La Chine communiste gardera sa mainmise sur l’Eglise catholique

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Le cardinal Joseph Zen, figure du catholicisme souterrain en Chine.

 
C’est un peu la conclusion non officielle des trois jours de négociation qui ont eu lieu à Rome, fin juin, entre la Chine et le Vatican. Le « responsable religion » du Parti communiste chinois, Yu Zhengsheng, a profité d’un discours devant une centaine d’évêques, de prêtres et de religieuses pour clarifier, réitérer la position ferme de Pékin : « Le leadership de l’Église catholique chinoise doit être fermement maintenu entre les mains de ceux-ci qui aiment la nation et la religion ». Autrement dit, entre les mains de ceux qui ont tendu leurs poignets au régime communiste.
 
Pékin ne lâchera rien sur le fond. Face à « l’Église affaiblie », selon le mot récent du cardinal chinois Joseph Zen, il y a tout lieu de craindre la mainmise de Pékin sur l’Eglise en Chine.
 

Orientation systématisée : la sinisation de l’Eglise qui est en Chine

 
Yu Zhengsheng est l’un des sept membres du Comité central permanent du Politburo et, le 19 juillet dernier, lors du 60e anniversaire de l’Association patriotique catholique chinoise (régie et contrôlée par le Parti) son discours a été très transparent. S’il a évoqué les discussions en cours entre Pékin et le Saint-Siège, en particulier sur la normalisation de la nomination des évêques, il a surtout insisté sur la direction qui doit prévaloir sur tout le reste : « la sinisation de la religion ».
 
Il faut que tous les dirigeants religieux, catholiques, en l’occurrence, « mettent en œuvre, avec conscience de soi, l’orientation fondamentale des œuvres religieuses » (ucanews.com).
 
Alors que l’Association patriotique catholique chinoise, créée en 1957, n’est absolument pas reconnue par le Vatican, et est même considérée comme « incompatible » avec la doctrine de l’Église, il l’a qualifiée de « pont » entre l’Église et le gouvernement. Et un autre représentant a salué sa capacité d’adaptation à une société socialiste…
 
Un message au Vatican, parmi d’autres.
 

Un dialogue ralenti ?

 
Dans la progression des « accords » entre Rome et Pékin, formellement, tous les indicateurs semblent au rouge. Si on glosait sur leur imminence, l’été dernier, les signaux actuels quant à la bonne volonté pékinoise ne sont absolument pas favorables, alors même qu’une délégation chinoise est encore venue en discuter au Vatican, à la fin du mois de juin.
 
Quelques jours auparavant, l’ambassadeur d’Allemagne en poste à Pékin, avait appelé les autorités chinoises à libérer l’évêque catholique de Wenzhou, Mgr Peter Shao Zhumin, « soustrait » à ses fidèles le 18 mai dernier. Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Mgr Greg Burke, a évoqué lui aussi « une grave préoccupation » à son sujet, ainsi que sur « d’autres épisodes similaires qui malheureusement ne facilitent pas les chemins de compréhension ».
 
Comme on a pu le voir lors du séminaire religieux, organisé par le gouvernement du 20 au 23 juin, Pékin ne change en rien sa politique. Seul prévaut le slogan : « Aimer la patrie, aimer l’Eglise », l’une après l’autre, l’une en fonction de l’autre. Mieux, le 27 juin, au retour des envoyés à Rome, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a asséné : « La Chine s’oppose à l’ingérence de quelque nation étrangère que ce soit dans ses affaires intérieures ».
 
Et l’Église qui est en Chine est une affaire nationale.
 

« L’Église catholique et la société chinoise ne vont plus s’affronter »

 
Pourtant, fondamentalement, on reste en marche. Les négociations sont l’aspect visible de la recherche d’un consensus… qui doit aboutir. L’éditorial signé par le jésuite chinois Joseph You Guo Jiang dans la revue La Civiltà Cattolica (du père Antonio Spadaro), au début de ce même mois de juin, est parfaitement révélateur de l’état d’esprit romain : « Tant que le Parti communiste chinois restera le seul parti gouvernemental, le marxisme continuera d’être la référence idéologique de la société. Par conséquent, l’Église catholique chinoise est appelée à redéfinir son rôle et ses relations avec le Parti communiste et son idéologie… Le catholicisme pourra y trouver un endroit stable s’il continue à être l’expression d’une Église ouverte et d’une Église aux caractéristiques et à l’identité chinoises ».
 
Les « caractéristiques », elles sont communistes, marxistes – le revêtement culturel n’est qu’un habillage pragmatique. L’Église doit bien s’accorder à la veine rouge de l’idéologie chinoise.
 
Le sinologue Francesco Sisci notait assez justement que si Ratzinger, avec sa Lettre aux catholiques chinois en 2007, avait ouvert la porte à la coopération avec le gouvernement, ce manifeste de Joseph You Guo Jiang approuvé par le Vatican, ouvre la porte à la collaboration avec le Parti. Il est question d’« adopter de nouvelles stratégies pour toucher le plus grand nombre de personnes », de « solutions flexibles et efficaces »…
 
La géopolitique en religion est un terrain miné.
 

Une mainmise communiste à laquelle Rome préfère céder ?

 
Le cardinal Joseph Zen, figure du catholicisme souterrain en Chine, a d’ailleurs une nouvelle fois dénoncé « une mauvaise stratégie » dans un entretien accordé au journal polonais Polonia Christiana. Pour l’ancien archevêque de Hong Kong, la situation actuelle est « pire » que dans les années 1950-1960. Le pape aurait le dernier mot ? « Tout est faux », « tout est réglé à l’avance ». Les dirigeants chinois ne peuvent plus détruire l’Église, ils l’affaibliront de l’intérieur, pour la corrompre.
 
Modernité criante de ce communisme nouvelle version qui a su s’adapter au capitalisme effréné à l’occidental et cherche à contrôler les religions en place en les adaptant… Mao détruisait, ses successeurs pratiquent « l’inclusion » forcée, en sauvegardant les apparences.
 
Rome, aussi, veut « inclure », reprendre sous son aile ce grand pays où une nouvelle église catholique se crée chaque jour – d’où l’importance de l’enjeu pour les deux parties… Cette « harmonisation sociale » voulue par François a toutes les chances de s’opérer dans le « gris » flouté de ce pragmatisme récemment dénoncé par l’évêque chinois Savio Hon Tai-Fai, au cruel détriment de l’Église clandestine, chinoise, qui a déjà payé très cher sa fidélité à Rome.
 
Et au bénéfice d’un communisme triomphant.
 

Clémentine Jallais