La destruction d’Hatsor :
quand l’archéologie rejoint la Bible

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Qui a détruit la grande cité des Cananéens, « la tête de tous ces royaumes » (Josué 11 :10), la belle et fière Hatsor ? La Bible avait bien une réponse, mais trente années de fouilles ont été nécessaires pour que cette version semble enfin s’imposer historiquement. Le magazine « Pour la Science » a publié dans son numéro d’août 2016 un long article du Professeur Amnon Ben-Tor de l’Institut d’archéologie de l’université de Jérusalem, qui dirige les fouilles à Hatzor depuis plus de 27 ans : Hatsor a bel et bien été entièrement brûlée par le feu, et « cette destruction devrait être attribuée aux Israélites, jusqu’à preuve du contraire ».
 
La Bible dirait vrai ? ! Les sceptiques n’ont rien à proposer…
 

La conquête israélite du pays de Canaan selon la Bible

 
Après la mort de Moise et l’exode égyptien, Dieu, « main forte et bras étendu » disent les textes, livra aux siens le pays de son héritage. C’est la conquête de la Terre promise. Josué et son peuple traversent une seconde fois – à pieds secs – le Jourdain, s’emparent de Jéricho, en faisant écrouler ses murailles, puis de Aïe. La Palestine et ses nombreuses cités s’ouvre devant eux.
 
Dont la cité d’Hatzor, « un bastion des Cananéens dans les montagnes au nord du lac Merom » nous dit la Bible…
 
« Josué prit Hatsor, et frappa son roi avec l’épée : Hatsor était autrefois la principale ville de tous ces royaumes. On frappa du tranchant de l’épée et l’on dévoua par interdit tous ceux qui s’y trouvaient, il ne resta rien de ce qui respirait, et l’on mit le feu à Hatsor. Josué prit aussi toutes les villes de ces rois et tous leurs rois, et il les frappa du tranchant de l’épée, et il les dévoua par interdit, comme l’avait ordonné Moïse, serviteur de l’Éternel. Mais Israël ne brûla aucune des villes situées sur des collines, à l’exception seulement de Hatsor, qui fut brûlée par Josué. » (Josué 11)
 
« Ainsi Yahvé donna à Israël tout le pays qu’il avait juré de donner à leurs pères ; et ils en prirent possession et ils y habitèrent. »
 

Hatsor, « la tête de tous ces royaumes » (Josué 11:10)

 
Récit symbolique ? Image d’Épinal ? Longtemps les critiques ont refusé toute fiabilité à l’historiographie biblique, tout heureux de pouvoir contredire et désavouer le Livre saint. Mais force est de constater qu’il est, dans cet épisode, le seul recours possible…
 
Le site archéologique majeur d’Hatsor (ou Hazor), écrit le Professeur Amnon Ben-Tor dans son article, a été identifié en 1875, en Galilée, au nord du lac de Tibériade, dans la vallée où coule le Jourdain. Des décennies de fouilles ont pu identifier deux emplacements qui correspondent à deux chapitres de l’histoire de cette cité importante de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer : la Hazor cananéenne et la Hazor israélite.
 
Au XVIIe siècle avant notre ère, la Hazor cananéenne était en effet la plus grande cité du sud de Canaan, cette région qui correspond aujourd’hui à Israël, à la Cisjordanie, au Liban et au sud-ouest de la Syrie. Sa position stratégique, la fertilité de ses sols, ses échanges commerciaux en faisaient une mégapole de poids que l’archéologue compare volontiers, toutes proportions gardées, à Paris ou à Londres. De grands complexes architecturaux ont été mis à jour (dont un palais de 1.000 mètres carrés…), des documents écrits sur tablettes d’argile attestent du niveau politique et administratif, des poteries et des bijoux de la richesse du commerce et de l’artisanat…
 
Puis brusquement, un incendie dévastateur laisse le site abandonné pendant près de deux siècles. Jusqu’à ce qu’une nouvelle Hatsor, celle de l’âge du Fer, celle des Israélites, reprenne vie sur ces ruines, utilisant la seule ville haute (la ville basse est laissée à l’abandon).
 

