Un entretien avec Louis-Pierre Laroche, fondateur des chapelets publics « La France prie » pour implorer la protection de la Vierge Marie

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Chaque semaine, plus de 5.000 groupes de « priants » se rassemblent dans une quinzaine de pays pour réciter publiquement le chapelet, afin d’implorer la protection de la Vierge Marie face aux dangers et aux peurs qui nous assaillent depuis la crise du COVID et ses réglementations liberticides, la guerre en Ukraine et j’en passe. En France, ce sont plus de 2.800 chapelets publics hebdomadaires qui ont lieu, le plus souvent le mercredi (on peut retrouver les lieux ici) depuis le début de 2021. Le fondateur de ces chapelets publics, Louis-Pierre Laroche, est vendéen ; il vit et travaille en Autriche et c’est là qu’il a lancé la première salve de prières publiques au moment où les Autrichiens se voyaient menacés d’amendes récurrentes de plusieurs milliers d’euros en cas de refus de la vaccination COVID. Il nous raconte cette histoire aussi touchante qu’elle est pleine de providence et d’espérance, en soulignant l’efficacité de la prière publique à Marie.
 
Dans un contexte d’inquiétude généralisée, ce mouvement conserve toute son actualité. Discrète et puissante, la prière publique du chapelet se maintient dans de nombreux pays, sous l’égide d’une charte que l’on peut consulter sur le site LaFrancePrie.org. Il est facile d’y trouver un rendez-vous près de chez soi, ou d’en créer un nouveau. Sous le manteau de Notre-Dame, on ne craint rien ! – J.S.

 
 

Notre entretien avec Louis-Pierre Laroche, fondateur de « La France prie »

 
 

Louis-Pierre Laroche, à la fin de 2021 vous avez pris l’initiative de lancer un mouvement de chapelets publics. Vous qui vivez et travaillez en Autriche, vous étiez alors confronté à une lourde menace d’obligation vaccinale contre le COVID. Celle-ci fut-elle le déclencheur de votre initiative ?

 
C’est certainement toute la pression psychologique autour de la crise du COVID qui a amené les gens au désespoir. J’avais de nombreux amis, parmi lesquels certains partageaient certaines opinions politiques par rapport à cette crise, qui pensaient à émigrer. Mais j’avais aussi beaucoup de partenaires commerciaux qui suivaient totalement la politique gouvernementale, et qui étaient tout aussi désespérés. Je me suis retrouvé, fin novembre, lorsque je faisais des livraisons pour les cadeaux de Noël dans des entreprises, notamment des cabinets d’avocats, face à des secrétaires qui lâchaient, en me disant au revoir : « De toute manière, il n’y a que le Ciel qui puisse nous aider. »
 
 

Ces personnes adhéraient donc à la politique du gouvernement autrichien ?

 
Oui ! C’étaient des gens qui s’étaient fait vacciner, qui suivaient tout, et qui voyaient bien qu’en réalité que cela ne menait à rien et que la situation était extrêmement explosive. Pour avoir participé alors à quelques manifestations contre cette politique du COVID, je me suis dit qu’il était grand temps qu’on apaise la situation, parce que s’il devait y avoir une erreur d’une part ou d’autre, une petite étincelle, elle pouvait dégénérer très rapidement en guerre civile. Nous faisions l’objet d’une guerre psychologique très forte de la part du gouvernement, qui tous les deux jours nous martelait d’amendes et d’autres exactions y compris de peines de prisons, en cas de refus de suivre sa politique. La peine serait payée par la personne elle-même, on prendrait sur ses biens, elle risquerait jusqu’à six mois de prison… Les gens étaient désespérés.
 
 

Cette pression psychologique a-t-elle donc été plus forte que dans beaucoup d’autres pays ?

 
Elle était vraiment extrême. Je pense que l’Autriche était un peu le ballon d’essai pour cette politique. Beaucoup d’amis sont venus me voir ou m’ont téléphoné en disant : « Il faut faire quelque chose. » Puis de manière plus personnelle : « Louis-Pierre, tu dois faire quelque chose. » Et moi, je ne savais que faire…
 
 

Qu’est-ce qui fait qu’ils se sont tournés vers vous ?

