La Réserve fédérale américaine a une action politique hors de tout contrôle démocratique, comme d’autres banques centrales indépendantes – des électeurs -, dont la BCE

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Le problème des banques centrales indépendantes du pouvoir politique, c’est qu’elles échappent à tout contrôle démocratique alors qu’elles ont de grands pouvoirs, y compris celui d’influencer les élections et de faire tomber les gouvernements. Ce que Donald Trump constate aujourd’hui à l’approche des élections législatives de mi-mandat, quand la Réserve fédérale augmente comme par hasard ses taux, vaut aussi pour la BCE dont le président Jean-Claude Trichet est accusé d’avoir activement collaboré à pousser le gouvernement de Berlusconi vers la sortie en 2011 et également pour d’autres banques centrales indépendantes et donc non soumises à un contrôle démocratique.
 
En ce qui concerne la Fed, Donald Trump est, comme dans d’autres domaines, le président qui brise les tabous, car ses prédécesseurs préféraient généralement se taire face aux décisions de la toute puissante banque centrale. Le 20 juillet, Trump s’est plaint en ces termes sur la chaîne CNBC de la hausse des intérêts décidée par la Réserve fédérale : « Je n’aime pas, avec tout le travail que nous faisons pour l’économie, voir ensuite les taux augmenter, je n’en suis pas content ». Le président américain ne va pas toutefois jusqu’à accuser directement la Fed de vouloir faire pencher les élections de mi-mandat en sa défaveur. Il ne faut d’ailleurs pas qu’il s’étonne puisqu’il a remplacé à la tête de la Fed les mondialistes du Council on Foreign Relations (CFR) par d’autres mondialistes du CFR.
 

La Réserve fédérale et ses ingérences dans les élections, hors de tout contrôle démocratique

 
Sur le site du New American, John F. McManus, président émérite de l’association libérale-conservatrice John Birch Society, fait remarquer à Donald Trump que l’action politique de la Fed n’est pas une nouveauté. Il cite notamment un rapport de 1988 dans lequel l’auteur assurait que la banque centrale ferait preuve de neutralité dans la campagne électorale opposant George Bush à Michael Dukakis et qu’elle ne plongerait pas l’économie dans la récession comme le président de la Fed « Paul Volcker l’a fait en 1980 pour saboter les chances de réélection de Jimmy Carter », et qu’elle n’ouvrira pas non plus le robinet à liquidités « comme Arthur Burns l’a fait en 1972 pour aider Richard Nixon à remporter un deuxième mandat ».
 
La puissance de la Fed, fait remarquer John McManus, réside en grande partie dans le secret qu’elle est autorisée à entretenir autour de son fonctionnement et de la manière dont ses décisions sont prises, ce qui fait que la plupart des Américains ignorent l’étendue de ses pouvoirs et l’existence de ses ingérences politiques. En 1968, le membre du Congrès Wright Patman évoquait dans une lettre à ses électeurs l’existence de deux gouvernements parallèles au niveau fédéral : le gouvernement légitime et la Fed. Aujourd’hui, sans doute faudrait-il ajouter à ces deux gouvernements un troisième : celui des juges qu’une interprétation de plus en plus libre et politique de la constitution et des lois a transformé en une sorte de pouvoir législatif concurrent de celui élu par le peuple.
 

Jean-Claude Trichet, alors président de la BCE, accusé d’avoir participé à un coup d’État contre le gouvernement de Berlusconi en 2011

 
Mais pour en revenir au pouvoir politique et non-démocratique de la banque centrale, la Réserve fédérale n’est pas un cas isolé. Dans un livre publié en décembre dernier à propos de la crise de la dette italienne qui a poussé Silvio Berlusconi vers la sortie en 2011, le journaliste Roberto Napoletano, ancien directeur du site d’information Sole24Ore, évoquait ainsi le rôle joué par le Français Jean-Claude Trichet, alors président de la BCE, dans le complot international ourdi par Paris, Berlin et Bruxelles afin de mettre l’eurocrate Mario Monti à la tête de l’Italie.
 

Un enregistrement compromettant du président de la Banque nationale de Pologne montre l’étendue des pouvoirs des banques centrales et l’impunité de leurs dirigeants

 
Pendant l’été 2014, une affaire d’enregistrements audio réalisés à l’insu des intéressés dans des restaurants polonais fréquentés par les membres du gouvernement de l’actuel président du Conseil européen Donald Tusk avait éclaté. L’un de ces enregistrements concernait une conversation tenue un an plus tôt entre le ministre de l’Intérieur Bartłomiej Sienkiewicz et le président de la Banque nationale de Pologne (NBP) Marek Belka. Le ministre de l’Intérieur, qui semblait dans la conversation s’exprimer au nom du premier ministre Donald Tusk, demandait au président de la banque centrale de venir au secours d’un budget à la dérive en faisant tourner la planche à billets au moment opportun avant les prochaines élections, afin d’éviter une victoire du parti conservateur Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński, au prétexte qu’une telle victoire serait une catastrophe pour l’économie du pays puisqu’elle ferait fuir les investisseurs (une catastrophe qui n’a pourtant pas eu lieu en 2005-2007 quand le PiS gouvernait dans un contexte de très forte croissance économique et qui n’a pas non plus eu lieu depuis le retour du PiS au pouvoir en 2015, bien au contraire). Pas de problème, lui a rétorqué Belka, si ce n’est la gêne que pourrait causer ce « putain de Conseil de la politique monétaire » (sic.) mais dont l’ex-communiste Belka déclare faire son affaire, à condition toutefois d’avoir le premier ministre lui-même pour interlocuteur et non pas le ministre des Finances Jacek Rostowski. Une autre condition posée par le président de la NBP, était d’ailleurs que Donald Tusk change de ministre des Finances pour un autre que Belka ne souhaitait pas encore désigner au moment de la conversation. Rostowski fut congédié par Donald Tusk deux mois après la discussion. La troisième condition, c’était que le parlement polonais vote une loi pour accroître les pouvoirs du président de la NBP aux dépens du Conseil de la politique monétaire. Le projet de loi concerné était justement en discussion au parlement au moment de la divulgation de l’enregistrement compromettant. Les amis de Tusk ont perdu les élections en 2015, en grande partie à cause de cette affaire d’enregistrements compromettants dévoilés au public, mais Marek Belka est malgré tout resté à son poste de président de la banque centrale polonaise jusqu’à l’expiration de son mandat en 2016, alors qu’on tenait là la preuve qu’il avait agi en violation de la loi et de la constitution de son pays.
 
C’est dire jusqu’où vont les pouvoirs d’une banque centrale indépendante et l’impunité de ses dirigeants. On notera qu’à l’époque, les institutions européennes n’avaient pas moufté, alors qu’elles avaient fait pression sur la Hongrie quand celle-ci avait tenté de rétablir un certain contrôle démocratique sur sa banque centrale.
 

Olivier Bault