Coups de force, pénuries et dictature : au Venezuela la colère contre Maduro s’étend au « petit peuple »

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Face à la quasi-dictature néocastriste de Nicolas Maduro, l’opposition vénézuélienne a manifesté jeudi dans chacune des 335 municipalités du pays afin de mettre à l’épreuve les forces de l’ordre du pouvoir en place. Le gouvernement fait face à une agitation croissante depuis deux semaines sur fond de grave récession malgré les immenses ressources pétrolières du pays. Signe inquiétant pour Nicolas Maduro, qu’en France Jean-Luc Mélenchon continue d’admirer, le petit peuple habitant les bidonvilles ou les quartiers populaires, clientèle traditionnelle du régime, a bloqué les rues et allumé des incendies. Dès mardi, une foule avait rompu un cordon de policiers protégeant un rassemblement où se produisait Maduro, l’interrompant, lui jetant des pierres et défiant sa protection rapprochée.
 

La dictature de Maduro au Venezuela provoque la colère du petit peuple

 
L’opposition, quoique très divisée, paraît portée par un mouvement populaire irrésistible. Elle exige une nouvelle élection présidentielle et la libération des prisonniers politiques. Son opération de jeudi était destinée à éparpiller les forces de police à travers tout le pays, réduisant leur capacité de résistance à la pression des manifestants. On dénombre cinq morts depuis le début de la semaine. Les dirigeants de l’opposition ont conscience d’avoir atteint un niveau optimal de mobilisation. « C’est un combat de résistants, dont l’objectif central est de faire sortir les forces de l’ordre pour voir qui cédera en premier », explique l’avocat d’opposition Freddy Guevara, cité par Reuters. D’ores et déjà, les opposants accusent la police et la Garde nationale d’utiliser sans retenue des gaz lacrymogènes, y compris dans les hôpitaux, et de détenir arbitrairement des personnes sous le seul prétexte qu’elles se trouvaient à proximité des défilés.
 

Maduro brandit la menace de la fin de l’Etat-providence – le petit peuple du Venezuela ricane

 
L’étincelle a été la véritable tentative de coup d’Etat menée par la Cour suprême en mars, en s’arrogeant les pouvoirs du Parlement, dans lequel l’opposition détient la majorité des sièges. Devant l’indignation internationale, la Cour avait renoncé mais le mal était fait : les institutions perdaient ce qui leur restait de légitimité. La situation s’est encore aggravée lorsque le Tribunal suprême a condamné à quinze ans d’inéligibilité le jeune chef de l’opposition parlementaire, Henrique Capriles (centre-gauche), qui faillit l’emporter face à Nicolas Maduro à la seconde présidentielle de 2012 à l’issue de laquelle il obtint 49,1 % des voix. Le prétexte : des irrégularités dans la gestion de l’Etat de Miranda dont il fut gouverneur jusqu’en 2012, en lien avec une ramification du scandale Odebrecht.
 
Face au défi que lui pose ce quasi-soulèvement, avec son cortège d’affrontements et de saccages, Nicolas Maduro compte sur l’effet qui avait sauvé son prédécesseur Hugo Chavez d’une gigantesque manifestation d’opposants suivie d’un coup d’Etat avorté en 2002, grâce à une partie de l’armée et à des manifestations pro-Chavez. Il a aussi brandi la menace d’une destruction de l’Etat-providence, qui arrose la population de subventions et permet au régime de tenir grâce à la rente pétrolière. L’opposition lui a répliqué que son Etat providence a d’ores et déjà été mis à bas, la crise économique ayant entraîné des rationnements de médicaments et de denrées alimentaires.
 

Une inflation de 1.660 % en 2017, pénurie des produits de première nécessité

 
Le pays est au premier rang mondial pour ses réserves prouvées en hydrocarbures. Contrairement à la situation de 2002, les cours du pétrole ont chuté et le Venezuela subit une inflation vertigineuse (1.660 % prévus en 2017) « tirée par une pénurie de l’offre des biens de consommation et des produits de première nécessité », relève le dernier rapport de la Coface.
 
Le pays se prépare pour mercredi prochain à « la mère de toutes les manifestations », organisée par l’opposition. Il n’est pas certain qu’elle fasse long feu comme celles du premier semestre 2014 qui avaient fait trembler le pouvoir sans parvenir à le renverser après de violents affrontements entre pro et anti-Maduro et une brutale répression. Le bilan s’était élevé à 43 morts.
 

Matthieu Lenoir