 
Dès le début de la crise du COVID, j’ai été actif en exprimant mes opinions. J’ai fait un petit blog, qui n’a pas beaucoup de lecteurs d’ailleurs, mais qui a été un peu diffusé parmi mes amis. J’ai donné mes opinions et j’ai surtout rassuré les gens. Je m’étais également battu auprès du gouvernement, on dirait du lobbying de nos jours, en envoyant des lettres argumentées pour obtenir la liberté de culte, que nous avons de fait obtenue. Par ces lettres, je pense avoir obtenu dès juillet 2020 une exemption complète de toutes les normes COVID pour les rassemblements à caractère religieux.
 
 

Y compris pour le nombre de participants, le masque, tout ?

 
Totalement. Tous les quinze jours il y avait un nouveau décret, mais toujours, parmi les exceptions, celle prévue pour les rassemblements à caractère religieux : exception complète. Certes, dans certains articles, ils essayaient de remettre des limites, mais comme l’exception demeurait toujours au bas des décrets, nous avons eu à partir de juillet 2020 une liberté complète pour tout rassemblement religieux.
 
Tout cela me trottait dans la tête, et ce fut mon idée lorsque nous avons lancé le chapelet public : il fallait absolument faire passer le droit en fait. Allons prier, puisqu’ils n’ont pas le droit de nous l’interdire ! Nous étions alors en confinement, nous n’avions pas le droit de sortir de chez nous… J’ai pensé : non, on a le droit de prier et de se rassembler pour prier, et on va le prendre.
 
Bien entendu, au début, les gens étaient prudents, on gardait des distances, certains portaient leurs masques s’ils le voulaient. Libre à chacun de faire comme il voulait, mais sans obligation ! Au début, la police s’est sentie un peu interpellée, mais il y a eu très rapidement des remontées de la part de ses services juridiques qui ont dit : s’ils prient, d’une part ils n’ont pas besoin de s’inscrire, parce qu’ils exercent le droit fondamental de la prière, et d’autre part, ils sont totalement libres de le faire. Il n’existe aucune restriction en Autriche, notamment en raison du concordat de 1934 dont le premier article accorde aux catholiques la liberté pleine et entière : « La République autrichienne assure et garantit (sichert und gewährleistet) la liberté du culte catholique. » En disant des prières catholiques, on est bien dans le cadre de cette liberté complète.
 
L’élément déclencheur a été un coup de fil d’un prêtre. Celui-ci m’a dit : « Il faut faire quelque chose pour les gens, ils sont désespérés. » Ce désespoir, je le voyais moi aussi partout. Nous avons discuté pendant vingt minutes, et c’est lui qui a proposé l’idée d’une croisade du rosaire. Je lui répondis que l’idée était bonne : les gens étaient prêts à la prière, tant ils disaient que seul le Ciel pouvait nous aider ! Mais j’ajoutai que je n’avais jamais rien organisé de tel, et que je ne savais pas faire.
 
Le dimanche suivant, ce prêtre a commencé une croisade du rosaire pour toutes les chapelles dont il s’occupe, et j’ai trouvé cela très bien, pensant qu’il n’y avait plus rien à faire, que l’affaire était réglée. Mais à la fin de la messe, plusieurs personnes m’abordèrent pour me dire qu’il fallait aller plus loin. Il y avait notamment une grand-mère qui m’avait déjà ému : je l’avais vue au bord des larmes avec ses enfants, ses petits-enfants, en proie à toutes les pressions professionnelles… Elle me dit : « Tu vas faire quelque chose. » – « Je ne sais pas », répondis-je. – « Si, si, tu vas faire quelque chose ! » – Et je lui dis : « D’accord, on va faire quelque chose de grand. » Mais quoi ? Je n’en avais absolument aucune idée.
 
L’après-midi, un ami – un grand informaticien qui a une bonne situation – m’a appelé pour m’annoncer son projet de déménager en Pologne. Je lui dis que c’était beaucoup trop tôt, que la bataille n’était pas finie, que les jeux n’étaient pas faits. Et c’est le lundi, après la prière, que m’est venue cette idée de faire quelque chose de très simple qui soit à la portée de chacun. Quoi, pourquoi, comment, où, qui ? Il fallait répondre à toutes ces questions, mais avec cette idée : » Le gouvernement nous dit : restez chez vous ? Moi, je vais dire : sortez de chez vous. Le gouvernement nous dit : ne vous rencontrez pas ? Moi, je vais dire : rencontrez-vous. » Il s’agissait d’être vraiment contre-révolutionnaire.
 
J’ai choisi de créer un groupe Telegram où l’on peut être plusieurs milliers. J’ai donc publié mon papier – cela tenait sur une feuille A4 – que j’ai envoyé à mes 70 contacts qui étaient déjà sur Telegram, et c’est parti.
 
