Le pape François demande aux évêques allemands une décision « si possible unanime » sur l’intercommunion dans les couples mixtes protestants

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Beaucoup attendaient le dénouement de cette affaire cruciale (dans la lignée d’Amoris Laetitia), qui secoue l’épiscopat allemand depuis plusieurs mois. Beaucoup attendaient le mot d’ordre final du pape, décideur ultime d’une telle question de foi qui engage en réalité l’Église toute entière… Seulement la réponse est arrivée, par le biais d’un communiqué de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF), à la suite de la réunion vaticane d’hier : pour l’intercommunion des couples mixtes catholiques-protestants, c’est-à-dire la possibilité pour les luthériens de recevoir la Sainte Eucharistie, François préconise une décision « si possible unanime » de le part des évêques allemands.
 
Tout ça pour en arriver là ! Non seulement, le pape ne se montre plus garant de la doctrine, mais il la confie à la loterie démocratique d’une assemblée d’évêques. Pourvu que ce soit (presque) unanime, ce sera la vérité ! Une conception qui promet de belles avancées… Il semble que le pape veuille approuver l’approche progressiste allemande, sans en endosser la responsabilité – il n’était d’ailleurs pas présent à la réunion.
 

Les évêques allemands à Rome pour les mariages catholiques-protestants


 
C’est François lui-même qui avait convoqué cette réunion du 3 mai, à Rome, invitant plusieurs évêques allemands et officiels du Vatican, représentants du « pour » et du « contre ». Des quatre heures de discussion il est ressorti la seule déclaration de l’archevêque Luis Ladaria, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : le pape « apprécie l’engagement œcuménique des évêques allemands » et leur a demandé « de trouver, dans un esprit de communion ecclésiale, « une décision si possible unanime ».
 
La confusion a de nouveau pris le devant de la scène. Que signifie le « si possible » ? L’éventualité d’un vote vraiment unanime avant d’avancer plus loin ? Une décision « quasi » unanime qui sauvegarde le bien-fondé de la démocratie ? Ou encore un approfondissement de la question (entendez pressions sur les opposants) pour arriver à l’unanimité ?!
 
Fait notable : le Vatican a refusé de commenter le sens de l’expression.
 

La première lettre de la CDF tenue secrète

 
Pourtant, la réunion était, elle aussi, relativement « démocratique »… Du côté allemand, figuraient quatre défenseurs de l’intercommunion, parmi lesquels l’incontournable cardinal Reinhard Marx, ainsi que son éminence grise, le Père jésuite Hans Langendörfer. Les autres, ceux qu’on malheureusement qualifiés de « frondeurs », étaient représentés par le Cardinal Woelki et Mgr Voderholzer, vice-président de la commission doctrinale de la conférence des évêques. Quant au côté romain, les quatre représentants étaient a priori favorables à ces derniers.
 
Les nouvelles récentes nous avaient aussi fait espérer dans une prise de position, pour une fois, plus ferme de Rome, bien que François ait montré à plusieurs occasions qu’il partageait le progressisme de l’épiscopat allemand.
 
Selon le site d’information catholique autrichien Kath.net et le vaticaniste bien informé Edward Pentin, la CDF avait envoyé, en avril, une lettre aux évêques allemands dans laquelle elle affirmait que les directives pastorales libérales allemandes étaient en contradiction avec la doctrine et la discipline sacramentelles de l’Église. Cependant, la conférence des évêques allemands a clamé haut et fort qu’il n’en était rien et le pape a tenu à ce que la lettre reste, malgré tout, « secrète » – signe qu’elle devait être, soit provisoire, soit contraire à ses vœux.
 

Intercommunion : un document dit « pastoral » qui n’a pas besoin de passer par Rome

 
A l’instar des quatre signataires des Dubia sur l’interprétation correcte d’Amoris Laetitia, les sept évêques allemands appelaient une clarification. Ils ont été éconduits. Les termes mêmes du communiqué jugent très légèrement leur fronde, évoquant ceux « ne se sont pas sentis capables, pour diverses raisons, de donner leur consentement  »….comme si l’affaire relevait davantage d’un sentiment passager que d’une ferme conviction doctrinale.
 
Et pourtant l’enjeu est immense. La conférence des évêques allemands a adopté fin février un document « pastoral » attestant que, pour mettre fin à « une détresse spirituelle sérieuse », les conjoints protestants de catholiques « dans des cas individuels » et « sous certaines conditions » pouvaient recevoir la Sainte Communion. Treize évêques ont voté non, parmi lesquels les sept signataires de cette lettre de protestation adressée le 22 mars dernier à un certain nombre de destinataires romains, qui soulignait que la question de l’intercommunion n’était pas « pastorale », mais était « une question de foi et d’unité de l’Église », par définition non soumise à un vote.
 
Le très progressiste épiscopat allemand tient là une autre bataille pour « l’évolution » de l’Église.
 

François vote pour la démocratie – avant la Vérité

 
Et à Rome, on s’en inquiète à juste titre. Le cardinal Gerhard Müller (ancien préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi remercié par François) a qualifié la proposition de « ruse rhétorique ». Et le cardinal Brandmüller a parlé d’un « scandale » incontestable. On rapporte que le pape émérite Benoît XVI lui-même a pris le parti de l’opposition – sans qu’il y ait démenti du Vatican.
 
Oui, il existe de par le monde, comme le rappelait le journal catholique allemand Die Tagespost, une vingtaine de documents pastoraux sur ces mariages mixtes, se penchant sur « les situations d’urgence »… mais aucun d’entre eux n’établit une règle selon laquelle les époux protestants peuvent, de manière habituelle, recevoir la sainte communion sans se convertir à la foi catholique (le cardinal Marx l’avait bien précisé : ils ne seraient pas tenus de se confesser et/ou de se convertir : exit l’état de grâce, et surtout pas de prosélytisme…)
 
Vouloir acter un tel bouleversement doctrinal, et vouloir le faire, qui plus est, sans l’aval de Rome, voilà une double faute qui visiblement ne choque pas outre mesure le pape François, du moment qu’elle soit « si possible unanime »… Seulement, à démocratiser la doctrine catholique, on risque fort de lui faire perdre son âme. « La communion eucharistique commune » avec les protestants est depuis longtemps dans les valises du très moderniste cardinal Walter Kasper, défenseur actif de l’accès à la communion des divorcés-remariés via Amoris Laetitia.
 
La déconstruction doit être partout.
 

Clémentine Jallais