Le cardinal Victor Manuel Fernandez assimile autorité et abus pour mieux prêcher la « synodalité »

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Il vient d’être nommé préfet du « Dicastère » pour la Doctrine de la foi, et à ce titre, il est supposément le gardien du dogme et de la tradition catholique et de sa juste interprétation, au service du devoir d’enseignement et de conservation de la foi du pape lui-même. Mais l’ancien archevêque de La Plata en Argentine, Victor Manuel dit « Tucho » Fernandez, aujourd’hui cardinal et personnalité de premier plan du synode sur la synodalité qui se déroule à Rome, a de bien curieuses conceptions. Ainsi en va-t-il de sa conception de l’autorité, que le prélat vient de détailler sur sa page Facebook. L’autorité est suspecte, l’autorité doit se faire adouber par le bas, voilà le message à peine voilé.

 

Le cardinal Fernandez désigne le grand coupable : l’autorité

Le message est de la plus haute importance alors que se joue précisément au synode une remise en cause de la structure même de l’Eglise en tant que communion hiérarchique, ayant à sa tête Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui délègue son autorité à son lieu-tenant le Pape.

Voici la traduction intégrale des propos du jeune cardinal :

 

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Abus, cléricalisme et synodalité

 

Nous, personnes en position d’autorité, avons tous une tendance à l’abus. Je fais référence aux abus de toutes sortes (abus sexuels, d’autorité, de manipulation des consciences, etc.). Pendant longtemps, on a considéré que l’autorité donnait accès à une sorte de possession qui permettait d’utiliser les gens à ses propres fins et de leur imposer ses propres désirs.

Cela s’est produit à tous les niveaux, bien plus que nous n’avons pu le penser : depuis les prêtres abusant de religieuses jusqu’aux hommes abusant de leurs domestiques. Mais il y avait aussi cette violence verbale trop prompte à juger sévèrement les autres sans la moindre crainte de les blesser et de détruire leur estime de soi : on les appelait « adultères », « sodomites », « enfants illégitimes », « dégénérés », « pécheurs », etc.

C’est pour cela qu’il a fallu une saine explosion de l’autorité, qui est aujourd’hui partout considérée comme suspecte. La critique de l’autorité, dont le respect et la confiance doivent aujourd’hui être gagnés par le travail, la probité et la cohérence, a fait chanceler et souffrir ceux d’entre nous qui occupent des postes importants. Mais elle conduit à une saine transformation de l’exercice de l’autorité, qui exige aujourd’hui deux caractéristiques fondamentales : l’humilité et le respect des personnes.

Ces deux caractéristiques constituent un cadre qui empêche les abus. Cela permet de comprendre pourquoi le pape François affirme que le cléricalisme est la principale cause des abus dans l’Eglise, bien davantage que la sexualisation de la société. Cela permet également de comprendre l’appel à une Eglise plus « synodale », où l’autorité n’est comprise que dans le contexte de la coresponsabilité et d’une variété de charismes.

Il est très sain de remettre en question toute mystification de l’autorité, ainsi que les prérogatives excessives accordées à certains leaders séduisants qui deviennent des leaders adulés. Rappelons-nous ce qui s’est passé au cours des dernières décennies avec les fondateurs de divers Instituts de vie consacrée, prétendus maîtres de l’orthodoxie. Mais tous, nous avons besoin d’un sérieux examen de conscience.

Il ne s’agit pas d’inverser les rôles – bien qu’aujourd’hui on puisse comprendre que cela se produise – mais de placer l’autorité dans un contexte qui empêche les abus de toute sorte et assure le respect religieux de la dignité des personnes. L’histoire de l’Eglise nous donne de nombreux exemples de l’absence de ce respect au milieu de l’ostentation d’une doctrine solide et d’une morale rigide.

Le pape François a adressé au monde son encyclique Fratelli tutti, qui rappelle la valeur infinie de chaque personne humaine au-delà de toutes les circonstances, qu’elle soit née ailleurs que dans mon pays, qu’il s’agisse de mon employé ou de mon élève, et peu importe qu’elle soit fragile et manipulable : je lui dois un immense respect, je me sens appelé à m’incliner devant sa dignité avec une sainte frayeur de la toucher, parce que cette dignité vient de l’amour infini du Père qui crée chaque être humain à son image et à sa ressemblance.

