Après la Syrie, la Pologne en crise subit la désinformation médiatique occidentale

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Que se passe-t-il en Pologne avec la crise ? C’est presque aussi difficile à savoir qu’en Syrie. La galaxie médiatique occidentale soumet ce pays récalcitrant au feu roulant de la désinformation. Pourtant ce n’est pas un ami de la Russie. La réponse est idéologique.
 
Rappelons des faits que personne ne conteste. A l’automne 2015, le parti Droit et progrès (PiS, droite, dite tantôt populiste, tantôt conservatrice) présidé par Jaroslaw Kaczynski, obtient la majorité absolue des sièges à l’assemblée nationale (Diète) et parvient au pouvoir. Mme Beata Szydlo, nommée premier ministre (président du conseil des ministres) engage une politique de réformes radicales sous le slogan « le bon changement ». Cette politique est décidée par des votes parlementaires réguliers qui ne sont pas remis en cause jusqu’à présent (sauf le dernier, l’adoption du budget 2017, que l’opposition juge illégal et qu’elle attaquera en justice). Elle bénéficie d’un soutien populaire manifeste. Le PiS demeure aujourd’hui largement en tête des sondages avec 35 % d’opinions favorables, soit plus que les deux partis principaux d’opposition ensemble, ce qui n’a pas d’équivalent en Europe, en particulier en France.
 

La France en tête de la désinformation sur la crise polonaise

 
Pourtant la Pologne est entrée depuis trois jours dans une crise politique grave. Les députés de l’opposition occupent et bloquent le Parlement, ils y ont même séquestré un moment, avec l’aide de leurs partisans amassés en foule devant le bâtiment, les députés de la majorité : Jaroslaw Kaczynski et Beata Szydlo ont dû attendre la nuit de samedi à dimanche pour être exfiltré protégés par la police des menaces de la foule, ce que Radio France Internationale traduit en son langage par « le cortège des voitures (…) avait forcé le passage au milieu des manifestants (…) », donnant ainsi l’impression que l’abus venait non pas des menées de l’opposition mais du pouvoir. La désinformation occidentale est générale et s’exprime dans le moindre détail des phrases utilisées pour décrire la situation.
 

La presse occidentale loue le coup d’Etat en Pologne

 
A en croire la crème médiatique française, le Monde, RFI, France Info, l’AFP, les foules se soulèveraient en Pologne dans un grand « mouvement de défense de la démocratie », du nom d’une organisation contestataire née sur Internet voilà un an, aux cris de « Honte », « Stop à la dévastation de la Pologne », « Médias libres », « Liberté, égalité, démocratie », ou traitant Kaczynski de « dictateur ». On interroge une Polonaise lambda dans la foule pour lui faire dire : « Je ne veux pas voir la Pologne mise sens dessus-dessous », comme si le PiS mettait le pays à feu et à sang. Une autre se plaint que « le gouvernement n’écoute pas la société » ni les « experts qui se prononcent tous » contre ses réformes. Notre système médiatique rapporte tout cela comme du bon pain, sans prendre garde que l’occupation du Parlement est une amorce de coup d’Etat et même un coup d’Etat tout court. Ses auteurs, puisqu’ils sont des hommes politiques de haut niveau, seraient en principe passibles de la Haute Cour. D’autre part, quand la Manif pour tous a mis plus d’un million de personnes dans les rues, il montrait moins de bienveillance, alors que, pour le coup, on aurait pu soutenir que le pouvoir socialiste « passait en force » et n’écoutait pas la société.
 

Pourquoi le régime est mis au pilori comme en Syrie

 
Les reproches faits au PiS et au gouvernement de Beata Szydlo sont vagues et hétéroclites. On l’attaque pêle-mêle parce qu’elle entend exhumer les corps des victimes d’un accident (?) d’avion en Russie ou périt notamment le frère de Jaroslaw Kaczynski, pour d’obscurs dossiers écologiques, et pour des « atteintes aux libertés » ainsi détaillées par l’AFP : c’est un ensemble « réformant l’éducation nationale et préparant la mise au pas définitive du Tribunal constitutionnel, s’emparant des médias publics ou restreignant le droit aux manifestations ». Voilà développé le thème médiatique de l’agression contre la démocratie.
 

