Poisson reste dans la primaire à droite : il demande pardon pour avoir parlé des « lobbies sionistes » et annule son meeting avec Ménard

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Jean-Frédéric Poisson, au centre, est l’un des sept candidats à la primaire à droite.

 
Lors du premier débat de la primaire à droite, Jean-Frédéric Poisson a séduit par des convictions d’apparence nette et indépendante : il rentre dans le rang en demandant pardon pour avoir parlé des « lobbies sionistes » et en annulant un meeting prévu avec Robert Ménard. Analyse des limites du personnage et de son rôle dans le système.
 
Sur la question, « quel candidat vous a le plus convaincu », un scrutin ouvert après le premier débat aux lecteurs du Figaro (à peu près le cœur de cible de la primaire à droite), a donné les résultats suivants : sur 108.000 votants, Juppé et Sarko à 25 %, Fillon à 18 %, et l’inconnu Jean Frédéric Poisson 17 %, NKM atteignant royalement 5 % et Le Maire 8 %. Cela signifie que l’électorat de la primaire à droite s’oriente nettement vers la droite de la droite, mieux, étant donné les appels du pied de Fillon à Sens commun, qu’il penche vers la droite catholique. Ce qui explique le succès de Poisson, et sa volonté de profiter d’un vent porteur.
 

Le discours résolument de droite de Poisson

 
C’est ainsi qu’on doit analyser sa participation aux journées de Béziers à l’invitation de Robert Ménard ce printemps, son attrait marqué pour la « droite hors les murs », qu’elle se manifeste par Oz ta droite hier ou par l’initiative Voscouleurs aujourd’hui. C’est pour la même raison qu’il a déclaré se sentir « plus proche de Marion Le Pen que de Nathalie Kosciusko-Morizet » et qu’il préconise de supprimer le « cordon sanitaire » qui sépare la « droite » de l’« extrême droite ». Pour cela aussi qu’il a laissé planer un doute sur son soutien à Alain Juppé au cas où celui-ci affronterait Marine Le Pen au deuxième tour de la présidentielle. En ajoutant : « Plus je vois évoluer Alain Juppé, plus je me dis que le projet de société multiculturelle qui a mis la France par terre est décidément à côté de la plaque. »
 
Des propos qui séduisent, comme son programme pour 2017, ou figurent plein de bonnes choses, la protection de la vie, du mariage et de la famille, le retour de l’Etat à ses fonctions régaliennes, la suppression des lois mémorielles, une réforme en profondeur de l’Education nationale, le retour au droit du sang, la fin du regroupement familial, la reprise en main de la BCE, la fin de Schengen et des négociations avec la Turquie pour son entrée dans l’UE, le rétablissement d’une vraie défense nationale, etc…
 

Dans le désert du débat de la primaire, Poisson fait un tabac

 
Dans le désert intellectuel, politique et moral de la primaire à droite, Poisson a donc plu : reste à savoir si on peut lui faire confiance, les promesses n’engageant ordinairement que ceux qui les écoutent. Or l’homme, qui se présente comme un battant tout d’une pièce, mari heureux, chef d’entreprise comblé, politique fonceur, qui se fait volontiers photographier en tenue de rugby ou avec un tablier en train de cuisiner, cet homme qui mise sur une image de père tranquille carré et vrai, apparaît dans ses actes beaucoup plus ambigu, fluctuant, contradictoire.
 
En même temps qu’il se prononce contre le cordon sanitaire qui sépare le Front national de la droite classique, il affirme que « l’union des droites avec le FN n’est pas possible » pour des questions « de principe » qu’il ne précise pas. Jean-Frédéric Poisson aime pêcher en eau trouble. C’est qu’il est courageux mais pas téméraire comme vient de le montrer le tohu-bohu autour de sa déclaration sur les « lobbies sionistes ».
 

Forcé à demander pardon pour et par les lobbies sionistes

 
Invité à donner son opinion sur l’élection présidentielle américaine, Jean-Frédéric Poisson a en effet déploré qu’Hillary Clinton soit liée aux « financiers de Wall Street » et soumise aux « lobbies sionistes ». C’est une évidence que tout le monde connaît aux Etats-Unis et qui ne choque personne là-bas. Chez nous, cela a ému le CRIF, le conseil représentatif (?) des institutions juives de France, qui a jugé les propos de Poisson « nauséabonds », comme de bien entendu. Et NKM, qui a aussitôt écrit à son amie Anne Levade, présidente de la haute autorité chargée d’organiser la primaire à droite pour lui demander d’exclure Poisson. De son côté Thierry Solère, président de la commission d’organisation de la primaire chez les Républicains (l’usine à gaz de la primaire, très compliquée, doit caser les copains des candidats et assurer un dosage précis des diverses tendances), a convoqué le contrevenant devant une sorte de tribunal : l’examen du cas a eu lieu ce matin, et Jean-Frédéric Poisson pourra continuer à concourir, non sans avoir demandé pardon.
 

