Référendum sur l’avortement en Irlande : les deux tiers des Irlandais ont choisi la culture de mort

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Les Irlandais ont voté à 66,4 % pour le retrait de l’amendement numéro 8 de leur constitution qui affirme le droit égal à la vie de la mère et de l’enfant à naître. Les deux tiers des Irlandais, lors d’un référendum qui a mobilisé 64,51 % des votants – un record – ont choisi la culture de mort, qui révèle ici toute la tragique profondeur de sa réalité. La mort donnée, la mort choisie a en effet fait son entrée massive dans la pensée populaire irlandaise, dans la « culture » très exactement. Seul un comté, celui du Donegal, a voté « non » avec une faible avance, soit 51,9 %. Tout le reste du pays a dit « oui » à la mise en place d’une libéralisation de l’avortement – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, avec des pics dans les zones urbaines et chez les plus jeunes qui sont à près de 90 % favorables à l’avortement à la demande. Mais comment ont-ils été formés ?
 

La culture de mort est devenue majoritaire

 
Plus qu’un pays, c’est un bastion chrétien qui tombe. Tombé de sa propre déliquescence. Jusqu’à une époque récente, la foi catholique des Irlandais leur assurait le maintien d’un certain respect de la loi naturelle. Mais cela précisément faisait également de ce pays une cible privilégiée du discours pro-mort. On se souviendra des manœuvres des organisations internationales, depuis l’ONU jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, pressant l’Irlande dans le sens d’une libéralisation de l’avortement. C’est le ticket d’entrée dans le concert des nations qui respectent la nouvelle morale maçonnique des droits de l’homme qui, détachés des droits de Dieu, lui sont d’ailleurs souvent ouvertement contraires. Même Amnesty International, vieille « courroie de transmission », a confirmé cet aspect des choses en militant pour le « droit » à ce qu’ils appellent pudiquement l’interruption de grossesse.
 
Que s’est-il donc passé pour que tel résultat, véritable tsunami de la mort, soit sorti des urnes irlandaises vendredi ? Des années d’endoctrinement, évidemment. Un engagement univoque de la grande presse irlandaise, orientée – comme tous les gros médias dans la plupart des pays du monde – à gauche. Le matraquage ne date pas d’hier. Mais l’événement qui a permis la bascule après plusieurs référendums qui n’étaient pas favorables à la légalisation de l’avortement en Irlande est la tragique affaire de Savita Halappanavar, cette dentiste d’origine indienne qui est morte à la suite d’une septicémie mal soignée lors d’un début de fausse couche, et dont les médias ont prétendu qu’elle aurait pu être sauvée par l’avortement. Affaire exploitée dans un sens univoque. Il est probable qu’on n’en saura jamais le dernier mot, à commencer par le fait de savoir si un avortement avait effectivement demandé par la jeune femme.
 

Par référendum, l’Irlande refuse de considérer la vie à naître comme une vie à protéger

 
Il faudrait sans doute ajouter aussi le ton de la campagne. Les Irlandais pro-vie ont assez largement choisi de « positiver », notamment avec leur slogan « Love both » (Aimez-les tous les deux), avec force posters montrant des embryons ou des fœtus bien au chaud dans le sein maternel. Ce qui est très bien. Mais a ce jour, ce qui avait permis à l’Irlande de résister, c’était notamment l’explication graphique, souvent avec images à l’appui, de ce qu’est réellement un avortement. Même une intervention à huit semaines ne laisse aucun doute quant à la réalité de ce qui se passe, lorsqu’on la voit. Dans notre (contre) civilisation de l’image, il n’y a peut-être plus d’autre moyen d’interpeller les consciences.
 
Mais c’est surtout l’état de l’Eglise catholique en Irlande qui est en cause. Elle qui seule en tant que grande institution de niveau mondial est connue pour s’opposer systématiquement à l’avortement. Elle n’a pas été absente du débat, mais elle n’a pas été très présente pour autant, elle a préféré laisser faire les laïcs « parce qu’ils font ça très bien » comme l’a dit le P. Patrick Claffey de Dublin ; on est même allé chercher des étudiants athées pour porter le message. Et ce malgré l’expérience du référendum pour le « mariage » des couples de même sexe qui a été gagné en 2015 par les tenants des droits LGBT en Irlande face à la trop molle opposition du clergé et de l’épiscopat.
 

L’Irlande laissée entre les griffes de la culture de mort par les défaillances de l’Eglise

 
Ce profil bas a été dicté par deux considérations. La première est la mauvaise réputation acquise à tort ou à raison par une Eglise entachée par des scandales impliquant hélas des prêtres homosexuels abusant d’adolescents, ou ayant (plus ou moins) mal traité les filles-mères et les orphelins comme l’ont répété des articles à sensation dans la presse. La deuxième est la volonté de ne pas laisser assimiler les prises de positions pour le respect de la vie avec la foi catholique – un discours qu’on entend bien souvent et pas seulement en Irlande. Mais cela revient en dernière analyse à éliminer les fondements métaphysiques, philosophiques, religieux du discours, et à se priver du vrai fondement moral de la question qui tient en quelques mots : « Tu ne tueras point. »
 
On est donc arrivé au point inverse : « Tu tueras. » Certes, ce n’est pas une obligation systématique, et il aura même – très maigre consolation – des aménagements pour les objecteurs de conscience, mais c’est un principe qui s’impose néanmoins, et avec l’assentiment du peuple. Terrifiant.
 

Après ce référendum, Leo Varadkar a déjà annoncé l’adoption d’une loi d’avortement pour l’Irlande

 
Le Premier ministre Leo Varadkar – homosexuel revendiqué, « marié » avec son compagnon médecin depuis 2015 – s’est engagé à fond et sans risque, puisque l’ensemble des grands partis irlandais étaient favorables à la révocation de l’amendement numéro huit, en faveur du « oui ». Celui-ci a peine acquis, il a promis la mise en place d’une nouvelle loi sur l’avortement d’ici à la fin de l’année : est prévue la légalisation de l’avortement médicamenteux pendant les 12 premières semaines de la grossesse, et l’autorisation de l’avortement chirurgical par la suite et jusqu’à 24 semaines dans des « circonstances exceptionnelles » comme la malformation fœtale où le danger pour la santé de la mère.
 
Le ministre de la santé, Simon Harris, entend demander l’aval du gouvernement dès mardi pour préparer un projet de loi. N’y a-t-il donc rien de plus urgent que de tuer des bébés irlandais ?
 
Oui, pour les tenants de la modernité. Ceux pour qui la majorité détermine le bien et le vrai. C’est l’aboutissement logique du nominalisme qui veut donner à la parole de l’homme une sorte de force créatrice, et du positivisme juridique qui ne veut pas reconnaître d’autre source à la loi que l’homme lui-même. Cela se termine toujours dans le sang. Et je ne pense pas seulement à celui des bébés sacrifiés.
 

Jeanne Smits