Merkel et les réformes : France asservie, Europe appauvrie, Allemagne en difficulté

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La chancelière Angela Merkel a suscité une tempête dans le verre d’eau de la politique parisienne en approuvant Bruxelles qui juge insuffisantes les réformes économiques françaises. Elle-même en difficulté dans une Allemagne en crise, elle s’inquiète du naufrage d’une France asservie dans une Europe appauvrie.
  
Qu’a dit exactement Angela Merkel ? Ceci. Selon la chancelière, l’Europe de Bruxelles « a établi un calendrier selon lequel la France et l’Italie devront présenter des mesures supplémentaires. C’est justifié car les deux pays se trouvent effectivement dans un processus de réformes (…) Mais la Commission a aussi dit de façon claire que ce qui est jusqu’à présent sur la table n’est pas encore suffisant. Ce avec quoi je suis d’accord ». Comme on le voit, Angela Merkel n’a pas « remplacé Bruxelles » comme certains titres de journaux l’en accusent, et elle n’a pas réservé ses « coups de griffe » à la France seule, mais a englobé dans son souci, ou son exhortation, l’Italie, comme elle l’a fait naguère pour l’Irlande, l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, pour tous les pays en somme qui ne respectent pas les critères de convergences budgétaires défini par le traité de Maastricht. Y compris donc aujourd’hui la France, menacée à brève échéance par Bruxelles de sanctions financières si elle ne fait rien.
 

Avec Merkel l’orthodoxie financière en Europe exige des réformes

 
Ce faisant, la chancelière n’a fait que répéter une énième fois le credo de l’orthodoxie financière fixée par la banque centrale européenne et l’Europe mondialiste. Il faut lui reconnaître de la persévérance et de la cohérence, car dans le système dans lequel se placent les traités européens et la zone euro, il n’y a pas d’autre moyen de s’en sortir et d’assainir les finances. Fait significatif, le prix Nobel 2014 Jean Tirole, qui est à la fois Français, socialiste, européiste et mondialiste, a appelé la France a suivre l’exemple de la Suède et de l’Allemagne, qui ont « connu des moments difficiles » et fait beaucoup de réformes. Et d’ajouter : « Nous devons faire des réformes pour que les gens retournent au travail (…) et aussi réformer l’État ce que beaucoup de pays ont fait. Si vous n’avez pas une économie viable, votre dette augmente, etc., puis à un moment vous devez en finir avec l’Etat providence ce qui à mon avis serait désastreux ». Il établit ainsi un lien intéressant entre le modèle socialiste et la nécessité de l’austérité : quand on dépense d’une main sans compter, il faut économiser de l’autre sans mesure.
 
La France se trouve prise ici dans un lacis de contradictions à la limite de la schizophrénie. Pour des raisons politiques et idéologiques en effet, Paris a milité depuis plus de vingt ans pour le traité de Maastricht et ses contraintes (on se souvient que François Mitterrand avait mis sa prostate dans la balance pour arracher un oui au traité), puis pour l’Euro (les Allemands étant pour leur part superstitieusement attachés à leur Mark). Le drame est aujourd’hui que la France, appauvrie et surendettée, se trouve asservie par les contraintes dont elle fut la demandeuse et la bâtisseuse.
 

L’Allemagne en difficulté s’inquiète et fait la leçon

 
Profitant à la fois de son poids et de sa mauvaise situation (donc de la menace qu’elle fait peser sur l’économie européenne) d’une part, de ses accointances socialistes d’autre part, la France de François Hollande et d’Emmanuel Macron a obtenu de Bruxelles un sursis pour son budget jusqu’au printemps 2015. Mais ce n’est qu’un artifice provisoire, et Angela Merkel le rappelle en des termes qui ne sont pas particulièrement comminatoires. A deux jours de sa réélection à la présidence de son parti, la CDU, elle s’y est trouvée poussée par ses militants ; les déficits, l’endettement et l’inflation sont un cauchemar historique en Allemagne. Elle s’y trouve poussée aussi parce que l’Allemagne est elle-même en difficulté, avec une croissance faible, des emplois souvent précaires, une démographie catastrophique, et que l’immigration menace de la submerger elle aussi.
 
