La Chine annonce des réserves d’or très inférieures aux estimations ; offensive concertée sur le prix

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La presse financière n’y croit guère : la Chine, qui s’était abstenue d’évaluer ses réserves d’or depuis 2009, vient d’annoncer qu’elle détient 1.658 tonnes du métal précieux, soit 60 % de plus qu’il y a six ans, mais ce chiffre très inférieur aux estimations ne convainc pas. Et ce même si la Chine est à cette aune à la sixième place des détenteurs d’or, derrière les Etats-Unis, l’Allemagne, le FMI, l’Italie et la France, devançant désormais la Russie. Depuis la publication du chiffre, vendredi, on a assisté à une offensive sur les prix alimentée par des ventes semble-t-il concertées.
 
Lundi matin, le prix de l’once sur les marchés asiatiques a chuté de 3,8 % en quelques secondes : l’arrivée subite de 33 tonnes d’or avant 9 h 30 du matin sur le marché de Shanghai – alors qu’ordinairement, il s’en échange 25 tonnes au plus au cours d’une journée – a provoqué cette chute spectaculaire en deux minutes, suivie d’une remontée de moindre importance. L’once est passée de 1.134 dollars à 1,087 pour atteindre quelque 1,114 dollars quelques heures plus tard.
 
Le Telegraph y voit une opération de spéculateurs puissants qui ont réussi à faire chuter le prix de l’or à son plus bas niveau depuis cinq ans en même temps que les prix des matières premières baissent aussi et que la Réserve fédérale des Etats-Unis veut durcir sa politique monétaire. Au total, entre la Chine et le marché de New York, ce sont 57 tonnes d’or qui ont changé de mains lundi. La concomitance des opérations fait croire que l’objectif était de faire baisser la confiance dont jouit le métal précieux : sur le Globex à New York, juste après l’ouverture, tard dans la soirée de dimanche, c’est aussi en 2 minutes qu’un volume important à changé de mains : 24 tonnes.
 

Offensive concertée sur le prix de l’or à Shanghai et à New York

 
La remontée des prix, souligne Ross Norman, spécialiste du marché de l’or chez Sharps Pixley, a permis aux spéculateurs de récupérer des profits « jackpot » grâce à leurs options détenues par ailleurs.
 
Les opérations étaient manifestement très calculées et sont intervenues, en outre, à un moment où les Bourses japonaises étaient fermées pour cause de congé.
 
La chute de l’or a pour corollaire, en l’occurrence, la montée du dollar américain, qui s’annonce beaucoup plus attractif en raison de la remontée des taux de la Fed pressentie pour septembre. Autant dire que les cours pourraient encore chuter, une crainte qui se retrouve dans la chute généralisée des cours des actions des mines d’or.
 

A quoi joue donc la Chine ?

 
La Chine a actuellement tout intérêt à ce que cet état des choses perdure. Elle possède d’importantes réserves de dollars parmi la totalité de ses réserves de devises étrangères, soit 3.700 milliards de dollars. Comme les autres pays émergents d’Asie, elle cherche à limiter sa dépendance au dollar, qu’elle a intérêt à vendre au prix fort. Et elle cherche à faire accepter par le FMI l’entrée du yuan dans le panier global de la valeur des monnaies pour en faire, à terme, une monnaie de réserve. Une perspective qui donnerait tout son sens à une offensive sur le dollar, aujourd’hui prématurée.
 
En annonçant des réserves d’or relativement modestes, par rapport à ce qui était attendu, la Chine protège cette politique en même temps qu’elle évite de déstabiliser le marché de l’or de manière importante, estime l’analyste David Marsh, du forum monétaire OMFIF : une annonce de réserves de plus de 2.000 ou 3.000 tonnes serait apparue comme hostile à l’égard du dollar au « moment délicat » de ses négociations avec le FMI.
 

Les réserves d’or annoncées par la Chine inférieures de moitié aux estimations

 
Mais les analystes sont nombreux à juger que la Chine possède au moins 3.000 tonnes d’or – voire 4.000, s’il faut en croire Ross Norman. Ce qu’elle annonce est incohérent avec sa position de premier producteur mondial d’or.
 
C’est une division de l’Armée de libération du peuple – la puissante armée de la Chine communiste – qui est chargé d’extraire de l’or dans ce pays qui possède d’importantes réserves minières et qui cherche à s’imposer comme maître du marché du métal précieux. Une fois extrait, l’or est directement transféré au ministère des Finances, en dehors des circuits commerciaux habituels. Le gouvernement communiste achète également de l’or directement aux producteurs : une transaction interne que la Chine peut éviter de faire figurer parmi ses réserves externes.
 
L’acquisition d’or – à l’instar de ce qui se passe dans les autres pays asiatiques émergents – permet d’alléger la dépendance à l’égard du dollar et en même temps contribue à donner au yuan une assise qui peut lui donner une position dominante. Et ce alors que la Russie voit ses réserves d’or diminuer à mesure qu’elle doit vendre pour compenser la chute des cours du pétrole et les effets de la crise ukrainienne. Quant aux autres pays émergents, qui dépendent lourdement à l’heure actuelle de leurs emprunts en dollars, ils risquent de devoir vendre de l’or aussi si les taux d’intérêt sur le dollar grimpent.
 
Bref, on assiste à un jeu de pouvoir dont l’objectif, côté chinois, semble bien être de faire basculer le centre de gravité du monde économique et financier de son côté.
 

Anne Dolhein