Tout ceci est un message que l’Esprit Saint nous transmet à travers les signes des temps et à travers François. Que le même Esprit touche nos cœurs pour que nous l’entendions et qu’il nous purifie par le feu de sa grâce.

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Voilà qui vient en écho à ce que le pape François lui-même déclarait le 17 octobre 2015, alors qu’il célébrait le 50e anniversaire du synode des évêques : « Jésus a constitué l’Eglise en mettant à son sommet le Collège apostolique, dans lequel l’Apôtre Pierre est le “rocher” (cf. Mt 16, 18), celui qui doit “confirmer” les frères dans la foi (cf. Lc 22, 32). Mais dans cette Eglise, comme dans une pyramide renversée, le sommet se trouve sous la base. »

Comme toujours, dans ce pontificat de la confusion, il y a du vrai : oui, l’autorité est donnée comme un service à rendre, et oui, le Christ a averti ses apôtres en leur donnant ce conseil de sainteté : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » Mais cela ne justifie pas l’image de la pyramide renversée ; le pasteur doit conduire et diriger les brebis, il en a la tâche, le pouvoir, le devoir, et l’autorité, comme Jésus-Christ l’affirme à Ponce Pilate en acceptant sans discuter sa propre et injuste condamnation à mort, est donnée par son Père qui est aux cieux.

 

Une société qui ne supporte plus l’autorité invitée à y assimiler la doctrine et la morale rigide

Y a-t-il des péchés propres à ceux qui manient le pouvoir ? Sans nul doute. Et les dénoncer n’est pas un mal. Mais bien plus que ces péchés qu’on pourrait vite qualifier de « structurels » – balayez la structure alors, et le péché disparaîtra – il y a le péché originel qui produit ses effets dans le cœur de chaque homme, et chaque mauvaise action profite des circonstances qui sont les siennes. Les abus de toutes sortes se retrouvent à tous les étages. Les faire couler de haut en bas, comme par système, finit par imposer une vision de lutte des classes. Oppresseurs, opprimés ; abuseurs, abusés ; nantis, démunis ; parents, enfants ; patrons, employés – tout cela est abusivement mélangé dans un melting-pot où, tels la mauvaise graisse, les gens de pouvoir sont à la surface et étouffent leurs subordonnés. L’autorité est partout, elle structure la société, la famille humaine, elle lui est accordée pour la faire grandir, et elle serait coupable de tout, surtout du pire ?

Un cardinal, un prince de l’Eglise, vient nous dire qu’il est bon que l’autorité ait explosé en vol, et qu’elle est aujourd’hui partout « suspecte », contrainte en quelque sorte d’obtenir à chaque niveau ses lettres de créance auprès de ceux sur qui il faut bien qu’elle s’exerce.

Travail, probité, cohérence : nul ne se plaindra si ceux qui exercent l’autorité en font preuve. (Leurs subordonnés sont d’ailleurs appelés aux mêmes vertus !) En faire une condition dont ceux qui la subissent ont la clef, c’est une autre histoire, et rappelle un cri entendu depuis le début de l’histoire : non serviam. Ce qui veut dire : Je ne servirai pas si le maître ne me convient pas. Et je regarderai avec une suspicion accrue celui qui fait montre d’une « doctrine solide » et d’ une « morale rigide »… Je le traiterai d’abuseur ; mais qu’on ne me dise pas adultère, sodomite ou pécheur, surtout si c’est vrai !

C’est bien une démocratisation idéologique qui est en marche : la même qui dénonce le patriarcat, le paternalisme, l’autorité parentale, et au bout du compte la hiérarchie des valeurs et des actes. Elle est si contraire à la nature de l’homme qu’il ne faut rien de moins qu’un totalitarisme pour l’imposer… C’est tout le paradoxe.

 

Jeanne Smits