La Russie s’appuie sur l’Eglise orthodoxe pour faire de l’« éducation patriotique »

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C’est un plan quinquennal nouvelle manière : la Russie vise à mettre en place un nouveau cycle confié au ministère de la Défense en vue de renforcer l’« éducation patriotique » et la volonté des jeunes de défendre militairement leur patrie, le tout en lien étroit avec l’Eglise orthodoxe. Ce plan fait suite au cycle en vigueur depuis 2010, lorsqu’un programme gouvernemental spécial a prévu de surveiller l’éducation « militaro-patriotique » de la population.
 
Il s’agit de donner à la population un plus grand sens de sa « responsabilité » par rapport à la destinée du pays et lui donner une meilleure conscience de l’histoire nationale et de l’épopée des grands hommes russes des temps passés. L’objectif n’est pas seulement de renforcer cette « conscience nationale » mais aussi de faire progresser le recrutement militaire : les autorités visent une augmentation de 10 %, en commençant le plus tôt possible.
 

L’Eglise orthodoxe russe associée au ministère de la Défense pour former les jeunes

 
Aux termes du plan actuellement en préparation, rapporte la source catholique AsiaNews, « l’Etat entend instiller dans les enfants âgés de 1 à 6 ans des valeurs spirituelles fondées sur “l’amour, la bonté, le travail, l’amitié, l’honnêteté et une meilleure connaissance de la patrie ». Comment y parvenir ? En mettant en place des clubs pour les très jeunes à dominante sportive et militaire.
 
A l’heure actuelle, nombre des clubs déjà existants sont en lien avec l’Eglise orthodoxe, mettant l’accent sur les valeurs religieuses, tels le « Club orthodoxe patriotique de Saint-Spyridon » lié à la cathédrale de Lomonosov, près de Saint-Pétersbourg, créé en 2010. Arts martiaux, maniement des armes, techniques de survie sont au menu. Les jeunes enrôlés dans ces clubs sont préparés aux tâches militaires en même temps qu’on les « intègre dans l’Eglise, par le sport et le renforcement de l’orthodoxie ».
 
L’articulation Eglise-Etat se fait notamment par le biais des fonds publics : les clubs sont financés directement par le patriarcat de Moscou qui lui même reçoit l’équivalent de 35 millions de dollars de l’Etat chaque année en vue d’organiser des activités qui font la promotion des valeurs spirituelles traditionnelles et du patriotisme pour tous les âges. Il y en aurait actuellement une centaine de répertoriés, mais le chiffre réel pourrait être bien plus élevé selon Meduza, et sous le régime du nouveau plan en préparation les fonds débloqués par l’Etat devraient augmenter de 10 % pour l’ensemble de la période quinquennale.
 

L’« éducation patriotique » des très jeunes subventionnée par la Russie

 
Le ministère de la Défense se réjouit d’ores et déjà de voir le nombre de candidatures en vue de rejoindre les écoles et académies militaires de la Russie en forte augmentation : il a doublé en 2014. Une candidature sur six est retenue.
 
Chez les plus jeunes, et même les très jeunes, ce sont les parents qui sont à l’origine d’un intérêt plus marqué pour la chose militaire et la défense de la patrie puisque ce sont eux qui inscrivent de plus en plus massivement leurs enfants dans ces clubs aux allures militaires et attachées aux valeurs traditionnelles.
 
On peut évidemment s’en réjouir pour les Russes qui s’intéressent de manière de plus en plus évidente à leur histoire nationale, longtemps mise sous le boisseau et même censurée par la volonté du communisme révolutionnaire qui fonctionne selon le principe de la tabula rasa.
 
D’un autre côté, la coopération entre l’orthodoxie – qui demeure profondément hostile au catholicisme – et l’Etat russe, qui n’a pas coupé en profondeur les liens avec l’ère soviétique, peut inquiéter les Russes eux-mêmes. Quant aux Occidentaux, vus comme les ennemis potentiels de ce système, ils sont eux-mêmes en proie à l’oubli ou à l’occultation de leurs racines, à travers les « Educations nationales » elles-mêmes qui organisant la « déculturation » des jeunes, de plus en plus privés de la connaissance de l’histoire.
 

Anne Dolhein