Banque Centrale européenne : l’étape du rachat d’obligations d’Etat

Banque Centrale europeenne rachat obligations Etat
 
Pour répondre à l’attente qui se faisait de plus en plus pressante, tenter de soutenir la zone euro dans les difficultés liées à la crise, voire pallier les indiscrétions d’un François Hollande, la Banque centrale européenne a franchi jeudi une nouvelle étape monétaire en lançant un programme de rachats d’obligations d’Etat, ce qui lui permettra d’injecter des centaines de milliards d’euros dans le système financier lié à la monnaie unique, en espérant relancer ainsi tant le crédit que l’activité. Un espoir d’ores et déjà douché par les doutes de certains pays, Allemagne en tête, ou institutions internationales, telles le FMI, qui estime l’effort insuffisant.
 
Avec les quelques mesures déjà prises auparavant (rachats de titres privés, crédit bon marché accordé aux banques), l’institution monétaire européenne injectera désormais 60 milliards d’euros dans l’économie chaque mois, à compter du mois de mars, et jusqu’en septembre 2016, date à laquelle l’opération devrait prendre fin, a déclaré son président, Mario Draghi.
 

Le programme de la Banque Centrale européenne

 
D’ici dix-huit mois donc, la Banque Centrale européenne, qui a en outre décidé jeudi de maintenir ses taux d’intérêt au plus bas (mais après avoir tellement tardé à le faire que le retard pris, pour des raisons qui n’ont pas arrêté la FED, bien au contraire, sera difficile à rattraper), aura ainsi créé plus de 1.000 milliards d’euros de monnaie supplémentaire, ce qui lui permettra de ramener son bilan au niveau qu’il connaissait début 2012. Une période de dix-huit mois qui est prévisionnelle, puisque, en l’évoquant, Mario Draghi ajoute qu’elle se poursuivra : « … quoi qu’il en soit, jusqu’à ce que nous constations un ajustement durable de la trajectoire d’inflation conforme à notre objectif d’atteindre des taux d’inflation inférieurs à mais proches de 2 % à moyen terme ». Il espère donc sans doute y parvenir plus tôt ; mais ce pourrait être aussi plus tard…
 
En pratique, les achats seront réalisés par les banques centrales nationales, à proportion de leur participation au capital de la Banque Centrale européenne, et coordonnés directement par l’institution de Francfort – pas question de prendre de risques, ceux-ci étant donc assumés par chacune des banques centrales concernées.
 

Le rachat d’obligations d’Etat pour créer de l’argent

 
En pratique aussi, la Banque Centrale européenne continue donc d’agir de façon autoritaire – pour ne pas dire totalitaire – en prenant des décisions de sa seule autorité, et toujours en fonction de son intérêt premier. Elle décide aujourd’hui des moyens de créer – au sens fort, c’est-à-dire à partir de rien – des masses de monnaie sur lesquelles nous serons amenés, évidemment, à payer des intérêts.
Si les marchés semblent avoir bien réagi à cette annonce, pourtant largement attendue, cette politique d’assouplissement quantitatif (« quantitative easing », QE) ne fait pas l’unanimité, les doutes sur son efficacité se manifestant fortement même si une assez large majorité s’est dégagée au sein du Conseil des gouverneurs – qui n’a pas même pris le soin de le soumettre au vote.
Ainsi Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, n’a-t-il pas caché, comme il l’avait déjà fait à plusieurs reprises, son opposition au rachat de dettes souveraines, compte tenu notamment du risque qu’il fait courir au contribuable allemand.
 
Berlin craint en effet que ceux qu’elle considère comme les mauvais élèves de la classe euro n’en profitent pour relâcher leurs efforts en espérant de cette façon renforcer la compétitivité de leur économie.
 

L’opposition allemande

 
Aussi, tandis que Mario Draghi annonçait les nouveaux termes de sa politique monétaire, Angela Merkel déclarait à Davos : « Quoi que fasse la Banque Centrale européenne, cela ne doit pas éclipser le fait que les véritables soutiens à la croissance doivent provenir des conditions créées par les responsables politiques. (…) Ce qui est important à mes yeux est qu’ils agissent avec encore plus de détermination pour régler les problèmes, plutôt que de penser qu’en gagnant du temps par le biais d’autres mesures, nous pourrions oublier les réformes structurelles. »
 
On ne saurait être plus clair !
 

Une étape « insuffisante » pour le FMI

 
Il n’y a pas qu’en Europe que se manifeste l’inquiétude des responsables politiques ou économiques face aux décisions de Francfort. Ainsi la patronne du FMI, Christine Lagarde, a-t-elle déclaré ce vendredi que le programme annoncé par Mario Draghi ne sera pas « suffisant » pour relancer l’activité en Europe.
 
A l’instar d’Angela Merkel, Christine Lagarde a donc insisté sur la nécessité, pour les pays de la zone euro, et notamment pour la France, de s’engager résolument sur la voie des réformes : « Il faut y aller ! », en s’inquiétant du « risque sérieux », pour la zone euro, « de très faible inflation voire de déflation ».
 
Un « risque sérieux » effectivement, tant du point de vue économique – qui ne comprend que, sans argent, l’économie, le développement économique, se trouverait complètement bloqué ? –, que du point de vue politique. Une panne économique obligerait effectivement à un repli pouvant aller, pour éviter un écroulement complet, jusqu’à une fermeture des frontières. Mais celle-ci est évidemment contraire à la politique, pour ne pas dire à l’idéologie, européiste.
 
Quoi qu’il en soit, on se félicite, aujourd’hui, de la baisse de l’euro. Comme on applaudissait hier à l’émergence d’une monnaie forte. Chacun des points de vue garde ses partisans, sans qu’il paraisse possible de les concilier – même si certains évoluent, à l’occasion, et sans complexe, sur des positions contradictoires. Mais le débat n’est pas nouveau. Nous y avons eu droit, pendant des décennies, à propos du franc fort…