Carol Davidsen a vendu la mèche : Facebook a permis à la campagne Obama, qui travaillait alors à la réélection du président des Etats-Unis, d’exploiter les données personnelles détenues dans le cadre du réseau social du fait de ses sympathies de gauche. Et ce que l’on reproche aujourd’hui à Donald Trump à propos de l’affaire Cambridge Analytica, on s’en réjouissait alors parce que cela allait permettre de battre la droite. En tant qu’ancienne directrice médias de la campagne Obama for America, Mme Davidsen sait de quoi elle parle. Dans une série de tweets explosifs, elle a décrit le fonctionnement du dispositif. Au bout du compte, les sympathies de gauche de Facebook l’ont conduit à étouffer la droite, de plus en plus.
Ce qu’il faut retenir d’abord, c’est que Facebook voulait la réélection de Barack Obama. A l’époque, Time ne tarissait pas d’éloges sur l’utilisation de Facebook qui avait permis aux candidats sortants de « se connecter avec les jeunes électeurs ». « L’équipe Obama avait une solution » pour rejoindre cet électorat difficile à trouver, ces moins de 29 ans dont le numéro de téléphone ne figure pas sur les listes des pages blanches. C’était « une application Facebook » qui allait « transformer la manière dont on fait campagne à l’avenir » : les sympathisants d’Obama, en la téléchargeant, lui permettaient de voir la liste de leurs amis Facebook. « En un instant, la campagne avait le moyen de voir les jeunes électeurs cachés » : environ 85 % de ceux qui n’avaient pas de téléphone répertorié apparaissaient dans ces listes. « En outre, Facebook offrez le moyens idéals de les atteindre », affirme Time, enthousiaste.
Facebook a fortement aidé la campagne Obama en 2012
Comme le disait alors Teddy Goff, directeur numérique de la campagne Obama : « Les gens ne font pas confiance aux campagnes. Ils ne font même pas confiance aux médias. A qui font-ils confiance ? A leurs amis. »
Il s’agit là d’une manière d’exploiter des données privées à des fins politiques, pleinement assumée par Facebook. En quoi est-ce pire ou mieux que ce qu’a fait la campagne Trump bénéficiant de données que Cambridge Analytica avaient obtenues et « oublié » d’effacer ?
C’est pire, en réalité, parce que Facebook choisit, selon ses préférences personnelles, qui peut ou ne peut pas profiter de l’incroyable mine d’informations que détient le réseau social sur plusieurs milliards de personnes dans le monde. En offrant l’accès à de nombreuses données de grand intérêt pour la campagne Obama, en temps réel, les responsables de Facebook « disaient très franchement qu’il nous permettait de faire des choses qu’ils n’auraient pas autorisées à d’autres parce qu’ils étaient de notre côté », explique aujourd’hui Carol Davidsen.
Soutien à la gauche, droite étouffée : Facebook a ses préférences
Celle-ci avoue que le projet lui semblait à l’époque « flippant » même si elle assure que tout a été fait selon les règles. La campagne Obama est même parvenue à « aspirer » la totalité du « graphique social » de Facebook pour constituer ses mailings, au grand étonnement des responsables de la firme de Zuckerberg. « Mais ils ne sont pas arrêtés lorsqu’ils se sont rendus compte de ce que nous faisions. »
Si Marc Zuckerberg s’excuse aujourd’hui, poussé par la chute de la valeur de l’action Facebook, évoquant ses scrupules face à son propre pouvoir de définir ce qui constitue des contenus à censurer ou non en tant que « discours de haine », sa sincérité connaît des limites visibles dans les choix opérés par le réseau social pour promouvoir, ou non, tel ou tel contenu.
Les dernières modifications des algorithmes de Facebook au début de cette année ont en effet vu le trafic des sites de gauche augmenté de près de 14 %, tandis que les sites conservateurs les plus populaires ont chuté de 27 %.