Carbone : le Grand Londres se ferme aux voitures jugées trop polluantes

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Depuis le mardi 29 août, c’est chose faite. Limitée initialement au grand centre de la capitale, la zone à ultra-faibles émissions (Ulez) a été étendue au Grand Londres et englobe désormais les trente-trois arrondissements de la capitale britannique, soit 9 millions d’habitants. Tout ça dans le but affiché d’améliorer la qualité de l’air. Carbone toujours ! Les Anglais font plus fort que les Français contre les voitures jugées polluantes, et les débat politiques n’ont pas manqué pendant l’été.

Mais ça réagit fort dans les rues, devant cette nouvelle charge imposée aux classes moyennes. La presse anglo-saxonne a parlé d’« une vague de désobéissance civile à la française » – on ne sait pas trop comment il faut le prendre.

 

A Londres, une nouvelle taxe contre les plus pauvres

Le maire, Sadiq Khan, a donc décidé d’étendre l’Ulez (Ultra Low Emission Zone) à tout le Grand Londres pour des raisons sanitaires et environnementales. Sont concernées les voitures diesel de plus de huit ans et les voitures essence de plus de dix-huit ans, ce qui correspond aux critères européens Euro 4 pour les voitures et camionnettes essence, Euro 6 pour les voitures et camionnettes diesel.

Par comparaison, ces critères sont encore plus drastiques que ceux que la mairie de la capitale compte imposer à la ZFE (zone à faibles émissions) de la Métropole du Grand Paris, début 2025, lorsque les véhicules de Crit’Air 3 y seront interdits de circulation. La catégorie française Crit’Air 3 correspondant aux critères européens Euro 2 et 3 pour les voitures et camionnettes essence, Euro 4 pour les voitures et camionnettes diesel.

Avec l’extension de cette zone Ulez au Grand Londres, ils seront donc désormais près de 700.000 Britanniques à devoir changer de voiture. Ceux qui voudront continuer à utiliser leur voiture qualifiée de polluante, devront payer 14,55 euros, via une plate-forme, pour pouvoir pénétrer dans la zone. Et pour ceux qui resquilleront, les amendes iront de 90 à 180 euros.

 

Un débat scientifique ouvert et transparent sur le carbone et ses comparses ?

Les réactions sont à la hauteur. Les Londoniens ont manifesté à Whitehall face à ce qu’ils appellent cette « grosse escroquerie fiscale ». Et les caméras de reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation ont été largement vandalisées (288 délits signalés entre avril et août).

Les pouvoirs publics leur ont bien dit que cette zone à très faibles émissions allait permettre d’améliorer la qualité de l’air, que c’étaient les plus pauvres qui souffraient le plus des problèmes de pollution atmosphérique… Mais déjà, cette perspective l’emporte-telle pour des classes qui peinent à boucler leurs fins de mois dans cette crise économique, et retardent ou annulent des traitements médicaux bien plus urgents ?

Et puis ce bénéfice est-il si certain ? « L’arnaque Ulez » comme d’aucuns la nomment, outre-manche… Selon un rapport de la mairie de Londres réalisé par l’Imperial College de Londres, les niveaux de dioxyde d’azote, un gaz très nocif pour l’homme, auraient baissé de 21 % dans le grand Londres et de 46 % dans le centre, soumis à l’Ulez depuis 2020. En ce qui concerne les émissions de CO2, les chiffres sont quasi nuls : 3 % de réduction depuis la mise en place de cette zone.

Sauf que percent très nettement les soupçons de conflits d’intérêts. Plus de 900.000 euros de financement ont été versés à l’Imperial College par la mairie et des courriels consultés par The Telegraph ont révélé que la maire adjointe avait demandé aux auteurs de l’étude de « reformuler » leur conclusion qui ne trouvait « aucune preuve » de bienfaits pour la santé des poumons des enfants… La réponse du professeur est savoureuse : « Il est difficile de modifier la phrase à laquelle vous faites référence car c’est ce que nous avons cherché mais que nous n’avons pas trouvé. »

De là à y voir une conspiration à l’échelle industrielle, il n’y a qu’un pas. L’étude a été publiée sans modification, dès le lendemain, dans la revue respectée The Lancet Public Health.

 

Sus aux voitures polluantes : le coup de trop de Sadiq Khan ?

C’est le conservateur Boris Johnson qui avait annoncé, en 2015, le projet de création d’Ulez. Dès 2019, son successeur, le travailliste Sadiq Khan, en avait commencé la livraison et maintient, depuis, son cap. Les enjeux politiques ne sont pas négligeables, d’autant plus en cette période pré-électorale, avant les législatives de l’année prochaine.

Des deux côtés, les reproches sont là.

Du côté conservateur, le Premier ministre Rishi Sunak s’est prononcé contre cette mesure, parlant d’une « taxe supplémentaire inutile » et évoquant un maire « déconnecté des préoccupations des travailleurs acharnés ».

Mais dans le propre camp du maire, également, cette politique crée des dissensions, jusqu’au leader travailliste, inquiet des conséquences politiques. Keir Starmer se voit déjà Premier ministre l’année prochaine et ne veut pas donner à ses adversaires le bâton pour se faire battre. Ils ont déjà, dans cette affaire, perdu un scrutin local au sein d’une circonscription concernée par l’extension de la taxe, alors que leur candidat était donné favori.

Et si Sadiq Khan pouvait être évincé en raison de sa persécution des automobilistes ? Et si Londres se révoltait politiquement contre l’arnaque Ulez ? C’est la question que se pose, à juste titre, un journaliste du Telegraph. Il y a un moment où la réalité impose ses limites à la propagande. Les conservateurs misent, à présent, sur Susan Hall, une véritable militante engagée dans la suppression de l’extension d’Ulez et porte-drapeau des banlieues modernes. L’élection du maire de Londres est dans neuf mois – le temps de gestation d’un programme abouti et défendable.

Il faut la guerre contre la « révolution permanente du zéro net ».

 

Clémentine Jallais