L’affaire de la colonisation-crime contre l’humanité en Algérie : Macron entre Feydeau et le principe de Peter

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Qu’est-ce qui a pris à Emmanuel Macron de dire en Algérie que la colonisation est un crime contre l’humanité ? Malgré ses excuses il s’enferre dans cette affaire comme un personnage de Feydeau. Il est rattrapé par le principe de Peter : son incompétence apparaît.
 
J’adore Feydeau. On y voit des garçons charmants, ou de vieux bourgeois en goguette, qui se trouvent pris à la fin de la pièce dans leur contradiction : ils veulent à la fois faire la vie, rire, boire, séduire, et le lendemain matin jouir de l’égoïste tranquillité que leur assure leur statut social. Feydeau, sa didascalie le révèle, est un horloger, un maniaque du détail, les engrenages d’une implacable tragédie embrayent l’un sur l’autre sans aucun jeu pour qu’à la fin le coupable se trouve pris sans échappatoire possible, et cela déclenche un rire irrépressible, incompressible. C’est ce qui menace Emmanuel Macron à brève échéance, c’est en train d’arriver.
 

Pour séduire l’Algérie Macron dénigre la colonisation

 
Au départ de l’affaire, il y a un Macron soupçonné de ne pas être trop de gauche et voulant se donner de la publicité à l’Etranger. Croyant faire d’une pierre deux coups il déclare en Algérie : « La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie. Ca fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant nos excuses à l’égard de celles et de ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ».
 
Première remarque, ce qui se conçoit mal s’exprime en eau de boudin. On présente ses excuses à quelqu’un. « A l’égard de celles et de ceux envers lesquels » : mais comment qu’on leur apprend à causer à la banque Rothschild et à l’Elysée ? Puis, il faut choisir : « ces gestes », ça ne fait pas très sérieux pour un « crime contre l’humanité ». Détail que tout cela ? Non. Les mots qu’il choisit révèlent la pensée d’un homme comme ses fréquentations sa morale.
 

Robespierre, Louis XVI et le crime contre l’humanité

 
Avec ça, Macron fait le buzz. Fillon, le Pen, Hamon même, le « recadrent ». Ca bouge aussi au sud. A la télévision, une dame exige des excuses pour le « peuple pied noir ». Elle a tort. Il n’existe pas plus de peuple pied noir qu’il n’existait de nation algérienne en 1954. C’est au peuple français que Macron doit ses excuses, et plus encore à la vérité et à la décence.
 
Peut-on qualifier la colonisation de crime contre l’humanité ? Les décodeurs du Monde se sont penchés sur la question avec la gravité comique qui est leur marque de fabrique. Le mot vient de loin. C’est Louis XVI qui fut déclaré premier « criminel contre l’humanité », et c’est Robespierre qui lui décerna le label. Un gage de sérieux et d’impartialité. Depuis, le crime contre l’humanité a été défini par le tribunal de Nuremberg, réservé aux actes commis par l’Axe contre les juifs et les Tsiganes, et a été transposé tel quel en droit français en 1964. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’il a été étendu à d’autres faits, par exemple la « traite des Noirs » en 2001.
 

L’affaire, c’est que ça colle pas avec la définition du crime contre l’humanité

 
La définition actuelle du crime contre l’humanité, en droit français, est donnée par l’article 212-1 du code pénal, ce qui a donné l’occasion à Macron d’attaquer Fillon : « Il a fait voter en 2010 au Parlement français la définition du crime contre l’humanité en calant cette définition sur celle de la Cour pénale internationale. Le crime contre l’humanité, dans son acception historique, avait une forte dimension génocidaire. La redéfinition de son concept est parfaitement conforme à ce que représente la colonisation ».
 
Voilà qui est très docte et très péremptoire, mais, je convie le lecteur à le vérifier par lui-même n’ayant pas la place de le faire, c’est faux. Les décodeurs eux-mêmes se trouvent obligés d’en convenir implicitement : la colonisation française, en Algérie en particulier, ne correspond pas à la définition du crime contre l’humanité, même revue et corrigée en 2010.
 

Le crime contre l’humanité en Algérie : oui, qui ?