Malgré l’agitation médiatique, le dossier d’accusation est vide

 
Mais quelle est la réforme de l’éducation nationale si scandaleuse qu’elle justifie un coup d’Etat ? Malgré la répétition de papiers qui se ressemblent et reprennent inlassablement les mêmes éléments d’information et de langage, notre presse ne le dit pas. De même pour le droit aux manifestations. Quant à la « mainmise » sur les médias, elle a été, elle, précisée : l’accès des journalistes au Parlement a été limité et il leur est désormais interdit de prendre des photos ou des vidéos, comme c’est le cas en France dans les enceintes de justice. Le PiS invoque la nécessité de garantir aux députés « un cadre de travail confortable ». On peut trouver le prétexte spécieux, des journalistes férus de liberté intégrale en seront légitimement mécontents mais il faut raison garder : par rapport aux dispositifs, légaux ou non, qui entravent la liberté de la presse en France, c’est tout bonnement epsilon.
 

Bruxelles et la Nomenklatura occidentale contre le populisme

 
La vérité est que la Nomenklatura occidentale, qui avait mis après la chute du communisme des élites « libérales » à la tête de la Pologne, est très mécontente de l’évolution du pays. Depuis l’automne 2015 l’Europe de Bruxelles a condamné à plusieurs reprises la gouvernement du parti Justice et Progrès. Elle a soutenu les manifestations bruyantes de ce printemps en tête desquelles l’ancien président Kwasniewski faisait le v de la victoire. Cette fois encore, Donald Tusk, le « président européen », est allé s’ingérer dans les affaires intérieures d’un Etat indépendant en appelant à Wroclaw le gouvernement à respecter « la population, les principes et les valeurs constitutionnelles », alors que c’est à l’évidence l’opposition qui se met hors la loi. Il a ajouté cette phrase qu’il faudrait graver dans le marbre : « Quand on prive les gens d’accès à l’information ou qu’on impose un modèle unique de la vie (sic), la démocratie devient aussi insupportable qu’une dictature ». Elle vise les conservateurs au pouvoir, mais, comme les oracles antiques, elle est ambivalente et peut aisément se retourner contre la démocratie que Bruxelles entend imposer à la Pologne et aux autres peuples d’Europe.
 

La place paradoxale de la Pologne dans l’imaginaire européen

 
Si l’on regarde la Pologne avec le recul de l’histoire, on s’aperçoit qu’elle tient une place complexe et contradictoire dans la tête des Européens, des Français en particulier. A l’origine de l’histoire moderne, la Pologne était un pays puissant, portant à l’Est le drapeau du catholicisme et de l’alphabet latin. Elle était conquérante, puisque tout l’ouest de l’actuelle Ukraine fut alors polonais, et défendit la forteresse occidentale, puisque c’est un roi de Pologne, Sobiewski, qui arrêta les Turcs à Vienne en 1683. Puis vint la décadence du dix-huitième siècle, et sous les coups conjugués de la Prusse, de l’Autriche et de la Russie, malgré la sympathie de Versailles, le pays fut démembré, la plus grosse partie demeurant une province de l’empire des tsars au dix-neuvième siècle. Et cela malgré 1848 : Dieu était trop haut et la France trop loin pour que l’ordre (russe) ne régnât point à Varsovie.
 

Quand la France ressuscitait la Pologne

 
Après la première guerre mondiale, pour limiter tant le Reich que les Soviets, les Alliés ressuscitèrent la Pologne en taillant à l’Est et à l’Ouest sur la Russie et l’Allemagne. Vis-à-vis de celle-ci, la chose était discutable, puisque la Poméranie et la Silésie étaient mélangées et que Dantzig était incontestablement une ville allemande. Mais c’est de l’autre côté que vint la contestation active puisque Trotsky envahit la Pologne avec l’Armée rouge : il ne fut mis au pas qu’avec l’aide de la France et du général Weygand. Par la suite des gouvernements nationalistes de gauche jouèrent un jeu dangereux (la Pologne participa notamment au partage de la Tchécoslovaquie avec l’Allemagne en 1938 après Munich), et ce fut la catastrophe de 1939, le nouveau partage du pays, entre Hitler et Staline. Depuis la purification ethnique de 1945 qui a vidé l’est de l’Europe de ses communautés allemandes, la Pologne n’a plus de contentieux avec l’Allemagne à propos de ses annexions, mais la Russie a conservé ses provinces de l’Est, ce qui, conjugué au joug communiste qui a pesé pendant plus de quarante ans, suscite chez le Polonais moyen un violent sentiment antirusse.
 

