Synode sur la synodalité : notre analyse exclusive du Rapport de synthèse montre que la Révolution dans l’Eglise est en marche (III)

synodalité Rapport synthèse III
 

Nous avons entamé la publication de notre analyse du Rapport de synthèse du synode sur la synodalité en présentant une lecture des sept premiers chapitres de sa première partie sur « le visage de l’Eglise synodale ».

Sous le titre « Tous disciples, tous missionnaires », le rapport de synthèse offre un regard modifié sur le sacerdoce, dont le rôle suréminent – parce qu’il permet de communiquer la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ à travers les sacrements et surtout par le plus important d’entre eux, l’Eucharistie, renouvellement non sanglant de l’unique Sacrifice du souverain prêtre, le Fils de Dieu – est noyé dans une sorte d’égalitarisme baptismal.

La communauté supplante d’ailleurs ici le sacrifice salvifique pour la réparation des péchés et le salut des âmes. L’immense majorité des votants au synode ont approuvé, peut-être sans en percevoir les implications, une logique de partage des « ministères », étendue aux laïcs, y compris pour la prédication.

 

Synodalité : notre analyse du Rapport de synthèse montre qu’elle cherche à modifier le sacerdoce en profondeur

C’est dans cette partie du rapport que l’on trouve les articles ayant suscité la plus importante opposition (qui n’a jamais dépassé les 20 %) : elle s’est manifestée lors des votes sur le rôle des femmes. En fait, les portes ont été ouvertes en grand à l’accès des femmes au diaconat, en même temps que le caractère sacerdotal de celui-ci a été remis en cause ; c’est là déjà une révolution majeure, examinée et très largement approuvée dans le chapitre 11. Approuvée, précisons-le, par le biais de l’engagement pris de remettre l’approche traditionnelle de ces sujets sur la table des discussions.

Il n’est pas surprenant que le pape François ait décidé de mener ce synode, ouvertement destiné à modifier la structure même de l’Eglise, en deux temps. Cela permet à la dynamique de groupe de se prolonger dans le temps, et de prétendre arriver à un « consensus » après avoir laissé chacun s’exprimer largement sur des questions déjà réglées.

La première livraison de cette analyse par étapes se trouve ici.

La deuxième se trouve ici.

 

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La deuxième grande partie s’intitule : « Tous disciples, tous missionnaires »

 

Chapitre 8. L’Eglise est mission

Voici quelques phrases relevées au hasard des premiers articles : « Soutenue et guidée par l’Esprit Saint, elle annonce et témoigne de l’Evangile à ceux qui ne le connaissent pas ou ne l’acceptent pas, avec cette option préférentielle pour les pauvres qui s’enracine dans la mission de Jésus. Elle contribue ainsi à l’avènement du Royaume de Dieu, dont elle “constitue la semence et le commencement” »… On y voit suggéré que le Royaume de Dieu – ici-bas, c’est l’Eglise, enseigne le catéchisme traditionnel – s’atteint à travers l’« option préférentielle pour les pauvres ». C’est toute l’erreur de la théologie de la libération.

« Laïcs et laïques, consacrés et consacrées, et les ministres ordonnés ont la même dignité » : là, c’est le refus d’une hiérarchie des états de vie qui se dessine, où l’on ne reconnaît que la différence des « rôles et des fonctions ».

Cette même approche égalitariste se trouve dans l’art. 8f :

« Les charismes des laïcs, dans leur diversité, sont des dons de l’Esprit Saint à l’Eglise qui doivent être mis en évidence, reconnus et valorisés. Dans certaines situations, il peut arriver que les laïcs soient appelés à pallier le manque de prêtres, avec le risque que le caractère purement laïc de leur apostolat soit diminué. Dans d’autres contextes, il peut arriver que les prêtres fassent tout et que les charismes et les ministères des laïcs soient ignorés ou sous-utilisés. Il y a aussi le danger, exprimé par de nombreux participants à l’Assemblée, de “cléricaliser” les laïcs, de créer une sorte d’élite laïque qui perpétue les inégalités et les divisions au sein du Peuple de Dieu. »

Peut-être parle-t-on des « équipes liturgiques » dans les paroisses qui dirigent les obsèques pour le commun des mortels mais ont droit à une messe d’enterrement avec prêtre ? En tout cas, le langage est celui du nivellement recherché et désiré, où l’évêque, le prêtre et le laïc se partagent la tâche de l’enseignement et de la liturgie. Raison pour laquelle on peut voir dans le synode sur la synodalité une entreprise de changement et de dévalorisation du sacerdoce. 333 votes pour, 13 contre.