 

Très vite ?

 
Oui. J’ai envoyé mon appel le lundi après-midi et nous avions déjà 35 lieux de prière en Autriche le mercredi. Dès le jeudi et vendredi de cette première semaine, c’est parti en Allemagne, en Suisse, en Italie, en se développant très vite. Le premier jour de prière en Autriche était le 1er décembre, dans les autres pays, c’était le 8 décembre. Heureusement j’ai été aidé, notamment par un père cistercien de Heiligenkreuz, qui contrairement à moi s’y connaissait sur Telegram et qui a pris contact avec moi. M’annonçant que ce que je mettais sur pied allait être « énorme », il m’avertissait que j’aurais besoin d’une gestion. Comme il savait faire, je l’ai nommé administrateur, et voilà ! Petit à petit, j’ai été rejoint par des informaticiens, une graphiste… Cela nous a permis très rapidement, en Autriche, de constituer un petit noyau, d’avoir un programme, de savoir où nous voulions aller, d’avoir une page internet, de faire un livret de prières et de chants.
 
 

Implorer la protection de la Vierge Marie face aux peurs qui paralysent

 

Avez-vous été rejoint tout de suite par des gens de toutes tendances catholiques ?

 
C’était vraiment un panel complet de gens qui ont la foi et qui croient encore à la prière. Des gens qui croient en la Sainte Vierge, en la puissance de la prière, et qui voyaient eux-mêmes qu’il n’y avait pas d’autre issue. Nous avons aussi reçu des soutiens du clergé, de certains curés locaux, des moines, des pères abbés qui m’écrivaient ou qui m’appellaient en me disant : vous nous avez réveillés, on peut sortir maintenant. Nous n’avons pas eu le soutien des évêques au départ. Plus tard, j’ai eu une lettre d’encouragements du cardinal Schönborn, au moment de la consécration de la Russie. Le pape venait de l’annoncer. J’ai écrit une lettre au cardinal Schönborn, primat d’Autriche, pour lui demander de s’y joindre avec tous ses évêques – une petite lettre manuscrite, en français parce que je savais que c’est sa langue de prédilection. J’avais ajouté un tract de « l’Autriche prie » et je lui demandé de nous donner une bénédiction et d’encourager les priants. Le cardinal m’a répondu : il n’a pas donné de bénédiction, mais il m’a encouragé à continuer. Il a posé un acte de bien.
 
 

C’est ensuite la France qui s’est réveillée grâce à votre vidéo qui a été très répandue. De votre côté, il me semble que vous avez eu très rapidement le sentiment, voire la certitude, que l’initiative fonctionnait vraiment.

 
Oui, on était obligé de le constater ! Les groupes s’inscrivaient à droite et à gauche, et ils étaient très nombreux. Nous étions totalement dépassés par les événements. Pour quelque chose qui n’était pas prévu, qui avait été lancé sans aucune préparation et sans le moindre investissement, ce développement aussi rapide a montré à l’évidence que c’était avant tout une bonne réponse à une demande qui existait. C’est pour cela que les gens ont répondu : il y avait une soif, un besoin. En voyant que cela devient quelque chose de grand, on a un grand sentiment d’humilité, parce qu’on est conscient que ce qui se passe n’est pas la conséquence de nos actes directs, mais qu’il y a une autre force en jeu. Si je compte la demi-heure que j’ai mise à faire mon papier, l’absence d’investissements, et que je vois ce qui se passe sur le terrain, je vois bien que ce n’est pas moi, je suis simplement un petit instrument. C’est sûr qu’il fallait donner l’étincelle, mais le plus important, ce sont les gens qui sont sur place, ceux qui sortent de chez eux, qui inscrivent leur chapelet, qui chaque semaine vont prier et faire venir d’autres personnes. Ce sont eux les plus importants dans toute cette initiative.
 
 

En Autriche, France, en Allemagne, en Suisse… la Vierge entend les prières de ses enfants

 

Y a-t-il eu rapidement des signes que ces prières étaient entendues ?