La primaire, frein supplémentaire à la démocratie

 
Cette apparence de tempête dans un verre d’eau parisien a en réalité des conséquences très graves, de deux sortes. Les unes tiennent à la primaire elle-même. A tort ou à raison, le général De Gaulle avait voulu faire de la présidentielle une élection où le peuple choisit directement un candidat, sans passer par l’appareil des partis. Son intention : en finir avec « le régime désastreux des partis ». Les primaires sont donc contraires à l’esprit et à la lettre de la constitution. Ce n’est pas seulement une façon de singer le modèle américain, c’est aussi un pas dans le processus qui étouffe peu à peu la démocratie élective en lui substituant un système où des instances non élues gouvernent en fait.
 
Tout aussi graves sont les conséquences sur ce qui subsiste de liberté d’expression. Jean-Frédéric Poisson a parlé de « lobbies sionistes », non de lobbies juifs. Les hurlements du CRIF nous éclairent sur la véritable « représentativité » de cet organisme. C’est une évidence de dire que tous les juifs ne sont pas sionistes, les orthodoxes considérant que le sionisme est une grave hérésie, des politiciens laïques se substituant au messie. C’en est une autre de rappeler que beaucoup de sionistes ne sont pas juifs. L’expression « lobbies sionistes » décrit une réalité politique, en aucun cas une opinion religieuse, un fait racial. Que le système force Poisson à demander pardon pour l’avoir utilisée montre, un, le rétrécissement de l’espace de libre parole, deux, la toute puissance du CRIF, trois, la soumission de celui-ci aux lobbies sionistes.
 

Meeting avec Ménard annulé : la commission de la primaire se réjouit

 
Dans la foulée, voilà établie la soumission de Jean-Frédéric Poisson au système. Lui qui, en mai dernier à Béziers, tambourinait sur son thorax de rugbyman, « Seules mes convictions et ma conscience me guident, je n’ai de comptes à rendre qu’aux Français », s’est excusé platement auprès du CRIF. Plus, Tartarin a donné tous les apaisements nécessaires à la commission de la primaire. Thierry Solère estimait la semaine dernière que l’expression « lobbies sionistes » n’a pas le même sens qu’aux Etats-Unis et qu’elle « nourrit les thèses conspirationnistes et a un caractère insidieusement antisémite », il estime désormais que« l’incident est clos ».
 
D’autant que Poisson ne s’en est pas tenu à demander pardon. Selon Solère, il a « profité de sa venue pour clarifier deux ou trois choses, et notamment qu’il ne participerait pas à un meeting avec M. Ménard, ce qui a réjoui l’ensemble des participants ». Fini la droite hors les murs, avec Poisson c’est la droite en bocal bien clos : la commission du politiquement correct peut imposer à un candidat à la primaire de voir et ne pas voir qui elle veut.
 

Quand Poisson fait du fishing à droite

 
Tout cela ne surprend pas vraiment. Poisson, qui assure s’être converti au catholicisme en classe de philo, ne s’en est pas moins dit des années plus tard « épicurien », ce qui n’est pas très chrétien. Au cabinet de Christine Boutin, auprès de laquelle il a commencé en politique en qualité d’assistant parlementaire, il était chargé de la modérer – ce qui n’était pas trop difficile, la dame n’étant pas portée sur les convictions très tranchées. Celles de Poisson paraissent toutes neuves. En tout cas, il n’était alors nullement formé à la pensée contre révolutionnaire que le système discrédite sous l’étiquette générique d’extrême droite. Son obsession de mai 68, soixante ans après, indique que les racines historiques de sa pensée politique ne remontent pas bien loin. Et rien n’établit, jusqu’à nouvel ordre, que les convictions qu’il affiche soient autre chose qu’une vitrine publicitaire. Les amateurs de mauvais calembours diraient que Poisson fait du fishing dans les eaux de la droite déçue par ces dernières décennies. Il nous referait ainsi en 2017 le coup de Sarkozy en 2007.
 

Pauline Mille