Berlin met en cause la politique de la Banque Centrale européenne

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Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, avec la chancelière allemande, Angela Merkel, en 2012.

 
Incroyable, mais vrai ! Berlin pointe du doigt la Banque Centrale européenne. Alors que, pendant des années, l’Allemagne défendait l’indépendance de l’institution francfortoise, voici aujourd’hui qu’elle lui reproche une politique qui serait cause, affirme-t-elle, de la percée électorale de l’AfD. Et c’est Paris qui, dans cette inversion de rôles, joue aujourd’hui celui du garant de la BCE…
 
Depuis 2014 en effet, la politique de la Banque Centrale européenne de lutte contre le risque déflationniste, fait grimacer, à tous les niveaux, les épargnants allemands. Et Berlin, qui a toujours eu de l’Europe une vision allemande, fait désormais les gros yeux à Mario Draghi et à ses gouverneurs, dont l’indépendance semble passée par profits et pertes.
 

L’Allemagne met en cause la politique de la Banque Centrale européenne

 
Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances d’Angela Merkel, n’y a pas précisément été avec le dos de la cuillère. Intervenant récemment devant la Fondation libérale-économique Stiftung Marktwirtschaft, il a tout simplement accusé la Banque Centrale d’être responsable du succès du nouveau parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD).
 
Sans nuance aucune, manifestement. « J’ai dit à Mario Draghi : tu peux être fier, a-t-il ainsi lancé. Tu peux attribuer à ta politique la moitié des résultats d’un nouveau parti qui semble couronné de succès en Allemagne. »
 
En début de semaine, Wolfgang Schäuble en rajoutait une couche en déclarant, au cours d’un entretien : « Il est incontestable que la politique de taux bas pose en ce moment des problèmes extraordinaires aux banques et à l’ensemble du secteur financier en Allemagne. »
 
Bref ! la Banque Centrale européenne n’est plus sacrée pour Berlin – même si le ministre a enrobé ses critiques de précautions oratoires qui ne font qu’aviver, aux yeux des analystes, la critique.
 
Wolfgang Schäuble va très loin puisqu’il affirme avoir déjà réclamé un tel changement d’orientation auprès du secrétaire américain aux Trésor, Jack Lew. « Vous devez encourager la Réserve fédérale et nous devons, de notre part, encourager la Banque Centrale européenne (…) à sortir de cette politique », lui aurait-il déclaré.
 

Berlin conteste Francfort pour ne pas s’attarder sur ses propres turpitudes

 
Si le ministre des Finances est à la manœuvre, il n’est pas seul, et ses déclarations trouvent de forts échos dans le pays. Ainsi le ministre des Finances de Bavière, Markus Söder, a-t-il demandé que le « gouvernement fédéral exige un changement de direction de la Banque Centrale européenne ».
 
De son côté, le ministre des Transport, Alexander Dobrindt, a critiqué la « politique à haut risque de la Banque Centrale européenne qui produit un trou béant dans les systèmes de retraites ».
 
La CDU prévient d’ailleurs qu’elle va amplifier sa protestation. Ralph Brinkhaus, l’un des vice-présidents du groupe parlementaire du parti d’Angela Merkel, affirme tout de go que l’Allemagne doit « placer la Banque Centrale européenne sous pression pour l’amener à se justifier, sinon rien ne changera ».
 
On avouera que, comme défense de l’indépendance de la Banque Centrale, on a vu plus crédible…
 
D’autant que, et bien qu’il ne soit pas question ici de défendre particulièrement la politique économique de l’Union européenne, le propos allemand paraît bien être une volonté de dissimuler, sous un bouc émissaire immédiatement visible, les propres manquements de la politique allemande.
 
Après tout, et pour n’évoquer que le plus immédiat, le succès de l’AfD est notamment dû à la politique migratoire d’une certaine Angela Merkel…
 

François le Luc