 
Oui, en Autriche notamment. Je me souviens bien de ce premier mercredi. Au niveau professionnel, toute ma clientèle, mes fournisseurs et moi-même ne faisions pas de prévisions au-delà du 31 décembre, comme si cela devait être la fin du monde. Nous ne prévoyions plus rien pour le mois de janvier, telle était la force de la guerre psychologique. Tout s’arrêtait. Je me demandais ce que je ferais au mois de janvier, et nous avions la peur au ventre ; tout le monde était inquiet, stressé. Je me souviens bien du déjeuner, ce jour-là. Je dis à ma femme : « En ce moment nous avons encore peur, mais ce soir, nous allons prier et la peur va changer de côté. Quand nous aurons prié en public, une fois que nous aurons mis ce bouclier au-dessus de nous, le diable ne pourra plus nous attaquer, nous serons sous la protection de la Sainte Vierge. Quand le diable ne peut plus attaquer quelque part, il se venge sur ses suppôts. Et alors la peur changera de camp, et ce sont eux qui ne vont pas passer une nuit tranquille. Nous, nous passerons une nuit extrêmement tranquille, nous serons sereins, paisibles, parce que nous aurons tout confié à la Sainte Vierge. »
 
Effectivement, le lendemain et le surlendemain, il y a eu des démissions au niveau politique : tous ceux qui avaient promu cette situation sont partis. Aujourd’hui, si on fait un bilan, il y a aussi des choses indéniables. En France, c’est le 4 août que le gouvernement a fait passer la loi de fin de l’exception COVID. Le 3 août était un mercredi, et c’était le 30e chapelet en France : dès le lendemain du trentain, il n’y a plus d’état d’urgence COVID. En Suisse, c’était au lendemain du 11ème chapelet, le 16 février. En Allemagne, le 6 avril, on dit le 18ème chapelet, et le lendemain, 7 avril, la loi sur l’obligation vaccinale ne passe pas au Bundestag, alors que tous les partis sauf un sont pour et que le gouvernement a une majorité. Mais pas de majorité pour cette loi qui est un projet gouvernemental ! Et en Autriche, le 30ème chapelet a lieu le 5 juin, et le lendemain le ministre de la santé annonce qu’il va arrêter l’obligation vaccinale.
 
 

Celle-ci n’avait-elle pas déjà été suspendue ?

 
Elle a été mise en place, mais jamais vraiment appliquée, sauf dans certains métiers, de manière assez drastique notamment dans ceux de la santé. Elle a été suspendue, et finalement annulée, la loi a été abrogée, avec un argument important selon lequel cette loi avait divisé la société. Depuis le début, nous priions explicitement contre cette division de la société. On peut y voir un signe du ciel. Je pense que nous pouvons mettre cela sur nos drapeaux, et cela nous encourage, parce que ce n’est pas fini. En France, il demeure encore beaucoup d’injustices.
 
 

Absolument, la suspension des soignants en particulier. N’est-ce pas le cas en Autriche ?

 
Non, il n’y a plus rien du tout sur ce plan. Certes, beaucoup d’injustices demeurent restent, beaucoup de choses sont à réparer aussi, mais au moins cette crise a été en partie résolue. Par contre, d’autres s’y sont greffées, comme cette guerre en Ukraine qui nous guide maintenant pour les chapelets. On passe de crise en crise. La guerre a replacé au centre de nos esprits le message de Fatima, avec la consécration qui a été faite par le pape : elle était demandée par les évêques ukrainiens à l’époque, et la plupart des évêques l’ont faite dans le monde entier.
 
 

En France, presque tous. Le seul qui ne l’a pas fait était malade.

 
On peut discuter de la forme, de tout un tas de choses, du texte… Mais c’est un acte de bien. Le pape a appelé à réciter le chapelet. C’est un acte de bien, même si ce n’est pas exactement ce que la Sainte Vierge a demandé à Fatima. On peut penser que de toute manière il est tellement tard, que peut-être cela fera du bien au monde entier. Mais cet acte recentre le message de Fatima, et il recentre aussi notre initiative du chapelet sur ce message de Fatima.
 
C’est à partir de ce moment que nous avons commencé, en Suisse et en Autriche, un projet de Vierge pèlerine. Des groupes s’inscrivent et les Vierges pèlerines passent de l’un à l’autre. L’idée est de répondre à la deuxième demande de Fatima : c’est la consécration au Cœur immaculé de Marie, et la propagation de la dévotion au Cœur immaculé de Marie avec la consécration personnelle, mais aussi la consécration des communes, des paroisses, si possible par les autorités : pour la famille ce sera le père de famille, pour la paroisse, curé, et si le maire est là, c’est encore mieux. Certains maires l’ont fait, en Autriche et en Suisse.
 