Cela est confirmé dans l’article 8h, adopté avec seulement 2 voix contre :

« La mission de l’Eglise est continuellement renouvelée et nourrie par la célébration de l’Eucharistie, en particulier lorsqu’elle au premier plan son caractère communautaire et missionnaire. »

C’est la communauté plutôt que saint sacrifice. Personne ne s’est-il rappelé que le vrai cœur de la messe, son seul vrai « premier plan », est le miracle inouï de la transsubstantiation par lequel le pain et le vin deviennent réellement le corps, le sang, l’âme et la divinité de Notre Seigneur qui renouvelle pour nous son sacrifice de manière non sanglante lors de chaque consécration réalisée par le prêtre in persona Christi ?

Seuls trois votants se sont opposés à la revendication qui suit (8j) :

« Vatican II et le Magistère qui en découle présentent la mission distinctive des laïcs en termes de sanctification des réalités temporelles ou séculières. Cependant, dans le concret de la pratique pastorale, au niveau paroissial, diocésain et même, récemment, universel, les laïcs se voient de plus en plus confier des tâches et des ministères au sein de l’Eglise. La réflexion théologique et les dispositions canoniques doivent être conciliées avec ces développements importants et des efforts doivent être faits pour éviter les dualismes qui pourraient compromettre l’unité perçue de la mission de l’Eglise. »

D’ailleurs l’article 8n propose :

« On perçoit le besoin d’une plus grande créativité dans la mise en place de ministères en fonction des besoins des églises locales, avec une implication particulière des jeunes. On peut envisager d’élargir encore les tâches du ministère établi du lecteur, qui, aujourd’hui déjà, ne se limitent pas au rôle joué pendant les liturgies. De cette manière, un véritable ministère de la Parole de Dieu pourrait être configuré, qui, dans des contextes appropriés, pourrait également inclure la prédication. »

Oui, il s’agit bien de faire prêcher les laïcs : 38 votants ont dit « non ». 89,5 % approuvent le fait d’y réfléchir.

 

Chapitre 9. Les femmes dans la vie et la mission de l’Eglise

Très attendu, ce chapitre arrive un peu comme un pétard mouillé depuis que le pape François a déclaré que les femmes ne pouvaient accéder au sacerdoce, vers la fin du synode. Mais il ne faut pas s’y tromper : on veut avancer sur d’autres chapitres et cela se fera d’autant plus facilement que l’impression donnée est celle d’un recul.

Après avoir constaté que « les femmes constituent la majorité des pratiquants » (pourquoi ?), les votants ont constaté par 320 voix contre 26 :

« De nombreuses femmes ont exprimé leur profonde gratitude pour le travail des prêtres et des évêques, mais elles ont aussi parlé d’une Eglise qui blesse. Le cléricalisme, le machisme et un usage inapproprié de l’autorité continuent de marquer le visage de l’Eglise et de nuire à la communion. Une profonde conversion spirituelle est nécessaire comme fondement de tout changement structurel. Les abus sexuels, économiques et de pouvoir continuent d’exiger justice, guérison et réconciliation. Nous nous demandons comment l’Eglise peut devenir un espace capable de protéger tout le monde. »

Oui, c’est bien un « changement structurel » de l’Eglise qui est visé ; et qui même en dehors d’innovations spectaculaires sur des sujets « chauds », constitue la réalité de l’objectif de ce synode. Et personne ou presque ne s’y oppose.

Cela dit, il y en a aussi pour les « sujets chauds ». On veut augmenter les « responsabilités pastorales » des femmes (art 9i, 16 voix contre) et on se demande : « Comment l’Eglise peut-elle inclure davantage de femmes dans les rôles et les ministères existants ? Si de nouveaux ministères sont nécessaires, à quel niveau et de quelle manière ? »

L’article le plus controversé, avec ses 69 voix contre, est le suivant (9j) :

« Différentes positions ont été exprimées concernant l’accès des femmes au ministère diaconal. Certains considèrent que cette démarche serait inacceptable car elle serait en rupture avec la Tradition. Pour d’autres, en revanche, l’accès des femmes au diaconat rétablirait une pratique de l’Eglise primitive. D’autres encore voient dans cette démarche une réponse appropriée et nécessaire aux signes des temps, fidèle à la Tradition et susceptible de trouver un écho dans le cœur de beaucoup de ceux qui recherchent une vitalité et une énergie renouvelées dans l’Eglise. Certains craignent que cette demande ne soit l’expression d’une dangereuse confusion anthropologique, en acceptant que l’Eglise s’aligne sur l’esprit du temps. »

Le constat des différences d’opinion n’est évidemment pas ce qui a été contesté par cette petite fronde, mais l’idée même de mettre le sujet en discussion. En demandent de revoir la « théologie du diaconat », comme le fait l’article suivant (37 voix contre), c’est une attaque directe contre la théologie du sacerdoce qui est mise en chantier, puisque le sacrement de l’ordre comprend trois degrés : évêque, prêtre, ministre.