La Pologne cocufie la France et devient le chouchou de Bruxelles

 
Lors que le rideau de fer est tombé, la Pologne a donc été reçue comme un enfant chéri par une mouvance occidentale comprenant l’Europe de Bruxelles et les Etats-Unis d’Amérique. On la fit entrer dans l’OTAN, dans l’UE. A ce moment la Pologne et les autres pays d’Europe de l’Est, poussés par leur double défiance envers le communisme et la Russie, et gardant en mémoire l’impuissance de l’Europe occidentale à les préserver du double danger qu’avait si longtemps fait peser sur eux leur voisin de l’Est, se jetèrent quasiment dans les bras de Washington, ce qui mécontenta la France. En 2003, comme Bruxelles leur déroulait le tapis rouge, Jacques Chirac, alors président de la République, les jugea « pas très bien élevés et un peu inconscients du danger que comportait un trop rapide alignement sur la position des Etats-Unis ». Ce sentiment s’accrut à mesure que la Pologne tombait dans l’orbite économique de l’Allemagne tout en achetant son matériel militaire, avions et hélicoptères, aux Etats-Unis. Mais le cocufiage de la France réjouissait plutôt les Anglo-Saxons et l’Europe de Bruxelles, d’autant qu’avec Geremek puis Kwasniewski, les élites polonaises étaient en voie de « libéraliser » le pays, entendez-le de l’écarter de sa tradition nationale et catholique pour le mener sur la voie du mondialisme. La Pologne devint donc un temps le chouchou de la révolution occidentale.
 

Le sursaut contre la révolution occidentale provoque la crise

 
Mais le temps a passé depuis et un sursaut populaire est venu, qui a débouché à l’automne 2015 sur l’arrivée au pouvoir du PiS et sur la politique du « Bon changement », qu’une grande majorité du peuple soutient. La Pologne marche désormais sur les pas de la Hongrie puisque le gouvernement a refusé le quota de « réfugiés » que prétendait lui imposer Bruxelles. Et elle va plus loin. Ce que lui reprochent vraiment les élites polonaises blackboulées et la nomenklatura médiatique, ce sont les réformes sociétales qui reviennent sur la révolution occidentale. Par exemple le projet d’interdiction de l’avortement sauf en cas de danger pour la mère. Ou la politique nataliste qui vient d’instituer une prime de 120 euros à partir du deuxième enfant (une « mesure coûteuse » pour les « libéraux »). Ce qui est reproché à la Pologne, c’est de prétendre s’abstenir du suicide européen en cours. Contrairement au Portugal et à l’Irlande qui, pour le plat de lentilles d’aides financières qui ne leur ont pas porté bonheur et sous l’influence de la maçonnerie, ont jeté aux orties leurs convictions catholiques, la Pologne résiste, mieux, avec Justice et Progrès, elle est en train de reconquérir.
 

L’enjeu que masque la désinformation médiatique, c’est notre survie

 
C’est pourquoi le gouvernement a droit au feu roulant de la désinformation, des condamnations et des manifestations. Avant que soient lancées dans la rue des foules manipulées, il y a eu un travail en amont, de l’Europe, mais aussi de l’éducation nationale polonaise, des médias on vient de le voir, et du « Tribunal constitutionnel ». Celui-ci, comme le Conseil constitutionnel français, exerce une censure idéologique sur les projets régulièrement votés, en s’appuyant sur les mêmes moyens pseudo-juridiques, animé de la même idéologie maçonne et antinationale qu’en France. Ce qui est en jeu en Pologne, c’est le succès ou l’insuccès d’une restauration nationale jouissant d’un soutien populaire, mais en proie au coup d’Etat permanent d’un système complexe qui se voit privé du pouvoir réel que lui donnait la combinaison de la puissance médiatique, de l’éducation nationale, de l’institution judiciaire et des milieux d’affaire, le tout soutenu par les institutions internationales. Cela préfigure la partie qui va se jouer en Amérique avec Trump et qui pourrait se jouer en France le jour où un mouvement authentiquement populiste prendrait le pouvoir. Observons-donc notre avenir en Pologne.
 

Pauline Mille