Les Etats-Unis ont-ils proposé de renoncer à leurs taxes sur l’acier et l’aluminium européen contre l’abandon par l’Allemagne du projet Nord Stream 2 ?

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Selon le Wall Street Journal, les Etats-Unis laissaient entendre en avril et en mai qu’ils pourraient renoncer à leurs taxes sur l’acier et l’aluminium européen si l’Allemagne renonçait de son côté au projet de gazoduc Nord Stream 2. C’est ce qu’aurait suggéré en avril le président américain Donald Trump au chancelier allemand Angela Merkel. En échange de l’abandon du projet de doublement de la capacité du gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique, les Etats-Unis étaient prêts à entamer des négociations sur un nouvel accord commercial. Selon un responsable américain présent à la réunion d’avril entre Merkel et Trump, cité par le WSJ, un accord aurait été possible par exemple pour protéger l’industrie automobile allemande si les Allemands s’étaient montrés plus conciliants sur la question du gazoduc Nord Stream 2. Devant l’intransigeance allemande sur ce dossier, les taxes sur les produits européens sont entrées en vigueur le 1er juin comme prévu.
 

La proposition américaine concernant les taxes sur l’acier s’inscrit dans le cadre de fortes pressions exercées sur l’Allemagne ces derniers mois

 
Le WSJ cite aussi sans le nommer un « responsable européen » selon qui « la stratégie de Trump semble être de nous obliger à acheter son gaz plus cher, mais tant que le GNL n’est pas compétitif, l’Europe n’acceptera pas de céder à cette sorte de racket et à payer des prix exorbitants ». Ce qu’il ne précise pas, c’est que les prix plus compétitifs du gaz russe étaient jusqu’ici valables uniquement pour l’Allemagne et les pays de l’ouest du continent européen, la compagnie Gazprom utilisant son quasi-monopole dans les pays de l’ex-Europe de l’Est pour y imposer des conditions de vente beaucoup moins favorables.
 
Et ce sont ces pays qui, aujourd’hui, s’opposent au projet Nord Stream 2 car il permettra selon eux à la Russie d’exercer un chantage au gaz en menaçant de couper ou réduire les livraisons à certains pays uniquement. Pour le moment, Gazprom ne peut pas couper durablement les livraisons à des pays comme l’Ukraine ou la Pologne sans réduire ses livraisons à ses clients plus à l’ouest, la capacité du gazoduc Nord Stream actuel ne suffisant pas à compenser celle des deux autres gazoducs d’est en ouest (l’un traversant la Biélorussie et la Pologne, l’autre passant plus au sud par l’Ukraine avec des embranchements traversant ensuite la Slovaquie et la Hongrie).
 

Les Etats-Unis avec les pays du flanc oriental de l’OTAN contre le projet de gazoduc Nord Stream 2

 
L’administration de Donald Trump estime donc que le projet Nord Stream 2 constitue une menace pour les alliés des États-Unis sur le flanc oriental de l’OTAN. Le président américain a critiqué Berlin plusieurs fois au cours des derniers mois pour son manque de solidarité, faisant un parallèle entre l’argent investi pour importer plus de gaz russe au détriment de la sécurité énergétique des pays du flanc oriental et les dépenses militaires nettement en dessous des engagements pris par l’Allemagne vis-à-vis de l’OTAN. Au mois de mai, Donald Trump brandissait à nouveau la menace de sanctions contre les entreprises impliquées dans le projet Nord Stream 2 et promettait de soutenir l’Initiative des Trois mers lancée par les pays d’Europe centrale et orientale dans un but de diversification des sources de gaz.
 

Olivier Bault