DRAME HISTORIQUE
Lou Andreas-Salomé •


 
Lou Andreas-Salomé est par excellence le film pour germanistes, qui auront l’occasion trop rare en France d’entendre de l’allemand, et un bon allemand, parfois littéraire, au cinéma. Le spectateur parisien peut donc par exemple rencontrer, au milieu d’une assistance âgée et clairsemée, une présentatrice de la chaîne franco-allemande Arte. Qui est cette Lou Andreas-Salomé, inconnue, il faut bien l’avouer, du public français ? Elle a été une célèbre féministe en Allemagne dans les années 1900. De lointaine ascendance juive – en fait, elle avait été élevée dans le luthérianisme – et psychanalyste, elle aurait été persécutée à ce double titre dans son grand âge par le régime national-socialiste. Le film débute par cette apothéose, si l’on ose dire, avec des autodafés de ses œuvres par le régime politique détesté par excellence au cinéma. Puis, à travers les entretiens avec un biographe inattendu, est déroulée sa vie.
 
Cette vie s’avère du point de vue historique, bien remplie, et passionnante. Lou Andreas-Salomé est née au milieu d’une dix-neuvième siècle dans une famille de la bourgeoisie allemande de Saint-Pétersbourg, la capitale de la Russie. Elle s’est rebellée, adolescente, contre une éducation luthérienne stricte, sous l’influence d’un pasteur très libéral, et, quoique père de famille et beaucoup plus âgé qu’elle, intéressé par sa personne…Ainsi, le protestantisme libéral a servi de sas à la perte de la foi, et l’inconduite d’un tel pasteur n’a certainement pas aidé. Lou Andreas-Salomé a ensuite étudié en Suisse, voyagé dans toute l’Europe, dont l’Italie, avant de se fixer dans sa patrie culturelle, l’Allemagne. Elle a été l’amie de Nietzsche, Rilke, et de Freud, et même la disciple de ce dernier. Elle l’aurait amené à permettre l’accès des femmes à la profession de psychanalyste. Ce n’est pas impossible, mais il faut alors rappeler que la psychanalyse est une fausse science. Les quelques réflexions justes, énoncées dans le film, qu’elle propose à son dernier patient, ne relèvent que du simple bon sens.
 

Lou Andreas-Salomé, pour les seuls germanistes et historiens

 
Ainsi, le problème du film est qu’il est exclusivement hagiographique, sur l’ensemble du parcours de Lou Andreas-Salomé. Nous ne trouvons pas admirables, bien au contraire, le féminisme, l’athéisme, le freudisme, et leur application pratique, la grande liberté sentimentale, voire sexuelle, de l’héroïne. Avec une bonne conscience constance et formidable, elle a fait souffrir bien des hommes, dont Nietzsche, et beaucoup d’autres oubliés, y compris un mari excellent humilié publiquement… Le contraste est saisissant entre l’homme romantique allemand, très sentimental –beaucoup plus qu’un Français – et cette femme au fond cynique, guidée par ses seuls plaisirs et caprices.
 
Lou Andreas-Salomé reste néanmoins intéressant pour les germanistes ou historiens, et eux seuls.
 

Hector JOVIEN

 
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