Le président de l’Institut pour la recherche en philosophie de Téhéran, Abdolhossein Khosropanah, est revenu très satisfait du 10e cycle de dialogue interreligieux entre l’Iran et le Vatican, fin novembre. Si satisfait, même, qu’il vient de s’épancher dans la presse iranienne pour se féliciter de ce que le Vatican et le pape François fassent montre d’une frappante « affinité » avec l’Iran qui affiche une vision plus « tolérante » de l’islam, ouverte à une « vie de paix » et « en symbiose ».
Abdolhossein (ou Abdulhuseyn) Khospropanah participe depuis longtemps à des colloques, des rencontres et autres événements publics destinés à promouvoir l’image de l’Iran ; on ne compte plus ses passages à Rome où il dénonce, à l’unisson avec le pape François, le détournement de sa religion aux fins de la violence.
« En l’état actuel, un groupe minoritaire impose sa vision étroite de l’islam qui prescrit virtuellement toutes sortes d’atrocités et de violences. Cette minorité insiste pour imposer sa lecture comme la meilleure version possible du véritable islam », a-t-il déclaré à la presse mardi.
Le pape François affiche son affinité à l’égard de l’islam d’Iran, selon un philosophe iranien
« Des actes aussi abominables que ceux-là sont totalement étrangers à l’enseignement islamique qui prône la paix et l’amitié et la compassion ; leurs actes sont rejetés et condamnés comme aberrants et immoraux ; lors des rencontres avec le pape et d’autres responsables du Vatican, j’ai constaté l’affinité croissante dont ils faisaient preuve à l’égard de l’Iran dans les termes de la culture et de la moralité qu’ils prêchent ; le pape lui-même a salué la délégation musulmane à cette rencontre. La pensée collective qui domine au Vatican s’interroge pour savoir si toutes les lectures traditionnelles de l’islam épousent la violence ; le dialogue interreligieux a aidé à leur montrer une face positive du chiisme et aujourd’hui ils ont une bonne vision de l’Iran et le considèrent comme un lieu où la rationalité peut régner et où l’on peut vivre une vie religieuse paisible », a-t-il ajouté.
Première remarque : Abdolhossein Khospropanah présente sa vision subjective des choses et les idées, les rapprochements, les « affinités » avec l’Iran qu’il attribue au pape et à d’autres responsables du dialogue au Vatican n’engagent finalement que lui, à défaut de déclarations ou de faits tangibles qui en attestent.
Mais on ne peut empêcher un invité de repartir d’une visite avec une impression, positive ou négative, et d’en rendre compte. Et si l’on craint que le compte-rendu ne se transforme trop en plaidoyer pro domo, eh bien, on a toujours l’option des mises au point précises. El l’occurrence, le chercheur en philosophie évoque son ressenti et souligne des points de convergence, une sorte de justification de l’islam « non-violent » par l’interlocuteur chrétien. La porte d’entrée vers les sociétés occidentales pétries de droits-de-l’hommisme…
Au Vatican, l’islam d’Iran et le catholicisme en sont à leur 10e cycle de dialogue
On reste interdit devant ces « affinités » (si elles existent ailleurs que dans la tête de l’Iranien) par rapport à un pays où la charia est appliquée avec la dernière rigueur contre les adultères, les voleurs, les assassins, les trafiquants… et les apostats. Il ne fait pas bon être converti au christianisme en Iran, il ne fait même pas bon être chrétien de souche tant les accusations de blasphème à l’encontre d’Allah, du Coran et de son « Prophète » peuvent être lourdes de conséquences dramatiques ; l’Iran détient d’ailleurs la palme de la seconde place mondiale par rapport au nombre de condamnés à mort exécutés. La vie publique y est toute soumise à l’islam – habillement, mœurs, nourriture, tout se doit d’être « halal ».
Il suffit de lire les recommandations des différentes ambassades occidentales à leurs ressortissants qui entendent voyager en Iran : l’islam chiite n’a pas grand chose à envier à l’islam sunnite strictement mis en œuvre…
Si Abdolhossein Khosropanah se glorifie donc de la bonne entente de l’islam iranien avec le catholicisme romain, au point de sembler en attendre une convergence syncrétique, c’est bien cependant parce que le dialogue interreligieux entre l’Iran et le Vatican continue et persiste imperturbablement au fil des ans.
Ce dialogue, assurait à l’issue du 10e cycle un autre dignitaire islamique chiite iranien, Mortadha Javadi Amoli, est notamment apprécié du Vatican en raison de la capacité de négociation diplomatique de l’Iran, comme en témoignent les accords sur le nucléaire, ce qui lui ferait « apprécier la stature globale actuelle de l’Iran » qui « capte l’attention internationale » en faisant progresser le dialogue pour la paix et en « neutralisant les menaces étrangères » qui lui ont été imposées.
Le pape François apprécie la capacité de négociation de l’Iran
Un clerc iranien, l’ayatollah Abolghasem Alidoust, notait pour sa part que les pourparlers au Vatican se focalisaient sur des « valeurs partagées et communes » qui dépassent les questions doctrinales islamiques ou chrétiennes : « Puisque ces dialogues interreligieux s’occupent surtout d’humanités (…) il est habituel qu’il n’y ait guère de désaccord au cours des dialogues et les discussions avancent de manière assez lisse. »
Autrement dit, on évite les sujets qui fâchent, à commencer par celui de la vérité, ce qui permet les déclarations enthousiastes sur le partage des « approches humaines rationnelles », comme si l’islam était adepte du couple « foi et raison ». S’agit-il en vérité d’un dialogue interreligieux que la maçonnerie ne peut qu’encourager ou de simples protestations de bonne volonté mutuelle ? C’est toute la question, et elle est grave, puisque l’approche aboutit fatalement à la justification religieuse du plus fort…
C’est ce que semble dire à mots à peine couverts Mortadha Javadi Amoli, qui à son retour en Iran a dit toute l’importance qu’il accorde à ce type de rencontres : « Les religions monothéistes sont toutes considérées comme une seule foi dans leur essence même en dépit de leurs différences apparentes, puisque les directives d’Allah pour l’humanité qui nous ont été révélées par les prophètes ne peuvent pas prendre la forme d’autre chose qu’une seule religion. »
En pure logique, cela est impeccable, et dit au fond l’impossibilité de nier le principe de non contradiction – une chose ne peut être en même temps vraie et fausse sous le même rapport. On trouvera toujours quelqu’un qui sache rattraper au bond la balle du relativisme afin de marquer pour son propre camp.