Enquête PISA : résultats médiocres pour la France

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La France consacre plus de 55 milliards d’euros publics annuels à l’éducation (hors pensions), poste le plus important au sein du budget de l’Etat, financé – qu’il le veuille ou non – par le contribuable. Le retour sur investissement est désastreux, comme le montre les résultats de l’enquête PISA la plus récente : cet outil qui est censé mesurer les compétences des jeunes de 15 ans au moyen d’un examen standardisé proposé à des milliers d’élèves des pays de l’OCDE révèle que la France a encore perdu des places dans le classement. Dans une médiocre moyenne, à la 23e place et avec 21 points perdus en mathématiques par rapport à la précédente enquête en 2018, la France affiche un score moyen de 474 points contre 575 en moyenne pour les « gagnants », les élèves de Singapour, suivis du Japon (536) et de la Corée du Sud (527). L’Estonie est le premier pays européen du classement, à la quatrième place (510), suivie de près par la Suisse, le Canada, les Pays-Bas. La moyenne de l’OCDE se situe à 472 points.

Et il n’y a pas que les mathématiques où la France perd des places et du prestige : la compréhension de l’écrit pose également un gros problème aux jeunes Français qui chutent encore plus bas, devancés en la matière par leurs confrères états-uniens et italiens, moins forts en maths pourtant. Quoi qu’il en soit, la majorité des élèves des pays de l’OCDE perdent des points en tout : mathématiques, lecture, sciences. C’est une « baisse inédite », selon le site de l’OCDE, qui pointe la responsabilité de la fermeture des écoles pendant la crise du covid (les épreuves de mathématiques se sont déroulées au printemps 2022). Elle évoque aussi l’« insécurité alimentaire », et plus encore l’« insécurité » tout court car en moyenne, dans les pays de l’OCDE, entre un élève sur vingt et un élève sur dix déclare ne pas se sentir en sécurité à l’école. La distraction due à l’utilisation d’appareils numériques frappe 30 % des élèves, tous pays confondus.

 

Covid, prestige des professeurs : la France à la traîne

Mais cela n’explique pas tous et les autorités politiques françaises sont tout ébaubies par les résultats en vérité catastrophiques, ce qui a incité l’improbable ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, à annoncer un « Choc des savoirs », riens moins. Dès la rentrée prochaine en septembre 2024, les programmes de la maternelle et du scolaire vont être modifiés (nouvelle aubaine pour les éditeurs scolaires), le redoublement va être facilité (l’OCDE recommande l’inverse) et les professeurs auront à cet égard le dernier mot dans les cas concrets ; on créera trois groupes de niveau pour les mathématiques et le français en classes de 6e et 5e avant de les étendre à tout le collège. Et on créera des postes (alors que deux tiers des directeurs d’établissement peinent déjà à recruter des professeurs) pour faire des groupes d’apprentissage plus restreints ou offrir des heures de maths ou de français à la place d’autres matières pour les élèves les plus fragiles.

La mesure la plus spectaculaire proposée par le ministre est celle de subordonner l’entrée au lycée à l’obtention du brevet des collèges à l’issue de la 3e. Attal a précisé vouloir en rehausser la valeur, ce qui peut vouloir dire bien des choses mais ne promet pas la lune, puisque la nullité de cet examen est de l’ordre du fantastique. Il ne sanctionne grosso modo que la capacité des élèves à répondre à des questionnaires à choix multiples et repose sur le principe de la fourniture de toutes informations nécessaires que le collégien peut « repérer » dans les documents proposés pour répondre correctement à une belle part des questions. L’échec enverra les élèves dans une classe de « seconde bis » de remise à niveau – un peu comme la première année de remise à niveau qui accueille déjà les jeunes étudiants à leur arrivée en faculté.