Nous mettons cela en place en France également, avec des centaines d’inscriptions parmi les 2.800 groupes. Notre souci est davantage lié à la communication qu’à la réception de cette nouvelle initiative, car tous ne vont pas sur les réseaux sociaux. En Autriche et en Suisse, on voit qu’avec de petits groupes de chapelets – cinq ou six personnes – on peut contacter le curé, la Vierge pélerine vient en paroisse et le curé prend les choses en main. Nous fournissons un livret de préparation pour la consécration, avec une neuvaine et le texte de la consécration. Les curés nous le demandent et en sont heureux. Il y a quelques mois à Sankt Pölten en Autriche, un groupe qui rassemble à peu près 20 personnes, a fait une procession avec 80 personnes pour la Vierge pélerine, avec la consécration à la Sainte Vierge. Les prêtres présents étaient heureux et nous écrivaient des messages de félicitations.
 
 

Là encore, sont-ce des prêtres de tous bords ?

 
Oui, de tous bords. Si je prends l’exemple autrichien, où nous avons commencé au mois de juin à faire circuler deux Vierges pèlerines, dans la plupart des cas la Vierge pélerine a été reçue dans la paroisse, il y a eu des processions. Parfois le prêtre a célébré une messe spécialement pour l’occasion ; parfois il a organisé un salut du Saint Sacrement. Les prêtres étaient là avec leurs fidèles, et ils étaient heureux. Un curé de l’est de l’Autriche qui a accompagné un tel événement et qui a découvert le livret, m’a tout de suite écrit pour m’en demander d’autres.
 
C’est sûr que très souvent, on trouve des priants dans les paroisses où il y a un prêtre qui a la foi et qui pousse à la prière.
 
 

La thématique de la guerre, de toutes les peurs qui nous sont présentées aujourd’hui – puisqu’on a changé de peur et pas de méthode – déclenche-t-elle au départ la même désespérance, et en retour le même enthousiasme pour cette initiative ?

 
On vit en ce moment une situation assez agréable. On n’a pas, dans la vie de tous les jours, surtout si on ne s’expose pas aux médias, le stress de la guerre, du COVID… Mais si on écoute les discours des uns et des autres, on se dit qu’on est à la veille de la troisième guerre mondiale. Les discours sont bellicistes et ils font peur, surtout quand on connaît la malice des gens qui nous gouvernent. Ils ne sont pas ignorants, ils ne sont pas bêtes, ils sont malicieux, vraiment. Ils ne gouvernent pas pour le bien commun de leur peuple.
 
N’entrons pas dans le détail de cette guerre terrible, mais recentrons-nous sur le message de Fatima. En 1917, on est en pleine guerre. Le Portugal n’est pas trop touché non plus : il n’y a pas de bombes qui tombent sur le Portugal, pas de combats. Hormis certains qui sont partis à la guerre, on ne la sent pas, elle n’est pas là, elle est loin, le front est à près de 2.000 kilomètres. Aujourd’hui c’est à peu près pareil. Ce message de Fatima qui arrive alors peut nous aider maintenant, face à ce danger vraiment réel d’une déflagration totale. On peut comparer avec ce qui s’est passé dans l’histoire : comparer le Portugal des années 1930 à l’Espagne des années 1930. Ils sont dans des situations sociales et politiques identiques, mais dans la seconde, c’est la guerre civile, et l’autre reste en paix miraculeusement.
 
On peut ensuite comparer l’Autriche des années 1940-19550, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la Hongrie, sa voisine. En 1937, en Autriche, le père Pavlicek revenait de captivité, et il lançait la croisade du rosaire. En janvier 1951, dans un petit journal, il racontait que cela faisait quatre ans qu’il sillonnait l’Autriche de village en village avec une Vierge de Fatima, une Vierge pélerine donc. Cela dura sept ans, et le 1er mai 1955 était signé l’accord 4+1, au nom duquel les pays qui occupaient l’Autriche décidaient de partir alors même qu’un mois plus tôt, Khrouchtchev avait déclaré qu’il ne quitterait jamais l’Autriche. Finalement, il signa cet accord et le dernier soldat quitta l’Autriche le 26 octobre 1955, sans un seul coup de feu. Un an plus tard, en octobre 1956, ce fut la révolte de Budapest en Hongrie, avec ses 300.000 déplacés et réfugiés, et des dizaines de milliers de morts, et le communisme qui allait rester jusqu’en 1989, dans toute sa dictature la plus terrible.
 