Ce chapitre propose aussi de faire participer les femmes aux processus décisionnels, et de poursuivre la « recherche théologique et pastorale sur l’accès des femmes au diaconat » dont les résultats devront être présentés lors de la deuxième étape du synode. La porte est ouverte (67 votes contre).

La proposition 9q (39 voix contre) ose ceci :

« Que les textes liturgiques et les documents de l’Eglise soient plus attentifs non seulement à l’utilisation d’un langage qui place les hommes et les femmes sur un pied d’égalité, mais aussi à l’inclusion d’un éventail de mots, d’images et d’histoires qui s’inspirent avec une plus grande vitalité de l’expérience des femmes. »

On propose aussi que les femmes puissent être juges dans les procédures canoniques.

 

Chapitre 10. La vie consacrée et les associations de laïcs : un signe charismatique

Ici il est surtout question de « ferments de renouveau » et du « style synodal » à développer parmi les différentes communautés ; on parle même de sainteté, mot qui revient six fois dans le rapport de synthèse (« Popolo » s’y trouve 43 fois, « sinodalità » 63 fois et « sinodale » 98 fois en 40 pages).

 

Chapitre 11. Diacres et prêtres dans une Eglise synodale

L’idée du synode est de minimiser la fonction sacerdotale du diacre, pour insister sur le « ministère » de la charité ; charité qui pour le coup, peut être exercée et l’a été de manière exemplaire au cours des siècles par les religieux et religieuses, voire les laïcs. Ainsi qu’il est devenu courant avec l’omniprésence du vocabulaire du pape François on trouve ici une nouvelle mise en garde contre le « cléricalisme » où l’appel de Dieu serait conçu comme un « privilège ».

L’objectif est de changer les séminaires en profondeur, ainsi qu’on peut le voir à l’article 11e (9 voix contre) :

« Dans la perspective de la formation de tous les baptisés pour une Eglise synodale, la formation des diacres et des prêtres requiert une attention particulière. Il a été fortement demandé que les séminaires et les parcours de formation des candidats au ministère soient liés à la vie quotidienne de la communauté. Il faut éviter les risques de formalisme et d’idéologie qui conduisent à des attitudes autoritaires et empêchent une véritable croissance de la vocation. La refonte des styles et des parcours de formation nécessite une révision et une discussion approfondies. »

Les ennuis commencent naturellement quand on confond « formalisme et idéologie » avec tradition et doctrine…

Le célibat des prêtres a également été abordé et la question est laissée ouverte (11f, 55 voix contre) :

« Différentes positions ont été exprimées sur le célibat des presbytres. Tous en apprécient la valeur prophétique et le témoignage de conformation au Christ ; certains se demandent si son adéquation théologique avec le ministère presbytéral doit nécessairement se traduire dans l’Eglise latine par une obligation disciplinaire, en particulier là où les contextes ecclésiaux et culturels le rendent plus difficile. Il s’agit d’un thème qui n’est pas nouveau et qui mérite d’être approfondi. »

Telle est bien l’idée derrière ce synode en deux étapes : lancer les idées et laisser toute possibilité à l’évolution, tout en assurant l’essentiel : l’affirmation du caractère « synodal » de l’Eglise qui provoquera tous les changements qui en découlent.

Pour ce qui est des diacres, il est envisagé de réfléchir sur la différence des rôles entre ceux qui le sont de manière « transitoire » pour devenir prêtres et les diacres permanents qui en constitueraient la « forme primaire », et qui pourraient comprendre des femmes.

L’article 11i (61 voix contre) propose ainsi :

« Les incertitudes qui entourent la théologie du ministère diaconal sont également dues au fait que, dans l’Eglise latine, il n’a été restauré comme degré propre et permanent de la hiérarchie que depuis le Concile Vatican II. Une réflexion plus approfondie sur ce sujet éclairera également la question de l’accès des femmes au diaconat. »

53 voix sur 346 ont rejeté la proposition suivante, ce n’est pas beaucoup :

« On envisage, au cas par cas et en fonction du contexte, l’opportunité d’inclure les prêtres qui ont quitté le ministère dans un service pastoral qui valorise leur formation et leur expérience. »

Le catéchisme ou la préparation au mariage assurés par des prêtres défroqués ? Rien ne garantit désormais que cela ne se fera jamais.

 

La suite de cette analyse est à lire ici.

 

Jeanne Smits