Le P. Thomas Rosica le confirme : « Le pape François rompt avec les traditions catholiques quand il en a envie »

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Thomas Rosica : voilà un nom qui est entré dans les mémoires à l’occasion des deux synodes sur la famille convoqués par le pape François, puisqu’il en présentait les comptes-rendus des travaux en langue anglaise dans le cadre de la Salle de presse du Vatican, et ce de manière très orientée, souvent peu fidèle à ce qui s’y était réellement dit. C’est lui qui vient de lâcher une bombe à propos de la doctrine et des actes du souverain pontife dans un article consacré aux « Qualités ignaciennes du ministère pétrinien du pape François » où il a écrit, verbatim, que celui-ci « rompt avec les traditions catholiques quand il en a envie ».
 
Pour lui, l’Eglise est entrée dans une « phase nouvelle » depuis qu’elle est « gouvernée par un individu plutôt que par l’autorité de l’Ecriture sainte seule, ou même par les dires de sa Tradition et de l’Ecriture ».
 
Ce n’est pas forcément pour déplaire au père basilien, toujours consultant au Vatican alors qu’il est également directeur exécutif de la fondation médiatique canadienne « Sel et Lumière », et on peut d’ailleurs arguer qu’il s’agit là d’une interprétation subjective de sa part, qui ne saurait être prise pour argent comptant pour décrire la « gouvernance » du pape François.
 

Le P. Thomas Rosica confirme le caractère autocratique de la gouvernance du pape François

 
Il reste que c’est un élément à apporter à l’analyse d’un pontificat qui ne se contente pas de surprendre : semant confusion, incompréhension et scandale parfois, nul ne saurait dire que les déclarations et les actes du pape ne sont pas controversés, et qu’ils ne rompent pas à l’occasion avec l’enseignement constant de l’Eglise. Cela va de la proposition certes discrète de donner accès à la communion aux divorcés remariés dans Amoris laetitia à la récente modification du catéchisme en vue de prononcer la peine de mort appliquée par les autorités civiles, même pour les crimes les plus graves, « inacceptable ».
 
L’importance des remarques publiées par Salt & Light se jauge à la manière dont un média catholique toujours très déférent envers le pape l’a traité : Zenit a dans un premier temps publié cette phrase, et quelques propos similaires du P. Rosica, avant de les gommer de sa synthèse de son article.
 
Il faut dire que l’accusation – car c’en serait une dans n’importe quelle analyse traditionnelle de la situation – est des plus graves. Au-delà des mots, le P. Rosica présente le style de gouvernement du pape François comme autocratique, et s’il se réjouit à titre personnel de cet individualisme qui réinterprète la miséricorde à sa façon, y voyant l’incarnation de la pensée de saint Ignace de Loyola à la tête de l’Eglise, la réalité transparaît tout de même. On voit dans son article Mgr Bergoglio en Argentine rejeter tour à tour la théologie de la libération et le traditionalisme dans la dévotion avant de devenir le seul cardinal jésuite du Sacré collège hormis le cardinal Carlo Maria Martini de Milan – connu en son temps comme chef de file des progressistes. Le pape François, assure en de longs développements le P. Rosica, a offert à l’Eglise universelle la mise au centre de trois « grâces » propres à la spiritualité de saint Ignace : la consolation, la compassion et le discernement qui savent rendre l’Eglise accueillante pour tous, et respectueuse vis-à-vis de chaque conscience individuelle. Voilà qui explique en effet la logique d’Amoris laetitia, mais pour partie seulement car saint Ignace n’était pas connu pour la désinvolture de son expression en matière doctrinale.
 

Le pape François rompt avec les traditions catholiques quand il en a envie, parce que c’est lui le chef

 
On a la surprise de voir le P. Rosica se féliciter du « style » du pape François qui ne décide jamais sans consulter, assure le père basilien, alors que bien des décisions récentes ont été prises justement de manière unilatérale et, à l’occasion, incompréhensible.
 
« Le pape François est astucieux, et il a de manière répétée loué le trait jésuite de la “sainte ruse” », précise le religieux qui en tire argument pour écrire que nul ne sait ce qui se produira par la suite – même pas le pape « qui ne sait pas où mènera l’esprit » (sans majuscule dans le texte d’origine). « Je n’ai pas toutes les réponses. Je n’ai même pas toutes les questions. Je pense toujours à de nouvelles questions, et de nouvelles questions se présentent toujours », a pu déclarer le pape François dans une citation reprise pour son caractère significatif par le P. Rosica.
 

Avec le pape François, notre Eglise serait entrée dans une « phase nouvelle » marquée par le gouvernement d’un individu

 
Et voici le paragraphe le plus remarquable de l’article de ce dernier :
 

« Le pape François rompt avec les traditions catholiques quand il en a envie parce qu’il est “libre par rapport aux affections désordonnées”. Notre Eglise est véritablement entrée dans une phase nouvelle : avec l’avènement de ce premier pape jésuite, elle est ouvertement gouvernée par un individu plutôt que par l’autorité de l’Ecriture sainte seule, ou même par les dires de sa tradition et de l’Ecriture. »

 
Question : depuis quand l’Eglise serait-elle gouvernée par l’Ecriture seule ? La tradition apostolique serait-elle une invention propre à certains styles de gouvernance ? Que sait finalement le P. Rosica de l’Eglise, de son histoire, de la Vérité qu’elle transmet ? Quelle importance leur accorde-t-il ? Est-ce vraiment une bonne nouvelle que l’Eglise soit gouvernée par… le pape seul ?
 
Tout cela est joliment emballé dans une protestation de meilleure adhésion de la part du pape à l’amour personnel de Dieu et du prochain, dont François serait ainsi le champion inégalé. Mais en attendant, une telle rupture par rapport à l’enseignement traditionnel de l’Eglise, fût-ce au nom du Christ, contredirait des siècles de certitudes que ce même Christ nous a données pour maintenir son Eglise dans la fidélité.
 
La fidélité à cet enseignement serait-elle donc une « affection désordonnée » ?
 

Jeanne Smits