Marché de l’emploi aux Etats-Unis : les chiffres sont moins bons qu’ils n’en ont l’air

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A vue de nez, les dernières statistiques nationales sur l’emploi aux Etats-Unis semblent plutôt bonnes : avec 215.000 nouveaux emplois créés en mars et une hausse des salaires de 2,3 % sur les douze derniers mois sont encourageants. Une bonne nouvelle pour le camp de Barack Obama ! Si les heures travaillées sont restées stables le mois dernier, selon le Bureau of Labor Statistics (BLS), la participation active au marché du travail est également à la hausse après les mauvais records de ces derniers temps. Mais la nature des emplois créés oblige à tempérer l’enthousiasme : les chiffres sont moins bons qu’ils n’en ont l’air.
 
Les sources de ces statistiques sont doubles : il s’agit des informations sur les emplois communiquées directement par les entreprises au Département de l’emploi et des résultats de sondages réalisés par téléphone.
 

Les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis sont en trompe-l’œil

 
Ward McCarthy, économiste en chef chez Jefferies LLC, grosse société d’investissement de New York City, note que la création d’emplois existe, mais qu’on ne s’interroge pas sur leur nature. Une évaluation plus précise révèle qu’elle porte principalement sur les emplois à temps partiel, les postes dans les magasins de détail et la restauration et autres emplois ancillaires, et dans une moindre mesure sur les emplois publics.
 
En revanche, l’emploi dans l’industrie manufacturière a connu sa plus importante chute en six ans, avec 29.000 emplois perdus, surtout dans le domaine des biens durables. Au total, les Etats-Unis affichaient 19,5 millions d’emplois dans le domaine à son plus haut en juin 1979 : aujourd’hui, on en compte 12,2 millions.
 
Par ailleurs, 93 millions d’Américains ne participent pas à la force de travail alors que l’on constate la reprise la plus lente à la suite d’une crise économique de l’histoire des Etats-Unis. A quoi il faut ajouter 6 millions de travailleurs à temps partiel « involontaires » : qui travailleraient à temps plein s’ils avaient trouvé un poste correspondant.
 

Le marché de l’emploi, moins bon qu’il n’y paraît

 
Le taux de chômage ferait rêver en France : avec 5 % (un pourcentage en légère hausse) les Etats-Unis seraient-ils proches du plein emploi ? Sûrement pas, répond Mish Shedlock, analyste économique : le « vrai » taux de chômage tel que le définit le BLS est de 10 % puisqu’il faut tenir compte des personnes attachées de façon « marginale » à la force de travail et de celles qui travaillent à temps partiel pour des raisons économiques. Manquent en outre à l’appel les millions d’Américains qui s’éloignent du travail pour diverses raisons : de ceux qui ont pris leur retraite parce qu’ils le désiraient à ceux partis pour de moins bonnes raisons – « les faux handicapés, les retraités poussés vers la sortie, les travailleurs découragés, et les jeunes qui rentrent à la maison faute de trouver un emploi ».
 
Ce sont les définitions auxquelles recourt le BLS qui aboutissent à présenter une réalité déformée : « quiconque travaille ne serait-ce qu’une heure est considérée comme au travail ; qui n’a pas de travail mais n’en recherche pas sort des statistiques », observe l’analyste. « Ces distorsions diminuent artificiellement le taux de chômage, remontent de manière artificielle le taux de l’emploi à plein temps, et améliorent artificiellement le rapport sur les emplois payés chaque mois » – c’est beaucoup et cela fait penser à des manœuvres similaires dans d’autres pays comme la France.
 

Les statistiques aux Etats-Unis dressent un tableau artificiel de l’emploi

 
Bien des fondamentaux restent d’ailleurs mauvais, laissant craindre une stagnation durable, voire un repli : le ralentissement économique global, l’explosion des prêts étudiants multipliés par six depuis 2009, avec des répercussions négatives sur l’achat d’immobilier et donc sur la construction, le recours croissant à l’aide alimentaire (+ 26 % entre 2009 et 2014) et la forte hausse des dépenses de santé depuis l’entrée en vigueur de l’Obamacare sont des facteurs qui risquent de peser lourdement sur l’emploi.