L’Autriche, elle, a fait une croisade du rosaire pendant sept ans, avec des processions, auxquelles participa d’ailleurs Figl, le chef du gouvernement. Le père Pavlicek était allé le trouver pour lui dire qu’il voulait faire une procession à Vienne avec la Sainte Vierge. Il lui demanda s’il viendrait. Et Figl de répondre : « Si nous ne sommes que deux, le premier, ce sera vous, et le deuxième, ce sera moi. » Il y eut d’énormes processions avec des dizaines de milliers de fidèles, toujours le 12 septembre.
 
On peut aussi regarder l’Allemagne : l’Allemagne de l’Ouest a fait des processions, se mettant sous la protection de Notre-Dame de Fatima dans les années 1950, en Allemagne de l’Est il n’y a rien eu. Celle-ci a connu cinquante années de dictature, celle-là est quand même restée libre. L’Autriche dans son ensemble a prié, et elle a été libérée du communisme, l’Allemagne dans son ensemble n’a pas prié, et il y a une partie qui n’a pas été libérée du communisme avant 44 ans.
 
Pour nous il y a une actualité de la demande de Fatima, à savoir la dévotion au Cœur immaculé de Marie, avec ce message très clair : le Vierge Marie veut que l’on développe cette dévotion. C’est un ordre. Pour nous-mêmes, en tant que laïcs, qui n’avons pas l’autorité des clercs, il s’agit de faire ce qu’on peut, de susciter cette dévotion chez ceux qui se regroupent pour dire le chapelet, et de faire en sorte que les prêtres le voient, peut-être même les évêques, et que nos prières, d’ailleurs, leur donnent le courage, l’idée et peut-être, pour certains, à nouveau un esprit de foi, afin que nous avancions dans cette direction pour obtenir la protection de la Sainte Vierge.
 
Il faut savoir qu’en 1940, sœur Lucie disait que c’était désormais la période du châtiment et que l’a consécration n’allait pas se faire tout de suite, et que les peuples allaient devoir souffrir pour toutes les injures qu’ils avaient faites. Je pense en effet qu’on est dans la période du châtiment : à mon avis, l’histoire du COVID, c’était l’apéritif. Il faut que nous soyons forts ; et nous espérons être protégés aussi au moins des conséquences du châtiment qu’on ne pourra pas totalement arrêter. Notre idée est vraiment de recréer et de promouvoir cette dévotion, parce qu’à la crise de la société s’est ajoutée la crise de l’Eglise. Et si on compare à 1917, beaucoup de choses se sont ajoutées : l’avortement, le divorce, l’euthanasie, toutes ces choses monstrueuses pour un catholique, toutes ces injures faites à Dieu, à la création, aux commandements… Le châtiment devrait être monstrueux lui aussi ; il risque de l’être. Nous-mêmes, en tant que catholiques, nous essayons de susciter cette dévotion, de faire ce retour des âmes. Nous prions pour la conversion des pêcheurs, car c’est le pêché qui est la source de toutes ces guerres et de toutes ces misères.
 
 

J’ai reçu des témoignages au sujet de gens qui arrivent un peu par hasard dans les groupes « La France prie », désespérés comme vous dites : ils redécouvrent ou même découvrent le chapelet, certains se convertissent. Etes-vous témoin de telles choses ?

 
Nous recevons énormément de témoignages. C’est pour ça qu’il a fallu cette brochure – que nous avons faite un peu tard – parce que beaucoup ont besoin d’un support pour apprendre à dire le chapelet. Nous touchons beaucoup de gens, partout, dans tous les pays.
 
Parfois, il n’y a qu’une seule famille à un endroit, et certains peuvent se trouver un peu seuls, mais intellectuellement parlant, il y a une différence infinie entre un endroit où on prie et un endroit où on ne prie pas. A partir du moment où une seule personne prie, le fait d’être 100, ce n’est jamais qu’une multiplication par 100. A un endroit où personne ne prie, vous pouvez multiplier par tout ce que vous voulez, il n’y aura toujours personne. C’est la même différence qu’entre être baptisé et non baptisé : c’est la vie de la grâce ou l’absence de vie de la grâce, c’est être enfant de l’Eglise ou ne pas être enfant de l’Eglise. Je pense qu’il faut encourager les personnes qui sont sur place, qui sont les plus importantes. Etes-vous tout seul ? Ne faiblissez pas. C’est sûr qu’il faudrait avoir des personnes à sa suite, et il faut y travailler. Mais c’est à chacun de le faire. Nous-mêmes, grâce aux cartes en ligne, nous essayons de mettre en place, d’encourager, de faire connaître pour que d’autres personnes viennent. Mais la présence d’une personne qui prie, par rapport à la présence de personne, est énorme. Et je suis très heureux de voir qu’il y a autant de personnes qui prient.
 
