En Pologne, les protestations continuent contre une pièce de théâtre blasphématoire : des poursuites sont envisagées

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Varsovie, samedi, aux abords du théâtre Powszechny

 
Une pièce de théâtre blasphématoire jouée à Varsovie depuis la fin février suscite de nombreuses protestations en Pologne et pourrait même faire l’objet de poursuites du Parquet.
 

Une provocation blasphématoire et délibérée, censée tester l’influence de l’Eglise sur la société en Pologne

 
La pièce de théâtre La malédiction du metteur en scène croate Oliver Frljic, adaptation (très) libre de L’anathème de l’auteur classique polonais Stanisław Wsypiański, s’est vue attribuer une mission « ambitieuse » par la direction du théâtre Teatr Powszechny de Varsovie : « Au moment où le lien entre l’Eglise et l’Etat semble indissoluble, et où les autorités ecclésiastiques essaient d’exercer une influence sur les institutions laïques, les auteurs du spectacle vérifient si une résistance contre ces mécanismes est encore possible. À quel point la moralité catholique s’infiltre-t-elle dans les décisions que nous prenons ? […] Et surtout à quel point l’art contemporain est-il déterminé par la censure religieuse, l’autocensure et la volonté d’éviter le reproche « d’offense aux sentiments religieux » ? En fait de vérification, les « artistes » de cette institution publique subventionnée par le contribuable polonais poussent le blasphème jusqu’au bout et appellent au meurtre de Jarosław Kaczyński en brandissant leur liberté d’expression.
 

Même en Pologne, des artistes jouent volontiers une pièce de théâtre ignoble alliant blasphème et vulgarité

 
Alors que le Parquet polonais a ouvert une enquête dès après la première du spectacle en février pour offense aux sentiments religieux (délit passible de deux ans de prison) et appel public au crime (délit passible de trois ans de prison), sur la base de nombreux signalements faits par des citoyens et même des députés, il en est encore, en ce début de mois de juin, à auditionner les témoins et analyser la vidéo de la pièce obtenue auprès du directeur du théâtre pour savoir s’il y a lieu d’engager des poursuites.
 
Le scandale avait éclaté le 21 février après la publication par la chaîne publique TVP d’extraits filmés par un spectateur à l’aide de son téléphone portable. Sur l’enregistrement reçu par TVP Info, on peut voir une actrice qui se frotte les parties génitales avec une croix en bois et avec un drapeau du Vatican en émettant des sons imitant des gémissements de chien, une scène de simulation de sexe oral par la même actrice sur une figure grandeur nature de Saint Jean-Paul II équipée d’un godemiché en guise de pénis, sur fond d’homélie du pape polonais, avant que cette figure ne soit accrochée à une potence et qu’on lui mette au cou une pancarte avec l’inscription « défenseur de la pédophilie », ou encore une scène où les acteurs portant soutane crient en gémissant « Poooologne » tout en imitant un mouvement de copulation. Dans une autre scène, une actrice présente l’échographie d’un enfant à la 13e semaine de grossesse en expliquant que c’est sans doute une petite fille et qu’elle va l’avorter, même si sa fille est en bonne santé, ne présente aucun défaut génétique, n’est pas issue d’un viol et ne menace pas sa vie de femme enceinte : « Je vais tomber enceinte tous les 3 mois et, si j’en ai envie, je vais interrompre ma grossesse tous les trois mois. J’interromprai chaque grossesse si je veux », crie l’actrice sur la scène.
 

L’appel au meurtre du leader du parti Droit et Justice (PiS) Jarosław Kaczyński

 
A la fin de la pièce, une actrice se présente en déclarant qu’Oliver (le metteur en scène croate) lui a proposé une scène dans laquelle elle récolterait de l’argent pour faire tuer Kaczyński, et qu’elle devait demander aux spectateurs s’ils accepteraient de donner de l’argent pour cette cause parce qu’elle a peur pour l’avenir de son pays. Ensuite elle cite l’article du code pénal polonais qui interdit d’appeler publiquement au crime et elle se plaint de ce qu’à cause de cet article sa scène ait été « brutalement supprimée ».
 

Fin mai, nationalistes et catholiques ont pris le relais des protestations avec une manifestation commune de plusieurs jours

 
« Notre but n’était pas de provoquer l’indignation mais de donner la parole à ceux qui, aujourd’hui en Pologne, n’ont pas le courage d’exprimer un autre point de vue que celui des catholiques et des nationalistes », explique Agnieszka Jakimiak, « coauteure » de la pièce citée par le journal Libération dans un article indiquant en gros caractères, sous le titre « Pipe et pape » (prière de rire) que cette pièce de théâtre « excite catholiques intégristes et ultranationalistes ».
 
Il est vrai qu’à la fin du mois de mai, ce sont les milieux nationalistes qui prenaient le relais des protestations en organisant plusieurs journées de manifestations devant le théâtre où est jouée la pièce tandis que la Croisade du Rosaire se joignait à la protestation de rue avec des prières d’expiation. Une action de protestation que la ville de Varsovie, aux mains du parti libéral Plateforme civique (PO) de l’actuel président du Conseil européen Donald Tusk, avait interdite mais qu’un tribunal a ensuite autorisée. Car, n’en déplaise au Croate Oliver Frljic qui ne sait pas faire du théâtre autrement que par les provocations les plus immondes, à la direction du théâtre nommée par la municipalité libérale-libertaire, aux acteurs qui ont choisi de jouer cette pièce ou encore à la correspondante du journal français Libération, la Pologne n’est pas un Etat autoritaire mais un Etat de droit.
 

Églises, associations et simples citoyens protestent contre le condensé de haine anticatholique dans la pièce d’Oliver Frljic

 
La Conférence des évêques elle-même a protesté contre le caractère blasphématoire de cette pièce. Une association de juristes et avocats, l’institut Ordo Iuris, propose une assistance juridique gratuite aux citoyens qui voudraient engager des poursuites pour offense à leurs sentiments religieux, et une pétition en ligne pour faire suspendre le spectacle et les subventions publiques au Teatr Powszechny a déjà recueilli plus de 50.000 signatures.
 

Olivier Bault