“Lettres au Père Jacob”

Lettres Père Jacob
 
Leila, une Finlandaise condamnée à la prison à perpétuité pour meurtre, est en prison depuis douze ans. Suite à une demande anonyme, sa grâce lui est un beau jour donnée. A la condition expresse de se rendre chez un vieux pasteur luthérien, aveugle, pour lui servir d’aide : lire et répondre au nombreux courrier qu’il reçoit, les fameuses lettres au Père Jacob.
 
Aveugle, le Père Jacob n’exerce plus de ministère réel. Le seul office qu’il prétend réellement célébrer, dans sa vieille église en bois construite au bord d’un lac, n’est en réalité qu’un simulacre, puisque personne n’est là pour y assister. Un vide qui est, même si ce ne peut être l’intention réelle du cinéaste, une image de la différence qui existe entre un culte protestant et une messe catholique : la présence réelle.
 

Lettres et message

 
Il serait pourtant inexact de réduire la dimension du Père Jacob à celle d’un simple laïc qui simulerait, en quelque sorte, une activité liturgique. Car son apostolat, purement scripturaire il est vrai, est réel. Des âmes dans la peine lui écrivent, et il leur répond, exauçant ainsi plus ou moins le besoin de transcendance que ses correspondants manifestent. Lettres au Père Jacob est, de ce point de vue, un film éminemment, fondamentalement, spirituel.
 
Du fait de sa cécité, il lui faut cependant des yeux pour lire, une main pour écrire. Et c’est là le moteur du film. Et, le fil conducteur qui conduit à la résolution de l’intrigue nouée par la présence de cette condamnée pour meurtre, manifestement hostile, chez cet homme de bien.
 
Mais cette présence donne une seconde dimension à l’histoire. Car, si elle est celle de la rédemption des âmes inquiètes qui se confient au vieil homme de Dieu, Leila est clairement opposée, à son arrivée, à la sienne propre.
 
Cette faiblesse humaine qui est l’objet de l’apostolat du Père Jacob finit par surgir dans sa propre vie. L’arrivée de Leila, son scepticisme brutal, la violence qui paraît l’habiter tout entière, coïncident avec une raréfaction de son courrier, situation qui a tôt fait de plonger le vieil homme dans un abîme de perplexité, et même de doute sur sa foi. Sa vie n’aurait-elle plus de sens ? Ou ne l’aurait-il pas compris ?
 

Le Père Jacob face à lui-même

 
Tel est bien la question que Klaus Härö, le cinéaste finlandais, souhaite poser. « Nous pensons volontiers, affirme-t-il, que ce sont nos actes, notre métier, qui font notre valeur, mais vient un moment dans la vie où nous ne pouvons plus être la même personne, aussi active, aussi productive. Il nous faut alors admettre notre fragilité et comprendre que chaque être a une valeur intrinsèque. Cette valeur vient de celui qui nous a créés, de Dieu. Et si nous ne sommes pas croyants, il nous appartient de la construire. »
 
Et c’est là qu’intervient Leila. Emue par la faiblesse d’un homme qu’elle croyait enfermé dans ses certitudes, touchée par son humanité, l’ancienne détenue laisse, finalement, parler son cœur… au point d’être elle-même, en définitive, touchée par la grâce, qui est sans doute la seule réponse possible à nos faiblesses.
 
Les dialogues sont rares, le film sévère, presque dur : un choix particulièrement évocateur de l’intensité du trouble comme de la paix qui traversent, tour à tour, les personnages des Lettres au Père Jacob
 

François le Luc