « revisiter » le résultat du premier.
 
Theresa May, le nouveau premier ministre britannique n’arrête pas de répéter, comme un mantra, « le Brexit c’est le Brexit ». Et le nouveau président du parti conservateur Patrick Mac Loughlin affirme que l’article 50 du traité de Lisbonne sera invoqué par l’Angleterre avant les prochaines élections générales de 2020. Mais depuis l’ample victoire du « Leave » (quitter) sur le « Remain » (rester) le 23 juin dernier, que personne n’attendait, le Brexit n’avance pas beaucoup dans les faits. Le vote pour le Brexit a dépassé par son ampleur l’attente de certains de ceux qui faisaient campagne pour lui, par démagogie, en espérant qu’il échouerait. Les principaux chefs de la campagne du « Leave », Johnson et Farrage, sont sur la touche, et le premier ministre Theresa May est partisane du « Remain ». Une autre figure du Brexit, la représentante du labour Gisela Stuart, admet que le camp du Leave n’avait « pas de plan ».
 

La chambre des Lords, nouvel obstacle anti-Brexit

 
En face, les opposants au Brexit ont un plan, tout faire pour l’empêcher, et ils ont une volonté farouche. La première tentative d’application fut l’extravagante pétition pour la tenue d’un second referendum, qui a bénéficié d’importants trucages informatiques. Mais le parlement britannique n’a pu prendre en compte une demande si exotique, à quelques jours du scrutin. Cette fois, le coup part de la chambre des Lords, et il est beaucoup plus pervers. La chambre des Lords est une institution chère au cœur de bien des Britanniques, surtout côté conservateur. Elle incarne une certaine tradition anglaise, et là se situe le paradoxe : elle est majoritairement opposée au Brexit, dont le but est la survie de la souveraineté et de l’identité britanniques. D’où l’efficacité de la stratégie de la baronne Wheatcroft.
 

Comment retarder l’application de l’article 50

 
La baronne Patience Weathcroft n’est pas n’importe qui. Membre de la chambre des Lords, elle a été aussi éditorialiste économique au Times et rédacteur en chef du Wall Street Journal en Europe. Pour elle, « il est impératif que (les Anglais) ne pressent pas sur le bouton de l’article 50 ». Elle préconise un second referendum, parce « d’une manière ou d’une autre on devrait donner aux gens l’occasion de repenser à la chose ». Et elle pense que si le gouvernement veut invoquer l’article 50, la chambre des Lords devrait « retarder » la procédure. Non sans ajouter : « En ce moment, je ne crois pas que ce serait raisonnable pour les Lords, la deuxième chambre, non élue, de se dresser ostensiblement en travers du vote démocratique, je préfèrerais que les Communes le fassent. Mais si on en arrive à une loi, je crois que les Lords devraient vraiment retarder les choses ».
 

La chambre des Lords contre l’obstacle populaire

 
C’est-à-dire rejeter le texte, s’il était voté par les Communes, « pour leur permettre de réfléchir à nouveau ».
 
La baronne Weathcroft, parmi d’autres politiciens anglais, estime que le gouvernement de Sa Majesté ne saurait invoquer l’article 50 du traité de Lisbonne sans un vote d’assentiment du Parlement. Or, selon les estimations les plus courantes, 62 % des parlementaires britanniques et 78 % du gouvernement sont favorables au maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, ce qui en dit long sur le caractère représentatif de la démocratie anglaise. Donc la baronne Weathcroft a bon espoir, sinon dans un rejet formel de la loi instituant l’article 50, qui risquerait d’indisposer l’électorat, du moins un report qui permettrait de « revisiter » les choses. « Ce serait suffisant, estime-t-elle, pour que l’Union européenne justifie le fait de refaire passer le débat devant les électeurs, soit par des élections générales, soit par un second referendum ». En somme, c’est toujours le même obstacle qu’on oppose à la volonté populaire, comme en Irlande, comme au Danemark : quand le peuple vote mal, ses élus cherchent toujours un moyen pour le faire revoter. Mais y parviendront-ils cette fois ? Le stratagème de la baronne Weathcroft est malin, mais il peut échouer devant la volonté des Anglais de s’en aller.
 

Pauline Mille

 
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