Mais Paris se sert des déclarations d’Angela Merkel pour monter tout un psychodrame. Le gouvernement sait très bien qu’il finira, d’une manière ou d’une autre, par s’incliner devant les injonctions de Bruxelles : un semblant de rébellion, un cocorico poussé contre Berlin est censé rassurer l’opinion sur l’indépendance de la France. C’est pourquoi on a pu lire un « tweet » incendiaire, en allemand, adressé par Jean-Luc Mélenchon à Angela Merkel dans lequel il lui intime de « la fermer » (encore les termes allemands, Maul zu, sont-ils plus grossiers). Et le ministre des finances, Michel Sapin, loin de reprendre comme sa fonction devrait l’y obliger le patron du parti de gauche, l’approuve en quelque sorte « Moi aussi il m’arrive de dire des choses sur l’Allemagne. Je dis par exemple qu’en Allemagne j’aimerais bien qu’ils investissent plus. » Avec sa face de lune souriante il a poursuivi : « Chacun a ses problèmes. Chacun a ses réformes nécessaires (…) la France est un modèle du point de vue de la natalité » pour l’Allemagne. Le gouvernement en est donc réduit à une sorte de guéguerre médiatique avec son voisin, déjà perceptible dans certaines déclarations d’Arnaud Montebourg et Laurent Fabius voilà quelque mois, dont on ne voit pas bien ce qui pourra en sortir de positif. Plus la France se découvre asservie par le processus européen et mondialiste, plus elle donne des coups de menton germanophobes : c’est la tactique dérisoire utilisée par le système pour éviter que l’électorat populaire ne fuie en masse vers les eurosceptiques et singulièrement vers ceux qui apparaissent les plus attachés à la nation, savoir le Front national.
 

Une France appauvrie est forcément asservie

 
L’Union européenne, fondée sur des ambiguïtés qui ont permis de leurrer beaucoup de braves gens partisans d’une Europe puissance organisée au bénéfice des Européens et d’organiser son évolution mondialiste, gardait dans son bilan désastreux un actif précieux, la réconciliation franco-allemande (même si celle-ci n’était pas exemptes de non-dits et de faiblesses).On est en train de dilapider cette unique richesse. Il faut dire que le « couple » franco-allemand demandait pour fonctionner un certain équilibre politique, diplomatique, et économique. Notamment une nette supériorité militaire française, fondée, mais pas seulement, sur le nucléaire, une diplomatie française indépendante des Etats-Unis et de l’Europe, avec à la clé une politique commerciale autonome. Tout cela a disparu : la France à la remorque des Etats-Unis de la Syrie à l’Ukraine n’a plus la liberté de vendre ses Mistrals et le ministre allemand de l’économie met l’embargo, en infraction au traité franco-allemand, sur les armes françaises qui où entrent des composants allemands. Autrement dit la fin de l’indépendance française n’asservit pas seulement la France à l’Europe fourrier de la gouvernance globale, mais la force à s’incliner devant une Allemagne qui pèse désormais plus lourd qu’elle en Europe.
 
Cet effondrement politique se double et s’accentue d’un effondrement économique. Il faut se souvenir que la France était présentée par l’OCDE, au milieu des années soixante-dix, comme le futur deuxième exportateur mondial, qu’elle était le pays le moins endetté d’Europe, et l’un des moins endettés du monde, jusqu’en 1981. Une France prospère dans une Europe prospère n’avait rien à craindre des ukases de Bruxelles ni des leçons de Berlin. Une France appauvrie au contraire se trouver presque forcément asservie. Au lieu de se dresser sur ses ergots contre Angela Merkel, elle ferait mieux de suivre ses conseils pour pouvoir lui damer le pion – et d’aller beaucoup plus loin, de reprendre son indépendance en sortant de l’Euro et de l’Europe déviée, de façon à reprendre la maîtrise de ses frontières, retrouvant ainsi la voie de la prospérité et de la sécurité.