 

Combien y en a-t-il aujourd’hui dans le monde ?

 
Sur notre carte, il y a à peu près 5.000 groupes inscrits, dont une majorité en France (2.800). En France, les groupes sont plutôt petits par rapport à d’autres pays. En Allemagne ou en Autriche, les groupes atteignent très rapidement 20, 30 ou 50 personnes. En France, les groupes sont plus petits, notamment en raison de la législation relative aux regroupements : il faut faire attention à être dans les abords immédiats d’un lieu de culte, que ce soit une église ou un calvaire, où la jurisprudence reconnaît qu’on a le droit de venir prier. Sinon, il faut demander une autorisation, on ne peut pas aller n’importe où. On considère par ailleurs qu’à partir de 10 personnes, ou 10 foyers, il y a rassemblement. Pour ne pas avoir de difficultés, j’ai plutôt opté pour des groupes de petite taille. Ce qui est important, c’est de rester dans les abords immédiats d’un lieu de prière : la législation est claire, la jurisprudence aussi. On nous reproche parfois qu’il n’y ait pas de prêtre, mais n’importe qui peut faire une prière en public, une prière catholique autour d’un lieu de culte catholique, église ou calvaire.
 
 

Mais c’est aussi quelque chose qui s’est fait de tous temps en France.

 
En effet. Les calvaires n’étaient pas là pour décorer. Les gens allaient prier au calvaire. C’est de bonne tradition que de se découvrir devant un calvaire, de se signer devant un calvaire quand on passe en voiture. Jadis, les gens se déplaçaient à pieds et fleurissaient le calvaire, et s’y arrêtaient pour dire une petite prière : les calvaires étaient vivants. Maintenant, malheureusement, nos calvaires sont un peu morts ; nous les faisons revivre aussi, et c’est très beau. Et on les découvre. En France, on découvre de très beaux calvaires, de très belles croix, parfois très anciens. Dans les pays germaniques, comme en Pologne, on découvre de superbes statues baroques. On les avait oubliés, plus personne ne venait y prier. Nous les faisons revivre et je pense que c’est une bonne chose. Espérons que grâce à cela, le Ciel nous protégera !
 
 

Votre initiative s’est largement implantée en Europe ; s’est-elle étendue ailleurs, aux Etats-Unis par exemple ?

 
Il existe quelques groupes aux Etats-Unis, mais cela se développe moins vite qu’en France. Je pense que les Américains ont un peu plus peur de se mettre en public, alors pourtant que la religion est omniprésente chez eux. Une autre initiative a été développée en parallèle par un Irlandais, Owen : ce sont les chapelets des hommes. Le premier samedi du mois en général, ils se retrouvent à une heure de l’après-midi, sur une place publique, et se mettent à genoux, en rangs devant une statue qu’ils ont apportée, et ils prient le chapelet. Je suis en contact avec Owen depuis le début, et nous avons encouragé cette initiative en Pologne. C’est une autre dynamique, indépendante de la nôtre, mais on s’encourage les uns les autres. Owen aimerait bien que cela se développe dans le monde entier, et c’est une chose que j’encourage volontiers. En France, un tel rassemblement serait considéré comme une manifestation et il faudrait que quelqu’un la déclare et en prenne la responsabilité. Nous n’avons pas, à La France prie, une structure avec des référents locaux qui pourraient prendre cela en main, mais si certains veulent le faire, nous les encourageons à fond.
 
 

Pourriez-vous expliquer pourquoi vous insistez tant sur une prière publique, pas dans les églises ?

 
Si on y regarde de près, on remarque que les apparitions de la Sainte Vierge n’avaient généralement pas lieu dans les églises. Il y a des exceptions : la rue du Bac, l’île Bouchard. Mais si vous regardez Lourdes, La Salette, Pontmain, Fatima… c’était en dehors des églises.
 
Deuxième raison : j’ai lu il y a peu de temps une lettre de sœur Lucie, datée de 1940, adressée il me semble à son père spirituel à l’intention des évêques. Ce qu’on sait peu, c’est qu’elle a eu durant toute sa vie d’autres apparitions, ainsi que ce qu’elle appelle des communications intimes. On remarque son humilité, car elle dit : il me semble que j’ai entendu ceci au fond de moi-même. Elle écrit donc, en substance : il me semble que Jésus m’a dit qu’il voulait des processions et des pénitences publiques en réparation des péchés publics du carnaval. Il voulait qu’elles soient ordonnées par les autorités, par les évêques.
 