Destruction par le feu, vers 1250 avant notre ère… mais par qui ?!

 
Les traces de ce feu gigantesque sont visibles sur le site. Des briques des murs de la grande salle du palais de cérémonie sont fondues – la température aurait été particulièrement élevée en raison d’un grand nombre de jarres remplies d’huile qui étaient stockées à proximité – indice montrant que les incendiaires n’ont pas cherché à s’en emparer mais avaient l’intention de les détruire. Des pavés dégagés de la voie menant à la ville basse sont noircis et une couche de cendres subsiste distinctement entre les pierres des murs encore debout.
 
La question qui persistait : qui a pu détruire la grande Hatsor de l’âge de Bronze ? Amnon Ben-Tor rapporte que l’événement a pu déjà être daté en raison d’« un fragment d’une table d’offrandes en pierre portant quelques hiéroglyphes égyptiens, trouvé parmi les débris de l’incendie » : c’était la 40e année du règne de Ramsès II, « l’incendie a donc eu lieu entre 1270 et 1230 avant notre ère », limite antérieure mais non postérieure.
 

Des idoles défigurées

 
Il élimine les auteurs potentiels comme les Hittites ou les Babyloniens, les Égyptiens ou les peuples de la mer, trop lointains. Une cité rivale ? Aucune n’avait la puissance d’Hatsor. Et une révolte populaire est tout autant à exclure.
 
Ne reste que la possibilité d’une intervention des Israélites, dont la présence est attestée dans la région…. Et surtout, « c’est le seul groupe dont l’implication est relatée dans un récit explicite [celui de la Bible]. Cette destruction devrait donc leur être attribuée, jusqu’à preuve du contraire ».
 
La Bible au secours de l’archéologie ! Une fois n’est pas coutume… Notons qu’il prend néanmoins de lourdes pincettes : « Il ne faut pas considérer l’historiographie biblique, en particulier les récits contenus dans les livres de Josué, Juges, Samuel et Rois, comme des récits impartiaux et exacts des événements relatés. Après tout, ils ont été délibérément écrits avec une orientation théologique et, dans une certaine mesure, politique. Néanmoins, ces récits bibliques contiennent souvent des éléments de vérité historique, et celui sur la chute de Hatsor en fait probablement partie. »
 
Un indice supplémentaire met sur la voie : les statues et les idoles ont été défigurées et décapitées. Qui d’autre, pour opérer de la sorte, que les Israélites, à qui Yahvé avait demandé de détruire les idoles ?…
 

Le Livre de Josué confirmé – mais pas seulement

 
Pendant près de deux siècles, le site où se dressait autrefois la Hatsor de l’âge du Bronze est resté en ruines, jusqu’à ce qu’il soit repeuplé au milieu du XIe siècle, par les Israélites. La Bible évoque à nouveau Hatsor dans le Livre des Juges pour parler de son roi qui était le grand ennemi de Deborah.
 
C’est elle encore qui nous apprend que la ville fut définitivement ravagée – c’est historiquement vérifié – par le roi assyrien Teglath-Phalasar III, en 732 avant notre ère (Rois II 15 : 29) : « Du temps de Pékach, roi d’Israël, Tiglath Piléser, roi d’Assyrie, vint et prit Ijjon, Abel Beth Maaca, Janoach, Kédesch, Hatsor, Galaad et la Galilée, tout le pays de Nephthali, et il emmena captifs les habitants en Assyrie. »
 
De nombreux liens peuvent aussi être établis, dit l’archéologue, entre les vestiges découverts à Hatsor et l’Ancien Testament, comme la porte à triple tenaille que l’on retrouve aussi dans les anciennes cités de Meguiddo et de Guézer : le premier Livre des Rois évoque le roi Salomon levant des hommes « pour bâtir la maison de l’Éternel et sa propre maison, Millo, et le mur de Jérusalem, Hatsor, Meguiddo et Guézer » (15:9)…
 
D’aucuns ont tâché de les dater d’époques différentes, mais le lien biblique est tenace – et pour cause !
 

Clémentine Jallais