PISA : nous avons testé les questions des épreuves. Nulles…

PISA testé questions épreuves
 

Gabriel Attal a annoncé sa politique de rupture pour mettre fin à la dégringolade de la perte de niveau scolaire des lycéens français, mise au jour de manière particulièrement tranchante par la dernière enquête PISA, que nous avons déjà évoquée ici. La médiocrité des résultats français a de multiples causes, parmi lesquelles ce que l’on pourrait appeler la diversité culturelle… Le rapport officiel commentant le désastre pointait la difficulté de la France à faire progresser ceux vivant dans un contexte économique défavorisé, euphémisme bien transparent. Mais comme l’observait Pauline Mille, « même les privilégiés deviennent mauvais ». Et plus que le redoublement ou la création de classes de niveau, c’est l’acquisition des matières fondamentales qui est à revoir : lecture et mathématiques en tête. J’ai testé pour vous les questions posées dans le cadre des épreuves PISA qui ont été proposées à 600.000 jeunes de 15 ans des pays de l’OCDE ; elles sont consternantes à plus d’un égard.

Les épreuves de mathématiques, d’abord. Elles se sont déroulées au printemps 2022 et comportaient 8 questions avec plusieurs items. Une partie de l’épreuve interactive peut être téléchargée depuis cette page (en anglais seulement) avec les indications de notation, et on peut aussi faire l’examen dans sa totalité en s’essayant à chaque ensemble de questions accessibles sur cette même page.

 

PISA : les questions des épreuves sont souvent d’une facilité déconcertante

La facilité de l’épreuve est déconcertante. Nul besoin de connaissances mathématiques poussées, mais plutôt, pour certaines questions, de jugeote et de sens de l’ordre des grandeurs, pour d’autres encore, de simples calculs (de tête…) et pour d’autres, de la capacité à utiliser des instruments comme des tableurs qui se chargent en quelque sorte de fournir des réponses toutes cuites.

Le chapitre « achat de voiture » vise à comparer quatre véhicules pour déterminer lequel entraînera le moins de frais au cours de la première année d’utilisation. Il s’agit là de savoir recopier, d’après un exemple où l’on est guidé pas à pas portant sur le premier véhicule, les montants du prix et de la consommation des trois autres, les données de distance parcourue, de coût du carburant et de l’entretien étant préremplies elles aussi. On clique sur calculer, et on n’a plus qu’à choisir le résultat le plus bas. Réflexion : zéro. Compréhension de la méthode : pas nécessaire. Tout cela est purement mécanique… mais donne des points.

On demande ensuite à quel prix pourra être revendu le véhicule le plus cher à l’achat (10.500 « zeds ») au bout de trois ans, sachant qu’il perdra cinq pour cent de sa valeur par an. La calculette étant autorisée, il n’y pas de difficulté, là non plus, sinon qu’il faut penser à appliquer une formule de décroissance exponentielle, ou, très simplement, trois réductions successives. Nul besoin de présenter son mode de calcul – les plus élégants ne sont pas récompensés. Mais pour l’OCDE, cette question était du plus fort niveau : « 6 ». C’est dire.

 

Testé pour vous : les épreuves bien mécaniques de l’évaluation PISA

Entre les épreuves mécaniques et celles où il faut faire preuve d’un modeste raisonnement (par exemple, calculer le nombre de degrés d’une part de cercles d’après la probabilité moyenne d’y voir s’arrêter une flèche dont on vient de comprendre que celle-ci est d’autant plus proche de cette moyenne que le nombre de tours est grand), il n’est pas besoin d’être Einstein pour obtenir un score parfait. Mais il est vrai qu’il faut comprendre le français, savoir lire une consigne et avoir une idée des proportions entre les choses. Que ce soit cela qui manque aux élèves en France – de niveau seconde, peu ou prou – est l’enseignement le plus inquiétant de l’évaluation PISA.

L’épreuve de lecture a eu lieu en 2018. Là encore, toutes les questions peuvent être vues dans un pdf téléchargeable (c’est par ici). On peut les tester soi-même en ligne une par une sur les pages interactives dédiées à chaque question, en cliquant sur le lien ci-dessus. L’idée des concepteurs de l’évaluation était notamment de simuler des situations actuelles de recherche d’informations : par exemple, sur plusieurs pages internet. Il s’agit d’une épreuve de compréhension : du repérage de données à la compréhension plus subtile.

Toutefois, il y a un dénominateur commun : le politiquement correct omniprésent, envahissant, qui peut d’ailleurs aider à souffler certaines réponses, et au passage endoctriner les évalués, à moins qu’on ne parvienne carrément à les juger sur leur correction politique à travers les réponses « ouvertes ».

 

Les questions des épreuves PISA se lisent comme un manuel du politiquement correct

La première question évoque une éleveuse de poules qui cherche une information sur un forum. Les réponses sont facilement repérables dans les documents fournis et n’exigent guère de réflexion, du bon sens tout au plus, sans la moindre difficulté de vocabulaire. On note que les élèves ne sont pas invités à s’interroger sur la sincérité des conseils donnés : tous sont supposés « fiables ». Il ne manquerait plus que les jeunes aient du sens critique !