Je crois que cela nous renforce.
 
Pour moi, enfin, c’était au début une question philosophique : il y avait cette question de sortir de chez soi, de se retrouver. On recrée un noyau de société quand on se retrouve autour de Dieu, du chapelet. On rétablit les contacts. La société, ce ne sont pas les contacts qu’on a en privé dans son salon, ce sont les contacts qu’on a en public, avec tous les corps de métiers, des familles différentes… Cela se passe sur la place publique. Mon idée était la suivante : on est dans une crise de société, la société c’est ce qui se passe en public, on va aller prier dans l’espace public pour la protéger. Et en lisant la lettre de sœur Lucie, je me suis dit que je n’avais pas tort.
 
C’est sûr que certains sont choqués, d’aucuns disent qu’il y a le Saint Sacrement dans les églises, et qu’il vaut mieux aller prier devant le Saint Sacrement. C’est un argument valable, mais auquel je réponds que la Sainte Vierge n’est pas toujours apparue dans une église. Les deux possibilités sont valables. Dernièrement, à une personne qui me faisait cette objection, j’ai répondu qu’elle avait six jours pour aller prier devant le Saint Sacrement, et que le mercredi elle pouvait bien aller prier dehors. Elle m’a dit qu’elle n’allait qu’une seule fois par semaine devant le Saint Sacrement… Mais si c’est vraiment si important pour elle, pourquoi ne pas y aller donc six fois dans la semaine, et venir prier en public une fois par semai ? Je pense que nous avons trop mis, dans notre société laïcarde, la religion dans la sphère privée, et qu’il est temps de la remettre dans la sphère publique.
 
 

Vous diffusez désormais un livret et des drapeaux pour les prières publiques. Il faut donc nous dire comment vous aider, parce que vous avez des frais.

 
Nous avons fait un très beau drapeau avec une représentation de la Vierge « Salus Populi Romani », à partir d’une copie qui est à Vienne, avec le logo de La France prie et la phrase de Pontmain, « Mais priez, mes enfants, mon Fils se laisse toucher », aux couleurs de Pontmain. C’est un joli drapeau qui permet de s’identifier et d’avoir une petite unité. Nous avons fait un livret, différent pour chaque pays. Dans le livret français, se trouvent les textes de chants français, et le rappel de quelques apparitions mariales en France. Tous les livrets sont ainsi adaptés. Il s’agit de donner des éléments de soutien à ceux qui ne savent pas prier le chapelet, à ceux qui savent le prier mais pas le méditer, et de donner quelques prières courtes et des chants qui pourront être récités et chantés ensemble à la fin du chapelet. Et à la fin, ça vient un petit peu de moi, nous avons ajouté les antiennes à la Sainte Vierge, parce que c’est de la poésie, et la Sainte Vierge étant une femme, elle aime beaucoup la poésie. L’antienne est la dernière prière le soir à la fin des complies, où avec le Nunc dimmitis l’Eglise se met totalement sous la protection de la Sainte Vierge pour la nuit. En chantant ces antiennes à la fin du chapelet, on s’unit avec toute l’Eglise dans la fin de la prière. C’est important de chanter ces antiennes, de les réapprendre ! Nous connaissons tous le Salve Regina, les autres sont moins connues, nous les avons présentées avec les notes, et il y a de plus en plus de gens qui les chantent et qui en sont très contents.
 
Pour nous aider, il faut aller voir sur le site internet lafranceprie.org, sur lequel on peut nous aider par des dons, s’inscrire au chapelet, télécharger affiches et flyers et se proposer pour accueillir la Vierge pèlerine. Bientôt, il sera possible de commander le livret et les drapeaux. Les Vierges pélerines nous coûtent 2.000 euros par statue ; nous avons lancé ce projet sans avoir d’argent, simplement parce qu’il faut le faire – et les dons suivront. Nous avons reçu d’une personne que nous ne connaissons pas et que j’aimerais remercier, qui s’appelle Isabelle – il n’y avait pas d’autre précision sur le virement bancaire – un gros don qui nous a permis de pouvoir lancer ces nouvelles initiatives ; grâce à cette générosité, nous pouvons distribuer le livret gratuitement à ceux qui ne peuvent pas faire de dons. Le but n’est pas de faire de l’argent, mais de couvrir les frais et de pouvoir produire des supports pour aider ceux qui prient.
 
Propos recueillis par Jeanne Smits