Dimitry Zakharchenko, chef de la lutte anti-corruption en Russie, arrêté pour détournement de fonds et abus de pouvoir

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Un haut responsable de la lutte anti-corruption russe est dans le collimateur des autorités russes, soupçonné de détournement de fonds et d’abus de pouvoirs. Selon le média d’Etat russe Russia Today, près de 300 millions d’euros ont été trouvés sur ses comptes en Suisse. Ils pourraient provenir des actifs de Nota-Bank, dont 26 milliards de roubles ont disparu dans la nature. Le colonel Dimitry Zakharchenko était l’adjoint du directeur de l’office anti-corruption de la police russe – la MVD –, et il était en outre le chef de la section T, qui traite les affaires de corruption dans le secteur de l’énergie.
 

6 comptes en Suisse, 9 milliards de roubles en Russie : quand la lutte anti-corruption paye son homme

 
L’arrestation a eu lieu le 8 septembre dans le cadre de l’enquête sur un pot-de-vin de 7 millions que Zakharchenko est soupçonné d’avoir accepté. Il avait sur lui 20 millions de roubles en liquide (soit près de 275.000 euros) qui ont été aussitôt saisis, ainsi que 13 millions de roubles et 176.000 dollars trouvés dans sa voiture. Par la même occasion, la police a trouvé 340 millions de roubles, un million d’euros et 129 millions d’euros dans un appartement qui appartenait à sa sœur. Quelque 9 milliards de roubles en liquide ont été saisis au total.
 
Les forces de l’ordre ont également trouvé des documents au sujet des comptes à l’étranger enregistrés au nom du père de Dmitri Zakharchenko, Viktor. Selon une source interrogée par l’agence de presse Rosbalt, il s’agit de « six comptes bancaires à la Rothschild Bank et la Dresdner Bank, qui recèlent chacun entre 45 et 47 millions d’euros. En tout, cela  fait plus de 300 millions d’euros ». Les enquêteurs russes essaient de déterminer l’origine de cet argent. « Il est clair qu’il ne s’agit pas seulement des actifs de NOTA-Bank, comme on le pensait avant », affirme cette source.
 

Mis en examen pour abus de pouvoir et corruption, comme son prédécesseur à l’Office anti-corruption de la police russe

 
Le responsable officiel a été mis en examen samedi 10 septembre pour abus de pouvoir, entrave à l’exercice de la justice et corruption passive. Sa caution a été fixée à 1 million de dollars (65 millions de roubles).
 
Issu de la région de Rostov, Zakharchenko avait commencé comme simple sous-officier de police avant de venir à Moscou en 2005 et d’y faire, selon ses ex-collègues, une carrière étourdissante qui doit beaucoup à sa proximité avec son chef Denis Sugrobov – chef de l’Office anti-corruption de 2011 à 2014, lui-même traduit en justice depuis pour abus de pouvoir et association de malfaiteurs.
 

Des détournements qui pourraient aussi être la caisse noire d’une future révolution ?

 
Les sommes saisies donnent tellement le tournis que les versions abondent quant à la provenance de tout cet argent. Selon Interfax, Dimitry Zakharchenko était proche d’un ancien dirigeant de la compagnie de téléphonie mobile Vimpelcom, Mikhaïl Slobodine, accusé d’avoir versé un milliard de roubles de pots-de-vin à un haut responsable politique. Zakharchenko a pu le prévenir de son arrestation imminente, lui permettant de quitter rapidement le territoire russe.
 
La revue Komsomolskaya Pravda, de sensibilité sociale et patriotique – qui est aussi l’un des plus anciens journaux soviétiques, lié aux Jeunesses communistes – a une autre version : il s’agirait de la « caisse noire » d’une future révolution citoyenne sur le modèle du Maïdan ukrainien. Pour cette source il est acquis que le Maïdan ukrainien, qui a fait basculer l’Ukraine dans le camp occidental et la guerre civile, a été largement financé par des pays occidentaux, et notamment à coups de millions de dollars en pots-de-vin et salaires – en liquide – versés aux « révolutionnaires » eux-mêmes, ainsi qu’à de hauts responsables policiers qui ont fermé les yeux. Comme certains blogueurs, Komsomolskaya Pravda a constaté un fait remarquable : les paquets de dollars saisis sont encore sous l’emballage d’origine, avec la bande blanche posée dans l’une des imprimeries fédérales américaines ; cet argent n’a donc jamais été en circulation. Faut-il voir dans un tel manquement aux plus élémentaires règles de prudence, la marque d’une manipulation étatique ?
 

Louis Moulin