La deuxième question parle de la déforestation historique de l’île de Pâques et de ses causes réelles ou supposées, d’après des informations fournies sous forme du blog d’un chercheur où l’on parle bien sûr des « dommages causés à notre environnement ». On demande ainsi aux élèves de faire la différence entre fait et opinion. Il y a même des questions plus fines, qui exigent d’identifier correctement les informations données, les causes, les conséquences… Sous ce rapport, l’épreuve PISA n’est pas nulle du tout ? Mais en passant, l’élève, qu’il réussisse ou non, comprendra forcément que l’homme est le grand coupable… Mais le dernier item de la question, où les élèves sont invités à écrire ce qu’ils pensent de la question, autorise des réponses contradictoires qu’ils justifient en se référant à l’un ou l’autre scénario présenté dans les documents, alors que rien ne permet en réalité de choisir.

Les autres questions tournent autour de la biodiversité dans les Galapagos, le réchauffement climatique et la montée des eaux autour d’un archipel fictif à basse altitude et du financement international requis pour en compenser les effets, sans compter la nécessité de « réduire le changement climatique » et de « réduire les gaz à effet de serre ». La question ouverte invité les jeunes à imaginer l’un des « défis » que rencontreront les « réfugiés climatiques ». Inutile de dire qu’on ne rencontre pas la moindre difficulté à répondre.

Sans surprise, il y a une série de questions sur les stéréotypes de race et d’origine, racontant les surprises d’une Américaine devant le degré de culture de sa camarade de chambre venue d’Afrique. On coche tout naturellement la case contenant cette explication : « Elle s’était fait une idée de l’Afrique et des Africains fondée sur les croyances populaires auxquelles elle avait été exposée dans son pays. » Il faut ensuite identifier les raisons pour lesquelles les « stéréotypes » représentent un problème, et choisir des exemples de stéréotypes véhiculés par les médias. Et là, surprise, est dénoncé l’article de journal qui déclare : « Les femmes dirigeantes d’entreprises sont de meilleurs patrons, car les femmes ont plus d’empathie que les hommes. » Une petite revanche anti-féministe, peut-être ?

Vient ensuite la question sur les « vêtements éthiques », avec une série de dénonciations de la « mode éphémère » et un petit couplet sur la conscientisation des consommateurs où les élèves sont invités à exprimer (mais aussi intégrer) les raisons qui leur font refuser un T-shirt à deux euros offert en cadeau après avoir regardé un petit film pédagogique.

La série s’achève avec un couplet sur l’accueil des sportifs réfugiés (avec une question qui détermine une réponse juste à partir d’un renseignement qui n’est pas donné) et un autre sur les minorités linguistiques et les problèmes que pose l’enseignement d’une langue unique pour la « diversité sociale ».

PISA ne mesure nullement, vous l’aurez compris, des compétences et des connaissances un tant soit peu développées, ni en mathématiques ni en langue, mais, le plus souvent, la capacité à « faire du même », à utiliser des outils informatiques qui « pensent » pour vous, à appliquer des consignes et à raisonner à l’unisson de la pensée dominante. Le questionnaire accompagnant les tests interrogeait également les jeunes testés sur leurs attitudes, leurs croyances, leur environnement à la maison.

 

PISA a testé une génération privée d’enseignement structurant

Les médias ont souligné la dégringolade de la France en mathématiques avec son score moyen de 474, contre 491 lors de la dernière. En moyenne, l’OCDE atteint une moyenne de 472. Mais il faut aller fouiller sur le site de PISA pour constater que s’il n’y a théoriquement pas de score minimum et de score maximum, on vise plutôt une « moyenne » d’environ 500 points, une poignée d’élève atteint un score de 800 ou davantage sur un total potentiel de 1.000. La réussite à certaines questions permet aux meilleurs de passer à des questions plus difficiles ; ceux qui peinent d’emblée sont aiguillés vers des questions moins difficiles, avec d’autres barèmes. Quoi qu’il en soit, le score de 474 se révèle bien médiocre face aux points qu’il est possible d’engranger, surtout lorsqu’on considère l’indigence des questions.

Autrement dit, même en tête de tableau, les 575 points affichés par les « gagnants » de Singapour ne désignent pas une nation de génies. Mais, sans doute le recours aux méthodes pédagogiques traditionnelles affichées par ce pays fait-il partie des raisons de cet écart sensible avec la moyenne de l’OCDE.

Les mauvais résultats français montrent clairement, à l’inverse, que les méthodes globales d’apprentissage, notamment pour la lecture, pèsent de tout leur poids, au détriment d’enfants et de jeunes qui n’ont pas bénéficié du développement de leurs capacités. L’échec n’est pas d’abord le leur, mais celui de pédagogies qui n’apprennent plus à analyser ni à comprendre.

 

Jeanne Smits