 

L’enquête PISA montre que la liberté pédagogique paie

Il est intéressant de noter que l’Estonie, où les choses vont plutôt mieux, les « recettes » sont aux antipodes de celle du système éducatif « national » français : la liberté pédagogique règne en maître, les heures consacrées aux mathématiques ou à l’étude de la langue peuvent être renforcées si le professeur le juge nécessaire. « Ce ne sont pas les bureaucrates ou le ministère qui disent comment apprendre les maths aux enfants », commente Kristina Kallas, ministre de l’Education en Estonie dans une interview au Parisien. Manuels, programmes à suivre, livres à lire sont de la responsabilité des professeurs et des établissements doués d’une très grande autonomie. Les petits Estoniens ne sont obligés d’aller à l’école qu’à partir de sept ans (contre 3 ans en France) et n’ont que 175 jours d’école par an, dans la moyenne basse de l’OCDE. Il n’y a pas de groupes de niveau et, selon la ministre, « il y a très peu de séparations des plus faibles qui sont entourés d’élèves qui les stimulent ».

Voilà une réalité qu’il faut comparer avec celle de la France, dont l’incapacité à tirer vers le haut les élèves les plus en difficulté est mise en évidence par l’enquête PISA et largement commentée. « La France est toujours l’un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socio-économique des élèves et la performance au PISA est le plus fort, sans aggravation notable sur la période 2012-2022 », notent les auteurs des commentaires de l’enquête.

On parle de « milieux défavorisés » – les fameux « quartiers pauvres » que l’on retrouve autour des grandes villes françaises et qu’on ne nomme plus « banlieues ethniques ». La concentration de populations immigrées dans les « quartiers » comme dans les classes aurait-elle un lien avec la mauvaise performance des élèves qui en sont issus ? Horresco referens

 

Résultats médiocres de la France, « quartiers » et discipline

S’y ajoute le problème de la discipline. Comme l’explique la note PISA sur la France :

« Le climat de discipline dans les classes s’est légèrement dégradé en France sur la période 2012-2022 avec une baisse entre 2 et 3 points de pourcentage (selon les questions) d’élèves ayant déclaré que les différentes situations ne se produisaient “jamais ou presque jamais” dans leurs cours de mathématiques. En 2022, le climat disciplinaire est plus favorable en France dans les établissements favorisés que dans les établissements défavorisés ; et dans les établissements privés que dans les établissements publics, avec dans les deux cas des écarts similaires à la moyenne des pays de l’OCDE. »

Résultat, l’apprentissage y est souvent difficile :

« En France, le climat disciplinaire en classe de mathématique est moins favorable à l’apprentissage que dans la plupart des pays de l’OCDE. Ainsi, 29 % des élèves en 2022 ne peuvent pas bien travailler pendant la plupart ou la totalité de leurs cours de mathématiques (moyenne OCDE : 23 % des élèves). Dans la même veine, 42 % des élèves déclarent en 2022 que leurs camarades n’écoutaient pas ce que disait le professeur (moyenne OCDE : 30 % des élèves) et 39 % que le temps d’apprentissage était réduit car l’enseignant devait attendre longtemps que les élèves se calment. après le début du cours (moyenne OCDE : 25 %). Enfin, un élève sur deux déclare en France qu’il y avait du bruit et du désordre dans la plupart ou dans tous les cours (moyenne OCDE : 30 %). »

Une fois de plus, c’est dans les zones dites « sensibles » (délicieuse antiphrase) que les enfants peinent le plus – s’ils sont demandeurs – à recevoir un enseignement normal dans une ambiance propice

C’est sans fausse pudeur qu’un ex-ministre de l’Education nationale, Luc Ferry, appelé en 2017 a commenté le triste classement de la France à la 27e place PISA, citant un souvenir remontant au deuxième mandat de Jacques Chirac à la tête de l’Etat : « Un jour, mon directeur de l’éducation est venu me voir et m’a dit : si on supprimait les 15 % de quartiers pourris qu’il y a en France – des établissements où il y a 98 nationalités représentées et où on n’arrive pas à faire cours –, eh bien nous serions premiers du classement Pisa. »

Les propos du ministre avaient été mal reçus, mais les résultats de l’enquête PISA 2022 semblent bien y apporter quelque foi.

Reste à savoir la valeur de l’enquête elle-même. Nous y reviendrons, comme nous l’avions fait en 2016, car s’il est entendu que les jeunes Français sont en difficulté, il faut aussi s’interroger sur le niveau qu’on attend d’eux. Tout un programme, que nous aborderons dans un prochain article.

 

Jeanne Smits