 
Causeur, Français de Souche et d’autres sites, font opportunément remarquer qu’à s’en tenir à cette définition, ce sont plutôt les pirates barbaresques qui tenaient le port d’Alger jusqu’en 1818, et contre lesquels les Etats-Unis et la Grande Bretagne avaient envoyé des expéditions, qui se livraient à un crime contre l’humanité : l’esclavage, qui avait alors son grand marché à Alger.
 
La critique de Benoît Hamon doit aussi être entendue. Il ne veut pas qualifier la colonisation de crime contre l’humanité parce que cela voudrait « dire que l’on envisage qu’une cour pénale internationale puisse juger des Français pour crime contre l’humanité d’une part, et d’autre part que nous hissons cette blessure-là au niveau de la Shoah, du génocide rwandais, du génocide arménien ».
 

Macron, personnage de Feydeau : à demain la gueule de bois !

 
Ces arguments sont recevables mais signalent que, pour Hamon pas plus que pour Macron, la question principale n’est celle de la vérité : c’est celle de l’utilité politique. Par sa déclaration inconsidérée, Macron visait à racoler le vote des banlieues, Hamon vise d’autres minorités. C’est le drame de cette campagne électorale, celui en général de la politique française, et celui, en particulier d’Emmanuel Macron.
 
Macron est une créature conçue pour l’élection. C’est le personnage de Feydeau, il lui faut plaire et séduire aujourd’hui sans que cela ne l’engage demain : dans la gueule de bois générale, il devra en effet jouir de ses aises, de sa liberté totale vis-à-vis de l’électeur, puisqu’il lui faudra avoir les coudées franches pour appliquer dans le moindre détail la politique de ses commanditaires. C’est pour cela qu’il a tant tardé à dévoiler son programme : non qu’il n’en ait pas, mais parce qu’il ne peut pas le dire sans que les contradictions n’éclatent et que les dupes voient tomber en poussière leur miroir aux alouettes.
 

Sa grande affaire : attraper toutes les voix

 
D’où le merveilleux discours attrape-tout qui, avec les sondages et la faveur des médias, avec l’affaire Fillon aussi, lui tient lieu de campagne. C’est ainsi qu’il fait plaisir à la droite, à la gauche, au centre, depuis des mois. Il veut supprimer les trente-cinq heures, il parle de Jeanne d’Arc, de Louis XVI, etc : le drame est qu’avec son passé de dandy banquier chez Rothschild et l’onction douteuse de Hollande, ça commence à coincer dur à gauche. Pas de problème s’est-il dit, un coup de godille et c’est bon, d’où sa sortie sur la colonisation en Algérie. Un grand écart ne coûte rien au contorsionniste, au pays des hologrammes comme dans celui des bisounours tout est possible, le principe de non-contradiction ne s’applique pas.
 

Selon le principe de Peter, il atteint son niveau d’incompétence

 
L’ennui est qu’il finit toujours par s’appliquer dans le monde réel. A force de charger la barque Macron coule. C’est que ce petit jeune homme à sa maman, habile à séduire Hollande, à conclure une vente avantageuse pour une banque d’affaire, à plaire à quelques médias acquis à ses commanditaires, vient d’atteindre la limite de ses capacités.
 
On connaît le principe de Peter, qui postule que « dans une hiérarchie tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence ». Laurence Peter et Raymond Hull l’ont vulgarisé en 1970 sur le mode plaisant, mais les sociologues en confirment la réalité. Le brillant chouchou du système vient de vérifier ce principe de Peter et d’atteindre son niveau d’incompétence.
 
Pour prétendre diriger la France, il faut en avoir une petite idée. En connaître, au moins un peu, l’histoire. Macron, il y a quelques jours, niait la culture française en disant : « Il n’y a pas de culture française, il y a une culture en France, elle est diverse ». Derrière ces mots qui prétendent abusivement à l’évidence se cache un mensonge, un déni de l’histoire de la France. Un refus de la France. Macron est incompétent à diriger la France parce qu’il la nie. C’est l’aboutissement inévitable de ses contradictions et c’en est la révélation : comme dans les pièces de Feydeau, j’attends que cela finisse par un éclat de rire général.
 

Pauline Mille